lundi 9 juin 2008

Le loup dans la bergerie


Comme je le mentionnais dans le billet précédent, hier soir était diffusé le documentaire Le dernier mot (une réalisation d'Antoine Laprise... lui-même metteur en scène... Le Loup bleu, c'est lui!) portant sur le critique honni, Robert Lévesques.

Documentaire? Règlement de compte? Hommage? Je l'ignore. Mais son visionnement laisse parfois une étrange impression: quand il est question de l'homme, le monstre se partage le démagogue qui lui même se partage le tyran... Quand il est question du milieu théâtral, on dirait une meute jappante et frileuse (sur ce point, j'acquiesce!)... qui jamais n'aura le courage de ses opinions, qui se braque violemment pour mieux encenser par la suite.

C'est une histoire d'incompréhension, d'exigences trop élevées (!), de mégalomanie...

Non. Finalement, l'enjeu et le véritable intérêt de ce documentaire est ailleurs, dans le commentaire sur la critique...

Dans sa définition par Brigitte Haentjens: le critique est doit être un témoin artistique porteur d'une certaine culture... c'est-à-dire qu'il doit être capable de démonter un minimum de sens historique, de situer une oeuvre dans l'ensemble de la dramaturgie, de la situer par rapport aux oeuvres du même auteur (écrivain, metteur en scène), de la situer par rapport à d'autres lectures de cette dite oeuvre, de faire des rapprochements, des recoupements. Pour terminer ce segment, Madame Haentjens déplore le fait qu'aujourd'hui, malheureusement, il ne semble plus y avoir de place pours discourir sur l'art.

Une courte entrevue m'a particulièrement intéressé. Sur le lien entre le lecteur et le critique. La voici dans une transcription quasi-intégrale (j'ai seulement gommé les euh et les parce que qui devenaient lourds à la longue tout en essayant de préserver le rythme et les spécificités de l'oralité):

ANTOINE LAPRISE (réalisateur): La relation qu'un spectateur-lecteur entretient avec son critique... c'est pas une servitude?

MARIE-HÉLÈNE GRENIER (maîtrise, Université Laval): Au contraire! Par exemple: je suis avec vous aujourd'hui et je défends Lévesque... dans une certaine mesure... alors qu'il y a plusieurs idées que Lévesque va émettre avec lesquelles je suis pas du tout d'accord. Donc, ce qui est important pour moi avec Lévesque c'est: je le connais; je sais de plus en plus ce qu'il pense et pourquoi il le pense. Donc, je discute avec lui. C'est très très fort en France. Le lectorat connaît son critique. Le lectorat sait que tel critique a telle idée du théâtre, aime plutôt tel type de production, moins tel autre. À ce moment-là, c'est vraiment le concept de discussion.

Au Québec, il semble que la discussion ne soit pas aussi développée... sinon reconnue dans le discours sur la critique. Quand on reproche des choses à la critique, c'est comme si on prenait le spectateur pour quelqu'un mais tout-à-fait victime d'un discours qui lui tombe dessus. Comme si cette personne-là ne serait pas apte de faire la différence entre le discours critique et ce qu'elle pourrait voir...

Ce concept de discussion, cette façon de définir la critique, c'est ce à quoi je crois profondément.

lundi 2 juin 2008

NONO [nouveau journal d'une mise en scène]




Nono est un texte vraiment agréable à travailler. Il est drôle, dynamique (il y a un nombre incalculable d'«entrées-sorties»!)... et apparaît soudainement fort complexe...

Par exemple, l'Acte I... Cet Acte tient, pour fonction (supposément simpliste!), le rôle de présentateur. On y rencontre, en effet, tous les personnages. Le hic, car il y en a un, c'est que ceux-ci sont présentés pas tant en caractère qu'en duo: Robert et Madame Weiss, Robert et Nono, Robert et Jacques, Robert et Jules, Jacques et Nono, Jacques et Madame Weiss, Madame Weiss et Nono. Chacun de ces duos (générateurs d'actions dramatiques présentes et futures) révèlent une facette particulière de chacun de ses protagonistes. Chaque emploi comporte différentes personnalités... selon la personne qui lui fait face.

L'Acte II, pour sa part, tourne exclusivement autour du seul couple Robert-Nono. Tous les autres intervenants (la femme repentante et vengeresse, l'homme de retour et colérique, le majordome volage) ne sont, en fait, que des satelittes en orbites... C'est l'Acte des collisions, l'Acte des interférences dans le jeu amoureux des principaux personnages.

Si les Actes I et II sont quelque peu paroxystiques, l'Acte III baigne dans un vide de lucidité. Les personnages s'y présentent sous leur vrai jour. Les duos, si importants depuis le début de la pièce, sont manifestement tous dysfonctionnels... quand ils existent toujours... Il ne s'agit pas de recouvrer sa liberté ni de souffrir la perte de l'être cher. Non. C'est un abandon (et encore... le terme est trop qualificatif)... C'est le mur d'indifférence qui se dresse alors que tout est réglé. C'est l'ennui, la lassitude provoquées par le manque de défi, l'absence d'engagement.

ROBERT: M'aimes-tu?
NONO: Ben, il me semble.
ROBERT: Tu as de l'amitié pour moi?
NONO: Non! Nous ne nous connaissons depuis trop peu de temps. tu demandes trop de choses, mon chéri. tu fais la gueule? Allons. Voyons... Est-ce que je te plais?

Bref, le couple est en valeur... et il est placé sous les assauts incessants du cynisme, de l'ironie, de la trahison et de la cruauté.