dimanche 1 septembre 2024

Quand le Progrès du Saguenay veille sur la morale...

En me promenant dans les archives journalistiques de BAnQ, je suis tombé sur ce petit article du Progrès du Saguenay du 28 juillet 1927:


Un tout petit article - écrit dans la même lignée que nombre d'autres articles qui vilipendent sur différents tons l'immoralité du théâtre - qui titille quand même la curiosité. Quelle est cette Troupe française qui a déjoué la morale? Quelle pièce a causé cette commotion? Serait-ce celle-là dont il est question dans la même édition?


Il y aurait donc là un bon contraste entre Chicoutimi et Roberval... Serait-ce celle-là - la même? - qui était annoncée quelques jours auparavant, le 19 juillet 1927?


Eh bien oui. C'est bien cette troupe. Et le problème tient justement au répertoire... comme l'explique cet article, le 21 juillet 1927 (que j'ai déjà publié ici):


Le lendemain (22 juillet 1927), un petit compte-rendu illustre bien comment de troupe attendue elle devenue troupe indésirable:


Et le 27 juillet 1927:


samedi 31 août 2024

«Artourne che-vous!»


Quel accueil faire à Réjane, grande actrice française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (contemporaine de Sarah Bernhardt), quand elle débarque en ce Québec du temps? 

Voici le message passé dans le très conservateur journal La Croix, de ce 14 janvier 1905:


Pour d'autres informations sur cette visite, il est possible de faire de petits détours sur ce blogue, ici et ici


jeudi 25 juillet 2024

Du rapport aux pièces classiques


Les œuvres des auteurs classiques, surtout des tragiques français, ont longtemps souffert d'un mode de présentation qui, sous couleur de respect, leur enlevait toute vie. 

[...] C'est ce qui peut expliquer la singulière légende que les classiques sont ennuyeux. On ne percevait plus l'oeuvre à travers la manière de la jouer.

[...] Mais les prétendus morts n'étaient qu'endormis. 

[...] Il peut paraître tentant, à première vue, de se rapprocher de la représentation originale et d'évoquer - sinon de reconstituer - les conditions dans lesquelles les œuvres ont été créées. [...] De telles reconstitutions, fussent-elles parfaites, ne sont toutefois que des expériences pour les intellectuels: intéressantes, curieuses, pleines d'enseignements. [...] Serait-ce servir la tragédie que de ressusciter ces conditions dans lesquelles elle fut créée? Ne risquerait-on pas plutôt de justifier ainsi sa légende d'ennui, ou de paraître le faire? Ne faut-il pas être infidèle à la matière pour rester fidèle à l'esprit?

Il ne s'agit pas de copier, de reconstituer, de restaurer. Le problème est de suggestionner le spectateur d'aujourd'hui, afin qu'il  retrouve devant le chef-d'œuvre la sensibilité du spectateur d'autrefois. Pour atteindre ce but, tous les moyens seront légitimes. Rendre à l'action son mouvement, sa puissance d'émotion, tout est là. Une pièce classique n'est pas un texte sur lequel on se penche pour le disséquer comme sur un cadavre. C'est un être toujours vivant en qui nous voulons intensifier la palpitation de la vie.

C'est là une longue citation de Gaston Baty (tirée de son ouvrage Rideau Baissé paru en 1949 chez Bordas) qui me parle particulièrement parce qu'elle définit, en un sens, mon propre rapport aux textes du répertoire sur lesquels j'ai travaillé au cours des dernières années. 

J'aime cette idée d'être infidèle à la matière pour en rester fidèle à l'esprit qui place le metteur en scène dans une quête d'efficacité scénique avant une quête de faire entendre un texte. De se laisser porter par la conviction théâtrale avant la conviction littéraire.

mercredi 24 juillet 2024

De l'Église comme protectrice du théâtre

L'un des sujets récurrents de ce blogue est l'opposition de l'Église au théâtre. Cette récurrence occulte pourtant un fait indéniable, beaucoup plus nuancé.

Dans toute l'histoire du théâtre (tant la nôtre que celle universelle), l'Église occupe souvent (et longtemps) un rôle paradoxal: de contemptrice de l'art dramatique à ennemie acharnée contre les jeux et les comédiens n'hésitant pas à lancer les anathèmes et les excommunications, à exercer la mise à l'index et la censure... elle est aussi la précieuse gardienne de la tradition dans les moments chaotiques et les passages à vide (par les guerres, les famines, les bouleversements sociaux) et sait se faire creuset d'un renouveau scénique. 


Gaston Baty - l'un des quatre grand metteur en scène du Cartel français - y va d'une bonne métaphore dans Rideau Baissé, paru chez Bordas en 1949:

Aux nécropoles égyptiennes, pour nourrir l'âme toujours errante, les prêtres ont enseveli près du mort des grains de blé, et dans la nuit des chambres sèches, le blé ne s'est pas corrompu. Lorsque les hommes osèrent violer la paix millénaire des sépulcres, ils brisèrent les vases où dormait la semence et la rendirent à la bonne terre humide sous le soleil. Et le blé deux fois plus vieux que le christianisme est de nouveau monté en épi. Ainsi l'Église, durant les siècles noirs [entre l'Antiquité et le Moyen-Âge], préservait la semence du Drame.

Toujours selon Baty, ce que l'Église à combattu par ses Pères, ce n'est pas le grand répertoire - Eschyle, Euripide, Sophocle, Aristophane et quelques Latins - mais la déchéance de ces genres qui ont mené vers la pantomime grivoise et licencieuse. Sans elle, le théâtre aurait cessé d'exister. Rien de moins.

Puis la terre trembla sous le galop des hordes. [...] Le monde antique avait été submergé sous les invasions barbares, et, pareils aux pêcheurs qui parfois écoutent les cloches de la ville engloutie, quelques clercs gardaient seuls le souvenir confus de ce qui avait été le Drame. Alors, toutes les lumières éteintes, hormis la lampe des sanctuaires, l'Église offrit asile aux débris des antiques civilisations. Elle rangea au long de ses nefs les colonnes des temples ruinés, ouvrit les couvent aux vieux poètes, et recueillit dans la liturgie, le principe essentiel du Théâtre.

C'est par l'Église que viendront les mystères et les jeux. C'est de ses parvis que s'élanceront les farces et le théâtre profane. C'est, à notre niveau, par elle que le germe théâtral continuera dans une Nouvelle-France austère et dans une colonie britannique aux enjeux identitaires. C'est par elle, enfin, que la professionnalisation québécoise prendra ses racines.

mercredi 3 juillet 2024

Quand un maire se dresse contre la censure!

Le journal Le Soleil du 24 mai 1907 rapporte les propos du maire de Montréal (ici Henry Archer Ekers, qui le fut de 1906 à 1908) qui s'oppose à la création d'un comité de censure, tel que demandé par les autorités religieuses:



mardi 2 juillet 2024

Un peuple contre le théâtre!

Tout un peuple contre le théâtre! Rien de moins. Cette thèse idéaliste - et quelque peu rétrograde avec nos yeux bien contemporains - a été publiée dans La Presse, en ce 3 avril 1907:



lundi 1 juillet 2024

La censure et les «idées nouvelles»

Un autre petit morceau de rhétorique contre le théâtre venu cette fois du journal La Vérité du 23 novembre 1907:


Pour en savoir plus sur ledit Arsène Bessette, visitez ce lien.

dimanche 30 juin 2024

Quand la censure est attaquée...

Dans ce beau début du XXième siècle, la moralité et la vertu se battent férocement contre le théâtre, école du vice. Le puritanisme veille. Au point où il attaque même la censure, l'accusant de souplesse et de complicité dans la dépravation des moeurs. 

En témoigne cette réplique du censeur du Théâtre des Nouveautés, publiée dans Le Nationaliste du 19 janvier 1908, qui recadre le débat en donnant une explication de son travail:


Pour en savoir plus sur cet Albert Lozeau, visitez ce lien.


samedi 29 juin 2024

La construction du personnage

Le personnage est, fondamentalement, une dynamique interrelationnelle en ce sens où oui, il vient du comédien... mais il restera incomplet tant que l'autre - partenaire, spectateur - ne participera pas à sa construction par sa façon de réagir à ce personnage, de le rendre (ré)actif, de lui donner une épaisseur de réalité.

C'est pour ça que généralement, comme metteur en scène, je m'intéresse beaucoup plus à la recherche, la mise en place des actions et des réactions (un système essentiel au développement de l'énergie scénique) qu'à la quête individuelle du personnage, à savoir comment il se déplace, comment il bouge, comment il parle. 

Le personnage, au fond, doit être simultanément un émetteur d'impulsions pour l'autre et un catalyseur des impulsions émises par cet autre. C'est de cette dynamique interrelationnelle que l'incarnation s'imposera de plus en plus et que le personnage trouvera une forme efficace.  

dimanche 23 juin 2024

Comédien ou acteur? - une autre nuance!

Pourquoi un tel titre? Parce que que ce fut là le sujet d'un autre billet, sur ce blogue, le 17 avril 2008 (on peut le lire ici).

Voici une autre nuance, apportée par Aristippe Bernier de Maligny dans le Nouveau manuel théâtral théorique et pratique publié en 1854:


samedi 22 juin 2024

État d'âme

On regarde les autres.
On se compare.
Toujours. 
Même s'il n'y a pas d'enjeu.

Pourquoi?
C'est comme ça.

Suis-je trop?
Suis-je pas assez?
Les (remises en) questions se font nombreuses.

Où est-ce que je me situe dans ce milieu?

Je ne donne pas dans l'emphase.
Je ne suis pas expansif.
Je suis plutôt flegmatique.

Ma passion est froide.
Déterminée, oui.
Sans excentricité.

Je ne suis pas un animal grégaire.
Pas un être de groupe.
Pas un être d'amis. 
Je n'ai pas d'entourage à proprement parlé.

Mon théâtre est affaire de collègues.
De professionnels.
De travailleurs. 

Pas de retrouvailles.
Pas d'effusions.
Pas de familiarité. 
Pas de liens personnels.
Pas de collégialité.

Du théâtre.
Par le théâtre.
Pour le théâtre.

Je suis allergique à l'art comme recherche sur moi.
L'art comme quête spirituelle.
L'art comme croissance personnelle.

Ma reconnaissance est dans mon application.
Ma gratitude dans mon engagement. 

Mes salles de répétition n'ont pas à laisser entrer le quotidien.
La séparation est nette en la vie réelle et celle en devenir.

Je suis exigeant.
Toujours.
Avec des attentes élevées.
Intransigeant devant l'incompétence.
Sévère devant la paresse.
Intolérant face aux pertes de temps.
Au je-m'en-foutisme qui apparaît parfois.

Mais.

Avec une patience quasi inépuisable pour le boulot.
Une sensibilité à l'état de mes interprètes.
Une attention au contexte de travail.
Une souplesse pour accommoder mes comédiens.

Parce qu'il y a aussi une vie réelle à côté de celle en devenir.

Mon théâtre n'est pas loisir.
Le plaisir se déploie dans la rigueur.
Le professionnalisme à l'avant-plan.

Dans ce cadre, j'accorde toute ma confiance à mon équipe.
Et mon soutien est entier.
M'assurant que tous arrivent à bon port. 
Avec le plus d'aisance possible.

Pour moi le théâtre n'est pas événement.
N'est pas une fête.
Il n'est pas exceptionnel en ce sens où il est constant.
Omniprésent dans ma vie.

Je suis, je pense, fortement façonné par le théâtre.

C'est un outil de travail.
Un mode d'expression.
Une façon de penser.

Un mode de vie.

Et pour cette raison, une façon d'être.

Le contentement m'est étranger.
Tout comme la satisfaction. 

Parce que le théâtre est mouvant.
Instable. 
Nerveux.
Vivant.

Avec un but à atteindre.

Et c'est pour ça qu'il me plaît autant. 
Et qu'il me désespère.

dimanche 16 juin 2024

Mise en garde!

Voici un extrait d'une lettre publié dans Le bien public, journal trifluvien, en ce 9 avril 1914. Il faut lire avec attention cette mise en garde contre le théâtre qu'un membre de l'ACJC adresse à un ami... d'autant qu'il avoue ne pas fréquenter ce théâtre dont il parle!