mercredi 16 mars 2016

Théâtre moderne: source empoisonnée!

J'aime bien les diatribes de l'Église contre le théâtre... qu'elles viennent des Pères de l'Église du IVième au 8ième siècle ou des grands prédicateurs de l'époque classique... Ici, au Québec, l'histoire est aussi longue en cette matière, notamment sous la férule de deux figures majeures: Mgr St-Vallier (à la fin du XVIIième siècle) et Mgr Bourget (au milieu du XIXième siècle). Deux êtres qui vouaient une haine féroce envers la chose dramatique! 

L'ensemble des billets relatant ces fielleux écrits se retrouve ici.

Voici que je retrouve également une telle charge anti-théâtrale au Saguenay! À l'intérieur même de L'Oiseau-Mouche (le journal étudiant du Séminaire de Chicoutimi dont il était question dans le dernier billet), sous la plume de l'Abbé Henri Cimon, professeur de l'institution et futur curé de la mission de St-Joseph d'Alma. Cet assaut fait partie de ses Impressions de voyages (souvenirs d'un voyage en Europe et en Terre Sainte en 1891-1892) publiées dans ce journal  sous le pseudonyme de Laurentides. Le tout sera édité quelques années plus tard, sous le titre Aux Vieux Pays et sous son vrai nom (qu'un peut lire ici).


Donc, pour revenir au sujet annoncé... C'est donc en ces termes qu'il aborde, de son passage à Parie et à la Comédie-Française, le théâtre moderne, dans le première numéro du second volume du journal, en janvier 1894 (et en page 48-49 de l'édition citée plus haut):

Le théâtre moderne, voilà la source empoisonnée où va s'abreuver de gaieté de cœur une foule avide de plaisirs et de nouveautés; elle y puise l'esprit de légèreté, le goût des aventures romanesques et la dépravation des mœurs. 

Même ces pièces, prétendues bonnes par les familiers du théâtre, trop souvent ne sont pas sans danger, et renferment quantité de fausses maximes qui, à force d'être répétées, finissent pas pénétrer dans le cœur et l'Esprit de ceux qui ne cessent de les entendre, et pervertissent le sens moral. Le mal est encouragé sous milles formes différentes et spécieuses, et le bien relégué trop souvent au second rang. Autrefois, on mettait en scène les grandes passions qui se partagent le cœur humain, mais du moins on les reconnaissait facilement, et elles inspiraient de l'horreur; le théâtre contemporain tend à changer les rôles, et des paroles contraires aux saines notions du devoir et de la vertu, sont mises sur les lèvres des personnages honnêtes de la pièce.

Maintenant jugez des amusements qu'on se paye dans cette ville de Paris. La Comédie-Française donne des représentations tous les soirs, et chaque fois, galerie, parterre, loges de famille, toute la salle regorge de spectateurs. Et il en est ainsi dans plus de trente théâtres où se presse tout unmonde toujours impatient de nouvelles sensations.

Sur les minuits, toutes ces salles de spectacle se vident. Les rues se remplissent de la multitude qui s'en échappe, et prennent une recrudescence d'animation. 

Que de désordres une seule nuit de la grande capitale renferme dans ses plis ténébreux!

L'histoire ne dit pas s'il appréciait les Soirée dramatiques du Séminaire et s'il y participait... Peut-être... puisqu'il ne désavoue ici que le théâtre moderne... et non les vertus morales du théâtre classique!