mardi 23 juin 2020

Quand la danse inspire le théâtre



Dans l'histoire du théâtre - et plus précisément encore, dans l'histoire du théâtre de cette fascinante fin du dix-neuvième, début du vingtième siècle - de grandes réformes sont venues non pas de la littérature mais de la danse. Et fait remarquable dans cette histoire plutôt masculine, ces réformes sont portées par deux femmes: Isadora Duncan et aussi, sujet de ce billet, l'Américaine Loïe Fuller (qu'on peut voir dans la vidéo ci-haut captée autour de 1900... et/ou qu'on peut lire ici).

S'agit-il vraiment de danse? Oui, si comme le veut Loïe Fuller, la danse est d'abord mouvement, le mouvement expression d'une sensation, la sensation résultant de l'effet produit sur notre corps par une impression ou une idée. Le mouvement est pour elle le point de départ de toute expression, il est fidèle à la nature. Seul il traduit la vérité de la sensation.

La danse de Loïe Fuller se passe de décor, elle se déroule sur un fond de tentures uni, sombres, univers imprécis, capable de toutes les suggestions. [...]

La caractéristique essentielle des spectacles de Loïe Fuller réside dans la primauté de la lumière. Pour la première fois la lumière électrique devient un facteur essentiel du spectacle; colorée, mobile, elle joue sur le corps en mouvement de la danseuse qu'elle fait jaillir de l'ombre, elle joue sur les voiles de gaze que la danseuse, prise dans le feu du projecteur, agite ryhtmiquement. La forme mouvante n'est qu'un écran pour la lumière qui l'anime, la transforme à l'infini en une nouvelle féérie. S'il n'y a pas de décor au sens traditionnel du terme, la lumière crée le décor modulé comme une musique. Les couleurs se succèdent ou se marient ou se complètent selon des gradations concertées. Loïe Fuller qui, à ses débuts, ne conçoit que des danses éclairées chacune d'une lumière dotée d'une couleur déterminé, multiplie ses recherches: elle danse bientôt sur «une dalle de feu», elle envisage plus tard de projeter les colorations que recèle une goutte d'eau, elle crée des ballets phosphorescents, utilise des jeux de glaces, et joue de l'ombre portée. Spectacle où tout est fluide, sans signification trop précise, recherche formelle, prétexte au rêve, éveil de l'imagination. Elle ouvre la voie à une mise en scène fondée sur l'utilisation concertée de la lumière créatrice d'Espace et de métamorphoses visuelles, facteur émotionnel et dramatique. (Tiré du livre Le décor de théâtre de Denis Bablet).

Par son art, Fuller deviendra la muse incontestée  des symbolistes!

Bien sûr, la vidéo qui coiffe ce billet, avec son rythme saccadé (voire syncopé) du vieil appareil de prise de vues et sa colorisation en post-production, ne donne pas une juste idée de l'impression évanescente qui devait se dégager de son art. Voici plutôt ce à quoi cela devait ressembler (tiré du biopic de 2017 qui lui est consacré, La danseuse) dans un véritable contexte de représentation (avec, en prime, le son du tissus et la respiration!):