lundi 30 janvier 2012

Le miroir du CALQ

Le Théâtre 100 Masques a reçu la réponse à sa demande de subvention déposée en octobre dernier auprès du CALQ. Le projet en question était la prochaine production estivale de la compagnie, La Marmite d'après le texte antique de Plaute.

La réponse est négative. Encore. Et je sais que la présentation de notre dossier n'est pas à la hauteur de ce qu'ils devraient être. Que nos antécédents n'ont rien pour aider... Que nos archives sont de piètre qualité.

Pour toutes ces raisons, la surprise n'en est pas une puisque jamais nous n'avons reçu d'argent de leur part.

Un appel à notre agent nous donne toutefois les raisons de ce nouveau refus... en somme, le projet était jugé relativement bon (avec quelques bémols, bien entendu, sinon, nous aurions de l'argent) mais sans se démarquer des autres.... Avec une bonne évaluation pour les capacités de gestion et le montage financier. 

Le hic principal (mais encore une fois, je le redis, d'autres points ont été soulevés) concerne ce que, depuis le début du Théâtre 100 Masques, nous appelons notre mission sociale (voire notre mission fondamentale): accorder une place à la relève. L'objectif est valeureux et justifiable... mais difficile à prouver dans notre contexte de travail saguenéen ou cette dite relève est partout au fond.

Nous en sommes donc là. Et, comme directeur général et artistique de la compagnie, je crois qu'il est maintenant venu le temps de faire le ménage dans ce que nous sommes, dans notre façon de nous présenter, dans la définition de nos actions.  

C'est maintenant le temps (du moins, ça viendra) d'un nouveau Théâtre 100 Masques, plus affirmé qui arrête de s'enfarger dans les fleurs du tapis.


dimanche 29 janvier 2012

L'origine du théâtre au Canada (c'est-à-dire au Québec)...


Une dense page d'histoire couvrant plusieurs décennies de pratiques théâtrales au début de la colonie... qui vient du second volume de Notre histoire: Québec-Canada par Jacques Lacoursière,Claude Bouchard, Richard Howard, publié en 1972:

Le théâtre est né au Canada le 14 novembre 1606. Pour fêter le retour de Jean de Biencourt de Poutrincourt du pays des Armouchiquois, Marc Lescarbot compose une pièce en vers où il met en scène le dieu Neptune, les Tritons et des Amérindiens. La première partie de la pièce est jouée sur l'eau, la seconde l'est dans le fort de Port-Royal. La pièce se termine par une tirade de dix-huit vers qui invite les participants à un grand banquet: «Entrez dedans. Messieurs, pour votre bienvenue. Qu'avant boire chacun hautement éternue Afin de décharger toutes froides humeurs Et remplir vos cerveaux de plus douces vapeurs». Autre création théâtrale: en 1640, pour célébrer le premier anniversaire de naissance du Dauphin, le gouverneur de Montmagny fait exécuter une tragi-comédie «où l'âme d'un infidèle est poursuivie par deux démons». Le spectacle a un but apostolique: il doit frapper les spectateurs algonquins et, pour ce, on fait parler les démons en langue algonquine! Le père Paul LeJeune résume ainsi le scénario de la pièce: «Nous fîmes poursuivre l'âme d'un infidèle par deux démons qui enfin le précipitèrent dans un enfer qui vomissait des flammes. Les résistances, les cris et les hurlements de cette âme et de ces démons qui parlaient en langue algonquine donnèrent si avant dans le cœur de quelques uns, qu'un Sauvage nous dit à deux jours de là qu'il avait été fort épouvanté la nuit par un songe très affreux». A l'occasion de l'arrivée d'un gouverneur ou pour saluer monseigneur Laval, on compose des pièces en vers latins ou français. La valeur littéraire de ces œuvres, pour le peu qu'on en connaisse, laisse à désirer.

Pierre Corneille est l'auteur français le plus joué à Québec au dix-septième siècle. Le 31 décembre 1646, on interprète dans le magasin de la Compagnie de la Nouvelle-France, une pièce à succès: Le Cid. Le rédacteur du journal des Jésuites note pour cette journée: «Le dernier jour de l'an, on représenta une action dans le magasin, du Cid. Nos pères y assistèrent pour la considération de Mons, le Gouverneur, qui y avait de l'affection et les sauvages aussi; le tout se passa bien et n'y eut rien qui put mal édifier». Cinq ans plus tard, soit le 4 décembre 1651, on jouera une autre pièce de Corneille intitulée Héraclius.

Le clergé se méfie du théâtre. Monseigneur de Saint-Vallier avertit le gouverneur Denonville «que l'on ne croit pas qu'il soit bienséant à la profession du christianisme de lui (la fille du gouverneur) permettre la liberté de représenter un personnage de comédie, et de paraître devant le monde comme une actrice en déclamant des vers, quelque sainte qu'en puisse être la matière; et bien moins encore croit-on qu'on doivent souffrir que des garçons déclament avec des filles».

L'affrontement majeur entre l'autorité ecclésiastique et l'autorité civile pour une question de théâtre se situe en 1694. Le gouverneur Frontenac avait développé, à Québec, une certaine vie de cour où les banquets, les bals et les spectacles étaient assez fréquents. En 1693, des officiers de l'armée accompagnés de quelques dames organisent des représentations de théâtre; on présente deux pièces, Nicomède de Corneille et Mithridate de Jean Racine. L'année suivante, les gens de l'entourage du gouverneur décident de présenter une pièce controversée, Tartuffe de Molière. Le 10 janvier 1694, Monseigneur de Saint-Vallier demande aux curés de condamner le théâtre ainsi que l'instigateur prétendu de la représentation projetée, Jacques de Mareuil. Six jours plus tard, les paroissiens sont avertis que, s'ils assistent à la représentation du Tartuffe, ils seront coupables de péché mortel. L'évêque offre à Frontenac un montant de cent pistoles pour que la représentation n'ait pas lieu. Le gouverneur accepte le pot-de-vin épiscopal et il n'est plus question du Tartuffe! Dès la réception du montant, Frontenac fait distribuer la somme aux pauvres de la ville. Mais le théâtre disparaît pour un certain temps par suite des déclarations de l'évêque: «Nous déclarons que ces sortes de comédies  ne sont pas seulement dangereuses, mais qu'elles sont absolument mauvaises et criminelles, et qu'on ne peut y assister sans péché.»


Au théâtre, cette semaine! (du 29 jan. au 4 fév. 2012)

 
Il me semble que, depuis le début de l'année, le théâtre se fait attendre dans la région. C'est, présentement, le calme plat... ce qui ne veut pas dire qu'il ne se passe rien. Bien au contraire. Les équipes bossent chacune dans leur coin en vue des prochaines productions. On ne perd rien pour attendre...

Toutefois, pour cette semaine, ça ne donne pas de représentations publiques... À moins que je n'oublie des trucs... le cas échéant, on pourra me le faire savoir via les commentaires.

samedi 28 janvier 2012

Ébauche schématique de l'action théâtrale


Il s'agit là d'une première ébauche de ce qu'est le théâtre... car il faut revoir la définition des trois principales notions que sont la littérarité, la théâtralité et la performativité... ou du moins, réussir à intégrer, dans ce graphique la conscience, le choix et le libre-arbitre de l'acteur. Il manque également, pour le moment, tout le principe du dialogue avec le spectateur.

De Sacha Guitry...

 
Même si je suis intéressé par toutes les styles d'écritures, de l'Antiquité à notre époque, il reste que celui de Sacha Guitry me plaît toujours. Guitry c'est d'abord un esprit fin, avec le sens de la phrase, de l'aphorisme... et une vision du théâtre précise et surtout respectueuse du public. Comme celle-ci:

 Au théâtre, 
le public sait que nous sommes en scène 
bien plus encore pour son plaisir 
que pour le nôtre. 
Il sait aussi que, 
pendant que nous jouons, 
nous sommes en train de travailler.

Mais Guitry c'est aussi des pièces qui, sous une apparente simplicité, cachent presque toutes une cruauté morale, un sens aigu de l'observation trempé dans l'ironie, le cynisme et le sarcasme. Guitry c'est, enfin, une véritable mécanique de la conversation construite sur un rythme incomparable, une joute verbale. Un (dernier!) bon modèle, peut-être, de la pièce bien faite*.

Malgré ce dernier point qui peut lui être défavorable, il est intéressant de se rappeler que Guitry est, en fait, un contemporain des Courteline, Feydeau (qui lui a d'ailleurs servi de témoin lors de son premier mariage) qu'il a côtoyé... mais aussi - et peut-être pourrait-il y avoir des liens à tirer...) des grands dramaturges que sont Jarry, Ibsen, Maeterlinck, Tcheckhov (l'année où celui-ci présentait sa dernière pièce, La Cerisaie, Guitry présentait sa première, Nono), Strindberg et j'en passe... 

Si l'air du temps existe vraiment - cet air qui fait que des similitudes existent entre deux artistes qui ne se sont pourtant jamais rencontrés - l'oeuvre de Guitry devrait être abordée avec un nouveau regard.
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* D'après Michel Corvin (et son dictionnaire), la pièce bien faite (une notion très XIXième et début XXième siècle...) s'intéresse à la vie privée de ses personnages selon trois axes précis: la rationalité (tout s'explique); la progressivité (le conflit est linéaire et le mouvement est chronologique et régulier); la clarté (les personnages sont des types qui permettent facilement de comprendre les caractères). Le tout est surindiqué à coups de redondance et de procédés rhétoriques (gradation et concentration des effets, antithèses, hyperboles). Le «clou» résidant dans la (ou les) scène(s) à faire, sorte de climax de la tension dramatique ou de l'explosion comique.

vendredi 27 janvier 2012

Le confort du lieu théâtral...


Les descriptions théâtrales écrites à l'époque - que ce soit au XVIième ou au XIXième siècle... - me plaisent toujours autant. 

La poésie de l'art dramatique, c'est aussi son histoire presque trois fois millénaire. Du lointain à aujourd'hui, une évolution est en marche et pourtant... Il y a tout un monde entre leur façon de faire et la nôtre, toute pétrie de technologies et de remises en questions. Bien le saisir, comprendre où nous en sommes rendus, devient nécessaire... utile, à tout le moins.

Ma dernière trouvaille (merci à L'Art du théâtre d'Odette Aslan) est cet extrait d'un ouvrage d'André Jean Jacques Deshayes paru en 1822 qui établit les paramètre confortables (notamment en ce qui a trait à la lumière) du lieu théâtral...

Une salle de spectacle doit rassembler dans ses proportions une coupe élégante et commode, qui soit favorable à l'œil et à l'ouïe [...]. 

La manière d'échauffer  la salle est aussi importante que celle de la rafraîchir à volonté.

L'éclairage en bougie est préférable à tout autre, en ce que, d'abord il ne porte aucune mauvaise odeur, et moins de chaleur, et ne fait aucun tort à la lumière du théâtre, qui doit toujours avoir la supériorité pour l'effet général.

[...] L'éclairage avec le gaz épuré est excellent pour l'extérieur et seulement l'extérieur du théâtre, parce que, n'étant pas renfermé, son évaporation se fait moins sentir.

Cette lumière est parfaite pour l'effet de la scène. Par le moyen du gaz, on peut obtenir une graduation de clarté vraiment magique, et on ne serait pas obligé de faire des invraisemblances choquantes, lorsque l'action commande de passer du jour à la nuit [...]. Ce procédé serait une amélioration sensible tant pour l'économie, l'illusion, que pour la propreté des décors, en ce qu'ils ne seraient plus enfumés ni tachés d'huile.

Bref, de l'idéal au pragmatisme, il y a aussi tout un monde... 

jeudi 26 janvier 2012

Du positionnement esthétique...

Supposons une droite représentant les deux extrêmes de la quête théâtrale... à savoir soit une recherche d'autonomisation du corps, soit une recherche d'autonomisation de la scène qui surpassent deux autres éléments: le texte et l'image.


De cette façon, il devient plus facile de comprendre les positions historico-pratico-théoriques des prédécesseurs, des grandes figures de la mise en scène... et de les mettre en rapport les uns aux autres... comme ceci:


Évidemment, cette droite n'a rien de bien scientifique et m'est parfaitement subjective et peut se modifier (et se modifie effectivement à chaque fois que je la vois). 

Et s'il me fallait y positionner Artaud l'incompréhensible, je ferais ceci:


Peut-être, au fond, que la ligne n'est pas si efficace...

mercredi 25 janvier 2012

Les rôles du spectateurs

 
Les spectateurs ne sont pas simplement des témoins: sans eux, ce qui se passe sur scène n'aurait point d'existence a un jour écrit M. Henri Gouhier... qui fut cité par la suite dans l'ouvrage Molière ou la liberté mise à nu de Georges-Arthur Goldschmidt en 1973 aux éditions Julliard.

Ce dernier (Goldschmidt) poursuit: Or, en quoi le spectateur intervient-il? Quel est son rôle à ce spectateur pour qui et par qui la représentation a lieu? Sa fonction est à la fois essentielle et explicative: il est regard. Il est même le regard qui donne vraiment son sens au théâtre. Il est géométriquement le lieu où le spectacle se constitue comme tel. Toute relation sur la scène, toute situation est, telle qu'elle est, une, elle n'existe que ricochant sur le spectateur, qu'en se réfléchissant sur lui. Et le spectateur, comme tel, est celui qui réfléchit le spectacle qui s'adresse à lui. Il le réfléchit dans les deux sens du terme: il le répercute [...] et le réfléchit au moyen de sa conscience. La relation spectateur-spectacle est l'image exacte, la figuration de la conscience. Le spectateur est comme une conscience seconde de chacun des personnages et de tous à la fois. Simultanée et successive, particulière et s'attachant à l'ensemble, cette conscience ou ce regard du spectateur est, en fin de compte, le contenu derrière le contenu, la représentation théâtrale derrière la représentation théâtrale.

La définition est un peu hermétique mais elle n'en demeure pas moins intéressante dans sa tentative d'expliquer le lien nécessaire entre le spectateur et l'objet théâtral... Sans spectateur, le théâtre peut-il exister?


mardi 24 janvier 2012

«Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée» [Carnet de mise en scène]

Décidément, je découvre, depuis quelques temps, les diverses fonctions de mes programmes informatiques de bases ce qui me permet, d'une part, de faire de beaux graphiques (vive Paint!) et, d'autres parts, de faire des captures d'écran celles-ci, de Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée (tirées d'un document vidéo tourné lors des premières répétitions en 2004, avec les comédiens Marc-André Perrier et Isabelle Boivin):


Ces images, elles me plaisent bien... d'autant plus que nous sommes présentement de retour en salle de répétition afin d'affiner le jeu et les enjeux en vue d'une prochaine représentation saguenéenne et, bien sûr, de la sortie française en mars prochain.

Le temps a quand même bien passé depuis ces photos... En sept ans, les choses ont évolué. Ma façon de concevoir le théâtre aussi. 

Pour le moment - et mieux encore qu'à l'époque - nous nous attardons à solidifier le rapport entre le texte et les mouvements. En ce sens, le comédien ne doit pas s'énerver et prendre l'ensemble de la production, s'embrouillant du coup... mais plutôt suivre la partition du texte où les mots partagent le rythme avec une véritable ponctuation gestuelle.

Ça reste cependant toujours plus facile à dire qu'à faire...

lundi 23 janvier 2012

Comment il a écrit «Six personnages en quête d'auteur»

 (oeuvre illustrant la pièce dans sa version publiée dans la collection Classiques de poche)

La pièce Six personnages en quête d'auteur de Luigi Pirandello (écrite en 1921) est assurément l'une des pièces emblématiques du théâtre contemporain. Une pièce marquante. Troublante. Voici comment l'auteur en explique la genèse dans la revue Revue de Paris publiée en 1925:

J'ai écrit les «Six personnages en quête d'auteur» pour me délivrer d'un cauchemar.

... Je me trouvai en présence d'un homme sur la cinquantaine, en veston noir et pantalons clairs, avec les sourcils froncés, le regard revêche à force d'être mortifié; d'une pauvre petite femme en deuil de veuve, tenant d'une main une petite de quatre ans et de l'autre un garçon d'un peu plus de dix ans; d'une jeune femme hardie et provocante, vêtue elle aussi de noir, mais avec un éclat équivoque et tapageur, toute frémissante d'un dédain joyeux et mordant pour le vieux mortifié et pour un jeune homme d'une vingtaine d'années, qui se tenait distant et renfermé en lui-même, comme s'il méprisait tous les autres. En somme, c'étaient les six personnages comme on les voit maintenant apparaître sur la scène, au début de la comédie.


[...] Et ils attendaient, présents devant moi, chacun avec son tourment secret, et tous unis par la naissance et par le cours de leurs aventures réciproques, que je les fisse entrer dans le monde de l'art, en composant avec leurs personnes, leurs passions et leurs histoires un roman, un drame ou, pour le moins, une nouvelles. Ils choisissaient certains moments de la journée pour se représenter à moi, dans la solitude de mon cabinet, et tantôt l'un, tantôt l'autre ou deux à la fois, ils venaient me tenter, me proposer telle ou telle scène à représenter ou décrire les effets qu'on aurait pu en tirer... À un moment j'en arrivai même à une véritable obsession.
Une belle grande pièce...

dimanche 22 janvier 2012

Au théâtre, cette semaine! (du 22 au 28 janvier 2012)


Petite semaine sous le signe du Clown Noir...

Mercredi à samedi - 25 au 28 janvier 2012
Salle Murdock (Chic.), 20h

Le Théâtre du Faux Coffre présente en reprise, cette semaine, le solo coup de poing conçu et réalisé par Pascal Rioux, Le conte bancaire de Piédestal. J'en avais parlé ici. À (re)voir. Mais, encore une fois, mieux vaut réserver à l'avance (la salle est petite!) soit par téléphone au 418-698-3000 poste 6561 ou via la page Facebook de l'événement.

Jeudi - 26 janvier 2012
Salle Luc-Tessier (Poly. Camille-Lavoie), heures?

Encore du côté des Clowns Noirs... en représentations scolaires seulement! Le Théâtre du Faux Coffre donnera, dans ce cadre, deux représentations des Lectures de Diogène.
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Sinon, il y aussi - bien que ça n'ait strictement rien de spécifiquement théâtral!

Mercredi - 25 janvier 2012
Salle Jacques-Clément (Conservatoire de Chic.), 17h30

Le CRC tient son Assemblée générale annuelle. Il est important de soutenir cet organisme.

samedi 21 janvier 2012

François Pérusse au théâtre...

Petit samedi peinard... où la légèreté est de mise... comme ces capsules de François Pérusse...


vendredi 20 janvier 2012

Les vérités du théâtre... selon Peter Brook

 Peter Brook photographié par Michael Ward

Ce matin, à la recherche d'un sujet pour le billet présent, je tombe sur ces quelques vérités théâtrales édictées par Peter Brook à la fin de son ouvrage L'espace vide.

Répétition, représentation, assistance: ces trois mots résument les trois éléments indispensables pour que l'événement théâtral prenne vie. Mais l'essentiel reste à découvrir, car les mots sont statiques. Toute formule essaie de capter une vérité qui soit impérissable, alors que la vérité, au théâtre, est toujours en évolution.

J'aime bien la simplicité de Brook. Bien sûr, il dévoile sa propre vision du théâtre. Exigeante et rituelle. Profonde et efficace. Mais qu'on adhère ou non, sa façon de parler de son art est toujours admirable:

Dans la vie quotidienne, l'expression «comme si» est une fonction grammaticale; au théâtre, «comme si» est une expérience.

Dans la vie quotidienne, «comme si» est une évasion; au théâtre, «comme si» est la vérité.

Quand nous sommes convaincus de cette vérité, alors le théâtre et la vie ne font qu'un.

C'est un noble objectif. Cela semble difficile.

Jouer sur une scène demande un gros effort. Mais quand le travail est vécu comme un jeu, alors ce n'est plus un travail.

Jouer est un jeu.

Que rajouter de plus? Tout est dit.

jeudi 19 janvier 2012

Les catégories de comédiens...


Voici comment, dans le recueil (le lexique serait plus juste...) Les secrets des coulisses des théâtres de Paris: mystères - mœurs - usages par Joachim Duflot (publié en 1865 et retrouvé ici) on distingue trois types de comédiens au sein des différentes compagnie (enfin... des troupes...):

Troupe. — Chaque théâtre a sa troupe qui se divise en trois catégories, ainsi dénommées: la «troupe d'or», la «troupe d'argent», les «rognures de fer-blanc».

La «troupe d'or» est une sorte de bataillon sacré, composé d'artistes éminents et destinés à jouer les pièces sur lesquelles l'administration fonde les plus grandes espérances; elle n'a de relations qu'avec les auteurs de la première catégorie
[...]. Ils font recette.

Les «troupes d'argent» possèdent des acteurs de talent, mais qui ne peuvent faire de l'argent qu'à la condition de jouer une excellente pièce [...]. Le dénombrement en serait trop long.

Quant aux «rognures de fer-blanc», vous les connaissez aussi bien que nous, elles jouent les levers de rideau au milieu du bruit des portes qui s'ouvrent et ferment.

Je trouve assez amusant ce jugement de valeur. Quelque peu sarcastique... Je me demande qui, si on appliquait ce principe au milieu théâtral québécois (parce que je n'ose imaginer les ravages d'une telle application sur le milieu saguenéen!), se retrouverait où...

mercredi 18 janvier 2012

À venir... je l'espère...

Nous (le Théâtre 100 Masques) venons de déposer un projet pour un spectacle itinérant... un spectacle conçu spécifiquement pour la route... aux carrefours d'esthétiques toutes aussi diverses que le cirque, le théâtre de trétaux du Moyen-Âge et La Roulotte qui sillonnait (le fait-elle encore aujourd'hui?) les parcs métropolitains pour présenter des spectacles. D'ailleurs, voici une vidéo de l'installation de celle-ci:



Si le projet fonctionne, il fera bon prendre la route...pour un grand freak show sur l'histoire plus qu'anecdotique du Saguenay-Lac-Saint-Jean... Sinon...

Des quatuors...



La présente session est, pour moi, sous le signe de l'écriture de Daniel Keene... plus particulièrement, sous l'égide de ses Pièces courtes 1 et 2 (dont il était question ici), matière textuelle de mon cours.

J'apprécie cette écriture simple et efficace, traversée par un indéniable souffle poétique. Des textes «désespérés» et pourtant lumineux. Des textes qui portent, plus souvent qu'autrement, sur la solitude. L'absence de l'autre. L'impossibilité d'entrer en communication. Des textes courts à un, deux ou trois personnages. Des formes brèves... et denses.

Et j'aime Keene pour sa vision du théâtre... elle aussi poétique. Mais qui me parle terriblement. En fait foi cette (étonnante!) préface (enfin, cet extrait qui constitue le premier paragraphe de celle-ci):

En règle générale je préfère les quatuors aux symphonies. Dans un quatuor la contribution de chaque instrument peut être clairement entendue et peut être comprise. Le possible dialogue entre les instruments peut être extrêmement subtil, infiniment complexe; ou il peut s'agir de la forme la plus élémentaire d'appel et de réponse. Ce dialogue est, par essence, théâtral. Quand ils se conjuguent pour rendre une seule «voix», les instruments du quatuor peuvent créer un son à nul autre pareil, faire à la fois l'effet d'une tempête piégée dans une bouteille et celui du tumulte chaotique déchaîné depuis un champ de bataille. [...] Pour moi les «drames» des quatuors sont des drames humains; dans les complexités qu'ils inspirent et les réponses qu'ils exigent réside la matière de notre condition mortelle.


C'est beau, non? Vite une mise en scène!



Les trois fonctions dramaturgiques

Mon assiduité sur ce blogue est mise à mal par les temps qui courent. Il faut dire, à ma décharge, que le temps me manque pour monter les dossiers nécessaires à l'avancement du Théâtre 100 Masques et la préparation de mon cours, Dramaturgie et mise en scène.

D'ailleurs, pour tenter de bien cerner ce qu'est la dramaturgie (dont la notion est mouvante selon les théoriciens et autres sémiologues...), j'en ai fait un tableau synthèse qui en trace les trois grandes et principales fonctions.



Si l'on tente de donner une définition toute simple, la dramaturgie est la compréhension d'une oeuvre en vue de son appropriation et de son interprétation.

dimanche 15 janvier 2012

Au théâtre, cette semaine! (du 15 au 21 janvier 2012)

 
Est revenu le moment de reprendre ces calendriers hebdomadaires des pratiques théâtrales régionales... après une pause pendant laquelle aucune activité publique n'a eu lieu.

Ça reprend doucement, mais sûrement!
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Mercredi - 18 janvier 2012
Salle Lionel-Villeneuve (Rob.), 19h30

Le Théâtre Mic Mac reprend ses activités de lectures publiques. Tout au cours de l'année, diverses équipes présentent des textes québécois contemporains dans une véritable mise en lecture théâtralisée. Un bon moyen de découvrir ce répertoire. Cette fois, c'est au tour du Porc-Épic de David Paquet: Cassandre est belle, drôle et seule. Aujourd’hui, jour de son anniversaire, elle préférerait être belle, drôle et entourée. Commence alors une chasse aux invités – personnel travaillant au dépanneur du coin et autres inconnus croisés par hasard – qui la mènera bien plus loin qu’elle ne le croit. Agréable mélange d’absurde, d’humour noir et de poésie, ce texte est une tragédie festive où les genres comme les gens s’entrechoquent et s’apprivoisent sur le chemin de la solitude, de l’ouverture et de la vulnérabilité, car peut-on toucher sans être piqué?

De merc. à samedi - du 18 au 21 janvier 2012
Salle Murdock (Chic.), 20h

Le Théâtre du Faux Coffre reprend une nouvelle fois le solo de Diogène, Les lectures de Diogène. Pastiche des spectacles-lectures de Fabrice Lucchini, ce solo se construit (pour le plus grand plaisir des spectateurs) autour d'un roman écrit par un jeune Martin Giguère, âgé de 9 ans et des poussières. Dès qu'il est question des Clowns noirs, il vaut mieux réserver soit par Facebook (sur la page de l'événement), soit par téléphone, au 418-698-3000 poste 6561.

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C'est ce qui se passera cette semaine. Il se peut que j'oublie des trucs (ou pire, que j'en ignore l'existence!). Si c'est le cas, il est possible de faire des ajouts via les commentaires.

samedi 14 janvier 2012

Les lettres de noblesse du rire


Petite incursion, ce matin, dans le monde du rire... grâce à l'ouvrage Coulisses de bourse et de théâtre de Messieurs Edmond Benjamin et Henry Buguet, publié en 1882 (qu'on peut retrouver ici) et dans lequel il est fait une certaine analogie entre ces deux univers que sont, évidemment, la bourse et le théâtre. 

Un chapitre consacré à l'art dramatique s'intitule Les révélation d'un chef de claque (de ces personnes chargées de forcer, en quelque sorte, le succès d'une pièce). On y retrouve toute une nomenclature des rires selon les situations:

Dernièrement un chef de claque fameux nous racontait qu'il avait été le premier à inventer le rire de convention. Voici comment il expliquait sa théorie, c'est-à-dire la manière dont il rit à certaine partie d'une pièce pour encourager ses claqueurs à faire mousser les passages à effet:

D'après lui, il y a cinq espèces de rires, basés sur les cinq voyelles de l'alphabet. Le rire en A, le rire en E, le rire en I, le rire en 0 et le rire en U.

Le rire en A, c'est le rire fin, provoqué par un trait d'esprit. Il signifie : ah! ah! ah! que c'est joli, que c'est délicat!

Le rire en E, c'est le rire gai, provoqué par une forte saillie. Il signifie : eh! eh! eh! que c'est plaisant, que c'est drôle!

Le rire en
I, c'est le rire d'attendrissement provoqué par une grosse bêtise. Il signifie : ih ! ih! ih ! que c'est amusant, que c'est farce!

Le rire en 0, c'est le rire de la franche gaîté, provoqué par une balourdise. Il signifie : oh! oh! oh! que c'est rigolo, que c'est épatant.

Enfin, le rire en U, c'est le simple sourire provoqué par un mot à double entente. Il signifie : uh ! uh ! uh! cela va tout seul; cela se comprend ce n'est pas mal! 


Fallait y penser.

vendredi 13 janvier 2012

Un nouveau Villeneuve...

Pour ou contre ce média «alternatif» qu'est Saguenay Ville en action? La réponse importe peu. Je tenais à montrer cette capsule, juste pour noter, au passage, que l'éclairage de cette «nouvelle» exposition a été réalisé par Alexandre Nadeau, éclairagiste de son état. Le seul. L'unique.




jeudi 12 janvier 2012

Une première définition «néo-maniériste meyerholdienne»

Le néo-maniérisme meyerholdien revient, en quelque sorte, en une approche résolument formelle et physique  des trois pôles théâtraux que sont la littérarité, la théâtralité et la performativité

En d'autres termes, ce néo-maniérisme meyerholdien vise une matérialisation concrète (et non hiérarchique...) de son rapport au texte (comme moteur dramatique générateur de tensions, de décalages, de rythme), de son rapport à la scène (comme esthétique motrice et dynamique), de son rapport au corps (comme paramètres de jeu, de potentiel événementiel, de liberté).

Maintenant, ça donne quoi? On y revient:


Dans sa quête de parfaite harmonie de l'ensemble théâtral, le néo-maniérisme meyerholdien doit (nécessairement?) se retrouver au centre de ce schéma (soit dans la petite partie rouge).

Maintenant, que signifie «une approche physique, matérielle, concrète» du texte, de la scène ou du jeu? Ça reste encore à voir... mais c'est si simple sur papier...

mercredi 11 janvier 2012

Pause «ecce mundienne»


Reviendra? Reviendra pas?

L'annonce a été faite hier: le spectacle à grand déploiement Ecce Mundo des Farandoles (pas du théâtre mais quand même dans la catégorie «art de performances») ne reviendra pas l'été prochain. Une pause décrétée par le conseil d'administration après la diminution des assistances (voir ici une partie de l'article du Quotidien).

Une autre victime de la désaffection du public pour ces grands spectacles. Un peu partout au Québec, dans les régions où de telles productions prenaient l'affiche, le constat est similaire: ce type de spectacles n'attire plus pour diverses raisons. Effet de mode passé. Spectacles gratuits ailleurs. Durée dans le temps.Outre ces éléments, qu'est-ce qui peut être en cause? La forme même? La qualité du spectacle? Je ne saurais me prononcer... après tout, il y a si longtemps que je ne l'ai vu...

Il y a aussi quelques années que la Fabuleuse (et feue sa suite, Les aventures d'un Flo) se débat avec le même genre problème en réussissant année après année pourtant (mais pour combien de temps encore?) à revenir sur les planches...

Quelque chose cloche manifestement... mais il semble que les bonnes questions ne sont pas toujours posées...

Manifestement, nous sommes rendus ailleurs dans l'offre culturelle. Alors, on tire la plogue et on passe à autre(s) chose(s)?

lundi 9 janvier 2012

Le critique (suite)

 Critique d'art (Honoré Daumier)

Et je continue, ce matin, avec la suite du billet d'hier portant sur le critique, tiré de l'ouvrage Le Théâtre d'aujourd'hui, paru en 1855 sous la plume d'Auguste Muriel. Et si hier l'auteur faisait part de ses aspirations, il se lance maintenant dans une diatribe contre le critique. Pittoresque.

[...] Pour faire un critique dans un journal de théâtres, vous prenez un jeune homme qui a fait à peu près ses études. Du moment où il sait écrire l'orthographe il est capable de remplir cette noble tâche; vous ne le payez pas et vous avez parfaitement raison, c'est l'estimer à sa valeur. Ce qu'il veut, c'est avoir ses entrées, soit pour obtenir un coup d'œil protecteur des actrices parce qu'il est riche, soit pour assister gratis au spectacle parce qu'il est pauvre; quelques-uns ont pour motif le désir de se mettre bien avec les directeurs pour leur écouler leurs vaudevilles et leurs drames. Vous donnez à ce jeune homme une liste des abonnés du théâtre dont il fait la critique; c'est le livre d'or ; il lui est interdit de toucher à ceux qui y sont inscrits. Il doit savoir choisir dans le dictionnaire une épithète qui reste accolée à leurs noms, comme celles-ci par exemple : X... le délirant comique; la ravissante B... ; le sublime C..., etc., etc. [...]

Il est généralement persuadé de son importance et tâche d'avoir une mise particulière qui le fasse remarquer des spectateurs. — II mettrait volontiers son nom sur son chapeau. Il va au café du théâtre et tranche les discussions des habitués sur la.pièce nouvelle avec une insolence qui en impose aux niais. —Détestable! — ravissant! il ne sort pas de là ; mais le motif de ce résumé d'appréciation? Pour qui le prenez-vous? Il décide, cela doit vous suffire.


Au reste, il faut avouer que les artistes et, le directeur aident beaucoup à propager cette espèce de critiques. [...]


Pauvres jeunes gens qui perdent le temps de l'étude à griffonner du papier sans utilité pour leur style, sans honneur pour leur avenir. [...]
Mais il faudrait pouvoir donner des conseils; pour cela il faudrait apprendre, étudier, et la jeune littérature a bien autre chose à faire, elle aime bien mieux écrire sans s'inquiéter de ce qu'elle écrit, cela fatigue moins, demande moins de travail, et puisque le public ne s'en plaint pas, qu'importe!

Le plus dangereux de ces critiques est celui qui subit telles ou telles influences, impose son amour pour un article, et se fait le serviteur du premier nez au vent qui excite sa convoitise. [...]

Et pourtant ces jeunes ignorants qui s'arrogent le droit de juger les autres de par leur porte-monnaie, sont cependant plus amusants que méprisables ; le malheur est que beaucoup de gens se laissent prendre à leurs analyses et entourent encore du même respect la critique et ses pitres ridicules qui se disent ses représentants. [...]

Il y a une autre espèce de critiques; celle-là est cent fois plus méprisable que l'autre; qu'on vende
ses louanges pour une somme ou un abonnement, on ne porte préjudice qu'à soi-même, et l'on n'a de comptes à rendre qu'à sa conscience; mais exhaler sa rage contre tout ce qui est beau, fouler aux pieds avec fureur tout ce qui est talent, s'acharner, sans motifs, sans justice, contre ceux qui travaillent pour atteindre une position digne et honorable; accabler d'expressions méprisantes une femme qui a eu le bon goût ou la vertu de refuser votre hommage; s'acharner après une direction parce qu'elle ne vous accorde pas vos entrées ou n'accepte pas vos pièces, c'est là un métier honteux et méprisable; si l'on est un petit de la presse, c'est de l'envie, et l'envie est un vice qui répugne-, si l'on est puissant dans le journalisme, c'est une infamie et une lâcheté, parce qu'on use pour le mal du pouvoir que l'esprit vous a donné pour le bien; et combien de gens se servent de ce moyen pour se créer un nom à l'abri des talents qu'ils attaquent, parce qu'un jour vient où, fatigués d'entendre aboyer après leurs jambes, ceux-ci se retournent et chassent l'importun à coups de pied, ce qui lui donne le droit de crier plus fort. Disons bien vite, pour l'honneur du critique, que c'est là une exception très-rare, et que le mépris en fait vite justice. [...]

Aussi ne le voyez-vous aux premières représentations que dans les foyers des coulisses, où il écoute les histoires scandaleuses et pince le menton à l'actrice en vogue ; quelquefois il se chauffe les pieds dans le foyer du théâtre, afin de faire voir qu'il était là, et pouvoir dire le soir dans les salons, en bâillant et s'essuyant le front :


— Quel métier! mon Dieu! quel métier!

Et franchement, dans un autre sens, nous dirons absolument comme lui :

— Quel métier!

dimanche 8 janvier 2012

Le critique

Voici l'un de mes sujets de prédilection: la critique dramatique. Parce que je déplore sa quasi absence. Parce que j'aspire à une plus grande participation de celle-ci (comme il se devrait). Parce que, finalement, c'est devenu une véritable lubie pour ma part.

Le critique d'art (Honoré Daumier)

Cette fois, il s'agit d'un chapitre (allégé!) d'un petit bouquin (qu'on peut retrouver ici) paru en 1855 par Auguste Muriel, rédacteur en chef de la Presse Théâtrale, Le Théâtre d'aujourd'hui - l'auteur, le directeur, l'acteur, l'actrice, le critique, le public. J'y crois encore!

Le critique. L'homme qui doit fixer le goût du public, celui qui a pour mission de diriger l'art, d'en montrer les débauches et les beautés, la plus sérieuse et la plus honorable des missions.

Quelle immense influence a le critique, que de bonnes choses il peut faire, que de mauvaises il peut empêcher! Ses études ont une application constante; le public a confiance en ses jugements et ne se décide en faveur d'une pièce qu'après avoir pris conseil de lui.
 À la première représentation il est là, assis dans un coin obscur, s'isolant le plus possible de toute distraction; il suit avec une attention sérieuse les progrès de la pièce, il en cherche les ressorts, il épie les fautes, note les passages remarquables, cherche s'il n'y a pas un point de ressemblance avec des œuvres connues ; s'il sent une fâcheuse tendance de style, il la grave dans sa mémoire pour la reprocher à son auteur. Bienveillant sans faiblesse, sévère sans dureté, juste toujours, il prépare les matériaux qui formeront sa décision.

Il revient le lendemain, et alors il étudie le jeu des artistes à leur tour.
[...] ce qu'il cherche, ce qu'il voit, c'est la manière dont leurs rôles sont remplis, et ses louanges et ses reproches tomberont juste, seront appuyés sur des considérations détaillées, sur des observations précises, seront présentés comme des conseils et ne se formuleront pas par une épithète banale.

Puis, rentré chez lui, le critique relira ses notes, se rappellera ses impressions, les examinera froidement, recherchera dans tel auteur les jugements portés en pareil cas, compulsera, comparera, étudiera et fera son article en toute connaissance de cause et de telle sorte que tout le monde puisse reconnaître la justesse de ses appréciations.

Voilà le critique!

Que cherchez-vous ainsi autour de vous? Vous vous demandez avec étonnement qui j'ai voulu peindre ici.

Ne cherchez pas, vous fatigueriez inutilement vos yeux et votre mémoire. Je vous ai peint le critique tel qu'il n'est pas et devrait être; voyons-le un peu tel qu'il est aujourd'hui, et si vous y trouvez un seul trait de ressemblance avec le portrait que je viens de faire, soyez assuré que je me trompe et que je vois avec trop d'indulgence.

Et ça continue encore sur quelques pages... que je publierai demain pour ne pas faire un billet trop long...

samedi 7 janvier 2012

«Sortez le bouffon! »

Sortez le bouffon !dessin de Schot paru dans NRC Handelsblad
J'aime bien lire le Courrier International... une revue synthèse hebdomadaire des grands médias papiers partout dans le monde. Et ce qui est bien avec cette revue, c'est tout l'apport des caricaturistes étrangers (qu'on peut retrouver sur leur site)... comme cette théâtrale image du bouffon Berlusconi (avec un chapeau aux grelots significatifs...) qu'on pousse vers la sortie. 

vendredi 6 janvier 2012

Espace(s)


Il est de l'espace au théâtre comme d'une chose parfaitement changeante, selon le point de vue adopté et selon les visées du lecteur ou du metteur en scène. Car l'espace est mouvant. Et le choix de donner la priorité à l'un d'entre eux influe directement sur l'esthétique choisie.

Dans son Dictionnaire encyclopédique du théâtre - ma bible -, Michel Corvin (enfin, Anne Ubersfeld... l'auteure de l'article) y va de ces distinctions:

Si le comédien est l'élément fondamental au théâtre, il ne saurait exister sans un espace où se déployer; et l'on peut définir le théâtre comme un espace où se trouvent ensemble des regardants et des regardés et la scène comme l'espace des corps en mouvement. L'espace théâtral comprend acteurs et spectateurs, définissant entre eux un certain rapport. L'espace scénique est l'espace propre aux comédiens; le lieu scénique est cet espace en tant qu'il est matériellement défini; l'espace dramatique, lui, est une abstraction: il comprend non seulement les signes de la représentation, mais toute la spatialité virtuelle du texte, y compris ce qui est prévu comme hors-scène.

En d'autres termes, si on reprend la pyramide à partir d'en bas... Dans le texte il est question d'une cuisine. Cette cuisine est décrite avec son mobilier et ses différentes portes donnant sur un ailleurs. C'est l'espace dramatique. Puis, on voit, sur scène, une table et un mur de portes. C'est l'espace physique ou le lieu scénique. Ce lieu est limité par un cadre précis, la scène. Avec sa dimension, ses coulisses. Cette aire de jeu est dans un espace plus grand, le théâtre. 

Ubersfled  va plus loin dans son article:

[...] [De nos jours] l'espace théâtral n'est plus un donné, il est une proposition, où peuvent se lire une poétique et une esthétique, mais aussi une critique de la représentation, et du même coup la lecture par le spectateur de ces espaces-créations le renvoie à une nouvelle lecture de son espace socioculturel et à la limite de son rapport au monde. Dans tous les cas, l'espace théâtral joue un rôle de médiation entre le texte et la représentation, entre les divers codes de la représentation, entre les moments de la scène (comme espace-temps unificateur), enfin entre spectateurs et comédiens.

Cette question, je la trouve intéressante. Parce qu'il en va de même, au fond, de tous les éléments théâtraux tout au long du processus qui transforme l'écriture textuelle en écriture scénique.

jeudi 5 janvier 2012

De l'ennui... encore...


Alfred de Musset, en son temps (et je prends ici quelques raccourcis, parce que là n'est pas l'objet de mon billet), écrivait des pièces réputées injouables - qui se heurtèrent, comme Les nuits vénitiennes, à l'échec - ou ambigües, complexes, comme son Lorenzaccio (écrit en 1834 mais joué qu'en 1896...) . 

Toujours est-il que l'orgueilleux dramaturge, désenchanté par la chose théâtrale, mets une croix sur la scène et, au lieu de faire jouer ses pièces, les publie dans un recueil sous le titre Un spectacle dans un fauteuil.

Voici comment, dans un sonnet savoureux, il règle son cas au théâtre:

Au lecteur du «Spectacle dans un fauteuil»

Figure-toi, lecteur, que ton mauvais génie
T'a fait prendre ce soir un billet d'Opéra.
Te voilà devenu parterre ou galerie,
Et tu ne sais pas trop ce qu'on te chantera.

Il se peut qu'on t'amuse, il se peut qu'on t'ennuie;
Il se peut que l'on pleure, à moins que l'on ne rie;
Et le terme moyen, c'est que l'on bâillera.
Qu'importe? c'est la mode, et le temps passera.

Mon livre, ami lecteur, t'offre une chance égale.
Il te coûte à peu près ce que coûte une stalle:
Ouvre-le sans colère, et lis-le d'un bon œil.

Qu'il te déplaise ou non, ferme-le sans rancune;
Un spectacle ennuyeux est chose assez commune.
Et tu verras le mien sans quitter ton fauteuil.

mercredi 4 janvier 2012

Du plaisir

 Thomas Ostermeier. Photographe: Falko Siewert

Ce qui doit primer, c'est la dimension ludique, le fait que le théâtre ne doit pas être un espace de souffrance, mais un espace de vie et de joie, la joie du jeu vivant, du jeu accéléré, rythmique, explosif, avec un montage d'attractions, avec quelque chose qui est plus vivant que la vie. C'est cet aspect du théâtre de Meyerhold que je revendique.

Bravo, Thomas [Ostermeier... le mi-jeune metteur en scène allemand qui co-dirige artistiquement la Schaubühne de Berlin]! C'est un metteur en scène pro-meyerholdien... une référence contemporaine pour mes recherches. Toujours est-il que cette philosophie théâtrale me plaît bien et se rapproche  sensiblement de la mienne... Elle est tirée du petit ouvrage simplement titré Thomas Ostermeier paru en 2006 aux éditions Actes Sud-Papiers.


mardi 3 janvier 2012

Bientôt... bientôt...

Plate à mort...


 Dans le dernier numéro de la revue Jeu (paru il y a quelques semaines), un dossier est consacré à l'ennui au théâtre. C'est dans ce cadre que Paul Lefebvre écrit un petit article satirique, Comment survivre à un mauvais spectacle de théâtre, où il donne dix trucs tous plus excentriques les uns que les autres avec moult explications: dormir; observer des détails; refaire la production; fantasmer; repérer les ex; jouir des tics; regarder l'heure; faire des exercices; simuler un grave malaise...

Et le dernier... et non le moindre:


Mourir

C’est radical : il s’agit de prendre au pied de la lettre l’expression « c’est plate à mort ». Efficacité garantie : le show disparaît, vous aussi et l’ennui du même coup. L’auteur de ces lignes a déjà eu un voisin de siège qui, pendant la représentation d’un Beckett, a ainsi décidé de tuer son ennui en mourant sur place. (Sans même avoir l’élémentaire délicatesse de prévenir sa conjointe, ce qui était quelque peu déplorable : elle chuchotait à pleins poumons «Henri ! Henri ! Que c’est que t’as ? ». C’était agaçant.) Ce spectateur a pris la peine de mourir subitement, ce qui est la façon correcte : si la scène est l’endroit rêvé pour longuement agoniser, il n’en est pas de même pour la salle. Cette solution a aussi l’avantage non négligeable de créer une brève distraction, qui pourra dissiper pendant un court instant l’éventuel ennui affligeant des spectateurs assis près de vous.

L'article complet est publié sur le blogue de la revue. À la lecture, on peut fort bien s'imaginer ces situations qui, malgré le côté caricatural de la chose, nous sont parfois connues...

lundi 2 janvier 2012

Alors, ce 2012?

Bon. C'en est fini du temps des Fêtes pour cette année-là. Et après tout, aujourd'hui, c'est lundi. Il faut donc sortir un peu des vapeurs de l'alcool et l'orgie gastronomique. Maintenant est venu le moment de regarder ce qui s'en vient... disons pour les prochaines semaines et les prochains mois...

D'abord, parce que ça demeure mon principal employeur, il y a encore le Théâtre 100 Masques et sa direction générale et artistique. Avec nos ateliers (réguliers, scolaires, pour aînés). Et avec nos projets: la résidence intensive, pour The Mélanie's Show, et la reprise (et la sortie française!) de Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée d'après Alfred de Musset.

Par ailleurs, d'ici quelques jours, nous déposerons un projet dans le cadre du 175ième anniversaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Et alors qu'entreront les différentes réponses aux différentes demandes de subventions, nous en ferons d'autres et nous préparerons activement pour la tenue de nos activités estivales - soit La Marmite de Plaute sous la direction d'Élaine Juteau et nos camps de théâtres thématiques - et pour la programmation de la saison 2012-2013.

Je dis «nous»... mais dans les faits, pour les trois ou quatre prochains mois à venir, ce sera plutôt «eux», mon équipe. Parce que moi, je serai dans la préparation de mes cours - Dramaturgie et mise en scène et Atelier de production - et dans la participation à des activités connexes. Un retour aux sources universitaires... bien qu'avec le doctorat (même mis un peu en plan), je ne l'ai jamais vraiment quittées encore!

Pour ma part, je poursuivrai sans doute le tenue de ce blogue... bien que les sujets me manquent parfois (et ce, de plus en plus souvent). J'aimerais avoir des collaborateurs, un comité de rédaction... ou un comité mis en place dans le but de me fournir du matériel. J'aimerais aussi me procurer une caméra-vidéo et un logiciel de montage simple, efficace... et gratuit! pour faire de petites capsules. Diversifier le contenu... tout en revenant un peu plus sur des sujets locaux, nationaux.

Enfin, il reste, sur la table, de nombreuses activités de concertation à venir. Et elles viendront. En temps et lieux.

Ça commence donc comme ça. 1, 2, 3, go!

Du théâtre comme d'un sanctuaire de l'impudicité...

 
Un autre morceau de fiel contre le théâtre - un type de littérature que j'aime bien par le style et la fureur - rédigé par un des Pères de l'Église, Quintus Septimus Florens Tertullianus, dit Tertullien dans son De Spectaculis (qu'on peut lire ici).Une petite lecture qui nous reporte à la fin du second siècle et au début du troisième.

De même on nous commande de renoncer à toute sorte d’impureté: on nous ferme donc le théâtre, qui est, à proprement parler, le sanctuaire de l’impudicité, où l’on n’approuve que ce qui est désapprouve partout ailleurs. Aussi le plus grand charme du théâtre consiste d’ordinaire dans le spectacle des plus grandes infamies. Ce sont ces infamies que représente, ou un Toscan par ses gestes impudiques, ou un comédien aidé par des femmes, auxquelles il fait fouler aux pieds la pudeur de leur sexe, et qui ne rougissent pas sur lascène de ce qui les couvrirait de honte dans tout autre lieu; ou un pantomime, par les poses indécentes auxquelles on a accoutumé son corps dès l'enfance, afin qu’il pût en donner aux autres des leçons. Bien plus, ces misérables victimes de l’impudicité, qui ont prostitué leur corps au public, ne paraissent-elles pas aussi sur le théâtre, d’autant plus misérables, que ne découvrant ailleurs leur turpidité qu’aux hommes, ici elles la font paraître aux yeux des autres femmes, à qui elles avaient eu soin de se cacher jusqu’alors. On les expose à la vue de gens de tout âge et de toute dignité. De plus, un crieur public annonce ces courtisanes à ceux qui ne les connaissent déjà que trop. Voilà, dit-il, la loge d'une telle, il faut donner tant pour la voir : elle a telle et telle qualité. Mais passons sous silence des infamies qui devraient être ensevelies sous les plus épaisses ténèbres, afin que le jour même n'en fût pas souillé. Cependant, vous sénateurs , vous magistrats, vous citoyens romains, rougissez de honte et de confusion! Et ces malheureuses, qui ont étouffé en elles toute pudeur, qu’elles craignent de montrer au grand jour, aux yeux du peuple entier, les indécences de leurs gestes , et qu’elles rougissent au moins une fois l’an. Si donc nous devons avoir en exécration toute sorte d’impureté, pourquoi nous sera-t-il permis d'entendre ce qu'on ne saurait dire sans crime? sachant d'ailleurs que Dieu condamne toute plaisanterie et toute parole inutile. Pourquoi nous sera-t-il permis de regarder ce qu’il nous est défendu de faire ? Pourquoi les mêmes choses qui souillent l’homme par la langue ne le souilleraient-elles point par les yeux et par les oreilles? Les oreilles et les yeux sont comme les avenues de notre ame, et il est difiicile que le cœur soit bien net, lorsque les voies en sont corrompues. Voilà donc le théâtre interdit dès là que l’impureté est condamnée.

Qu'on se le tienne pour dit!

dimanche 1 janvier 2012

Pour nos scènes et pour le milieu en 2012!


Quelques souhaits pour l'année qui commence à peine!

Pour les compagnies de théâtre de la région, de Roberval à Chicoutimi en passant par Jonquière et ailleurs dans la région... pour la Rubrique, les Têtes Heureuses, les Amis de Chiffon, le C.R.I., le 100 Masques, le Faux Coffre, la Tortue Noire, le Théâtre À Bout Portant, ManiganSes, la R.I.A. et le Mic Mac... de belles productions avec un financement adéquat et des salles pleines!

Pour les directions et les administrateurs, du courage, de la persévérance et de l'imagination pour la suite des choses...

Pour les compagnies du Saguenay, sous la houlette des Têtes Heureuses, bien du plaisir à Lyon en mars qui vient...

Pour les auteurs,bien des mots... et surtout, du temps!

Pour les metteurs en scène, de bons textes, de belles équipes, de beaux défis et des concepteurs attentifs et talentueux...

Pour les concepteurs, de bons textes, de belles équipes, de beaux défis et des metteurs en scène qui savent où ils s'en vont...

Pour les acteurs, de la rigueur, du plaisir, de la confiance... et de nombreux contrats...

Pour les professeurs en théâtre, des étudiants consciencieux pour absorber toute la passion qui vous anime...

Pour les étudiants en théâtre, de bons professeurs!

Pour les spectateurs, du plaisir dans toutes nos salles... et parfois, une légère gêne!

Pour les chroniqueurs culturels,  de la curiosité pour ce qui se fait et surtout, de l'intérêt... et plus encore, de la continuité pour ceux qui sont en place... et encore une fois, de l'espace!

Pour les subventionneurs, des augmentations substantielles des enveloppes budgétaires, de la souplesse et une générosité qui se prendra fort bien...

Pour tous les passants sur ce blogue, la poursuite de cette bonne habitude!

Pour ceux qui ignorent l'existence du théâtre, une illumination soudaine.


Pour Benoît, Lyne, Serge L., Stéphane, Josée L., Isabelle, Rodrigue, Hélène B., Geneviève, Éric C., Blaise, Guylaine, Serge P., Andrée-Anne, Sara B., Sophie, Hélène D., Jeannot, Pierre, Pascal, Martin, Éric L., Patrice, Francine, Gervais, Réjean, Christian R., Sonia, Joan, Stéphane D., Mélanie T., Jean-Sébastien, Benoît B., Charles, Christian O., Dany, Martin G., Sara M., Vicky C., Erika, Anick, Élaine, Mélanie P., Alexandre, Jean-Paul, Valérie, Patrick, Maude, Jacynthe, Jimmy, Josée G., Véronique, Ursule, Marilyne R., Marilyne T., Émilie GG, Marie-Noëlle, Frédéric, Marc-André, Carolyne et tous les autres qui devraient être nommés ici,

BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2012... 
SUR LES PLANCHES 
ET DANS LES COULISSES DE LA VIE!!!