dimanche 30 juin 2024

Quand la censure est attaquée...

Dans ce beau début du XXième siècle, la moralité et la vertu se battent férocement contre le théâtre, école du vice. Le puritanisme veille. Au point où il attaque même la censure, l'accusant de souplesse et de complicité dans la dépravation des moeurs. 

En témoigne cette réplique du censeur du Théâtre des Nouveautés, publiée dans Le Nationaliste du 19 janvier 1908, qui recadre le débat en donnant une explication de son travail:


Pour en savoir plus sur cet Albert Lozeau, visitez ce lien.


samedi 29 juin 2024

La construction du personnage

Le personnage est, fondamentalement, une dynamique interrelationnelle en ce sens où oui, il vient du comédien... mais il restera incomplet tant que l'autre - partenaire, spectateur - ne participera pas à sa construction par sa façon de réagir à ce personnage, de le rendre (ré)actif, de lui donner une épaisseur de réalité.

C'est pour ça que généralement, comme metteur en scène, je m'intéresse beaucoup plus à la recherche, la mise en place des actions et des réactions (un système essentiel au développement de l'énergie scénique) qu'à la quête individuelle du personnage, à savoir comment il se déplace, comment il bouge, comment il parle. 

Le personnage, au fond, doit être simultanément un émetteur d'impulsions pour l'autre et un catalyseur des impulsions émises par cet autre. C'est de cette dynamique interrelationnelle que l'incarnation s'imposera de plus en plus et que le personnage trouvera une forme efficace.  

dimanche 23 juin 2024

Comédien ou acteur? - une autre nuance!

Pourquoi un tel titre? Parce que que ce fut là le sujet d'un autre billet, sur ce blogue, le 17 avril 2008 (on peut le lire ici).

Voici une autre nuance, apportée par Aristippe Bernier de Maligny dans le Nouveau manuel théâtral théorique et pratique publié en 1854:


samedi 22 juin 2024

État d'âme

On regarde les autres.
On se compare.
Toujours. 
Même s'il n'y a pas d'enjeu.

Pourquoi?
C'est comme ça.

Suis-je trop?
Suis-je pas assez?
Les (remises en) questions se font nombreuses.

Où est-ce que je me situe dans ce milieu?

Je ne donne pas dans l'emphase.
Je ne suis pas expansif.
Je suis plutôt flegmatique.

Ma passion est froide.
Déterminée, oui.
Sans excentricité.

Je ne suis pas un animal grégaire.
Pas un être de groupe.
Pas un être d'amis. 
Je n'ai pas d'entourage à proprement parlé.

Mon théâtre est affaire de collègues.
De professionnels.
De travailleurs. 

Pas de retrouvailles.
Pas d'effusions.
Pas de familiarité. 
Pas de liens personnels.
Pas de collégialité.

Du théâtre.
Par le théâtre.
Pour le théâtre.

Je suis allergique à l'art comme recherche sur moi.
L'art comme quête spirituelle.
L'art comme croissance personnelle.

Ma reconnaissance est dans mon application.
Ma gratitude dans mon engagement. 

Mes salles de répétition n'ont pas à laisser entrer le quotidien.
La séparation est nette en la vie réelle et celle en devenir.

Je suis exigeant.
Toujours.
Avec des attentes élevées.
Intransigeant devant l'incompétence.
Sévère devant la paresse.
Intolérant face aux pertes de temps.
Au je-m'en-foutisme qui apparaît parfois.

Mais.

Avec une patience quasi inépuisable pour le boulot.
Une sensibilité à l'état de mes interprètes.
Une attention au contexte de travail.
Une souplesse pour accommoder mes comédiens.

Parce qu'il y a aussi une vie réelle à côté de celle en devenir.

Mon théâtre n'est pas loisir.
Le plaisir se déploie dans la rigueur.
Le professionnalisme à l'avant-plan.

Dans ce cadre, j'accorde toute ma confiance à mon équipe.
Et mon soutien est entier.
M'assurant que tous arrivent à bon port. 
Avec le plus d'aisance possible.

Pour moi le théâtre n'est pas événement.
N'est pas une fête.
Il n'est pas exceptionnel en ce sens où il est constant.
Omniprésent dans ma vie.

Je suis, je pense, fortement façonné par le théâtre.

C'est un outil de travail.
Un mode d'expression.
Une façon de penser.

Un mode de vie.

Et pour cette raison, une façon d'être.

Le contentement m'est étranger.
Tout comme la satisfaction. 

Parce que le théâtre est mouvant.
Instable. 
Nerveux.
Vivant.

Avec un but à atteindre.

Et c'est pour ça qu'il me plaît autant. 
Et qu'il me désespère.

dimanche 16 juin 2024

Mise en garde!

Voici un extrait d'une lettre publié dans Le bien public, journal trifluvien, en ce 9 avril 1914. Il faut lire avec attention cette mise en garde contre le théâtre qu'un membre de l'ACJC adresse à un ami... d'autant qu'il avoue ne pas fréquenter ce théâtre dont il parle!



samedi 15 juin 2024

Parlons moralité, disent-ils!

Voici un autre petit morceau d'éloquence, tiré du Monde illustré du 30 janvier 1892, qui dépeint le théâtre - ô surprise - comme une école du vice et de l'immoralité (avec, au passage, une diatribe contre la Divine):


Ce que les âmes de l'époque devaient être fragiles...

samedi 8 juin 2024

Les spectacles «de curiosités»


Aux côtés du théâtre, au XIXième siècle, existait un genre vaste et disparate, pour rassembler les  multiples autres manifestations spectaculaires: le spectacle de curiosité

Le spectacle de curiosité, c'était donc les cycloramas (comme le Cyclorama de Jérusalem de Ste-Anne-de-Baupré), les feux d'artifices, les foires et ses exhibitions de toutes sortes (la femme à barbe, l'homme élastique, les monstres, les jongleurs et acrobates, etc.), les lanternes magiques, etc. 

Pour plonger dans ce beau monde étrange et - son nom l'indique bien! - curieux, il y a ce site

mardi 4 juin 2024

De la «réplique» à l'«implique»


On en a marre des répliques qui veulent tirer les vers du nez à une autre réplique au lieu de crier elles-mêmes le secret qu'elles connaissent. Il faut charger toutes les douilles vides avec de l'explosif jusqu'au bord. Il faut contraindre chaque phrase prononcée par un acteur d'être
complète, enfermée sur elle-même. [...] On remplace ici des répliques qui répliquent par des impliques qui s'impliquent en-elles-mêmes et qui ne répliquent plus à personne. [...] Je déteste le dialogue qui permet à n'importe quel crétin d'avoir son mot à dire. [...] Chaque implique se défend solitaire, car elle garde confiance dans la force de celle qui suit. Toute répartie est murée vivante dans son soliloque étroit[...] Chaque implique est le contraire d'un dialogue et non l'élément de sa composition. En additionnant des impliques on n'obtient pas des dialogues, mais des multilogues, des polylogues. 
(Isidore Isou, Oeuvres de spectacles, Gallimard, 1964)

C'est là, je trouve, un concept bien intéressant que celui de l'implique. Particulièrement pour le théâtre dit contemporain. Ça modifie le rapport au texte en ce sens où la parole ne fait plus avancer une action mais est action en soi

(Pour savoir qui est Isidore Isou, dramaturge et poète, c'est ici.)

lundi 3 juin 2024

Traduire la réalité en évitant l'illusion

J'ai vraiment beaucoup de plaisir, ces temps-ci, à lire les Écrits sur le théâtre de Bertolt Brecht, paru chez L'Arche, édition de 1972. J'en achève le premier tome (de deux). 

Brecht, je l'ai toujours lu en dilettante. Parce que c'est un incontournable... mais qu'on ramène (comme bien d'autres de ces immenses théoriciens) systématiquement qu'à deux ou trois éléments qui en deviennent fortement stéréotypés. Dans ce cas-ci, il s'agit du théâtre épique et surtout, du concept de distanciation

Pourtant, sa pensée est d'une richesse impressionnante, développée sur plusieurs décennies de pratique. Et il est étonnant, avec le recul, de constater à quel point elle a percolé dans le théâtre occidental à partir des années '30, '40 et '50.

Avec Brecht, le théâtre doit s'assumer comme théâtre, oeuvre de traduction malléable tout en étant une construction rigoureuse qui n'a pas à chercher l'illusion. Comme dans ce passage:

Bien des décorateurs mettent leur point d'honneur à ce qu'en voyant leur plateau, on se croie en un endroit réel de la vie réelle. Mais ce qu'ils devraient obtenir, c'est qu'on se croie dans un bon théâtre. Ils doivent même obtenir qu'un un endroit réel de la vie réelle on se croie au théâtre. [...] Au théâtre, beaucoup de choses relèvent de l'imitation. Tout comme les comédiens, les décorateurs doivent savoir que l'imitation ne peut qu'être affaire d'imagination, qu'elle doit comporter un élément de transformation. Inversement, la liberté doit impliquer une certaine nécessité. Le théâtre possède ses propres règles du jeu qui, pourvu qu'elle se présentent bien comme telles, peuvent à tout moment être complétées ou révisées. 





dimanche 2 juin 2024

Une bonne pièce...


 Ce petit morceau d'éloquence sur la difficulté de plaire à tous, vient d'un ouvrage publié en 1879, Entre deux spectacles - Esquisses théâtrales, par Justin Bellanger.