vendredi 8 avril 2011

Un débat social


Quel étrange débat que celui qui secoue présentement le TNM... alors que la morale, la politique, la provocation, la censure, le choc se déchirent sur la place publique suite à l'annonce de la venue (annulée il y a quelques minutes selon une annonce de Lorraine Pintal en conférence de presse) de Bertrand Cantat, en avril-mai 2012, sur la scène de la grande maison dans le cadre du premier volet du Cycle des femmes de Wajdi Mouawad, à partir des textes de Sophocle.

Un choix artistique provocant ou naïf? Justifié (sans doute) ou justifiable (plus délicat)? Moral ou non? Les enjeux sociaux sont si emmêlés... La question concrète est réglée... mais laisse toutes les questions en suspens. Des questions troublantes parce que les réponses le sont tout autant...
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Il est rare que le théâtre déborde ainsi de la section culturelle pour prendre le haut du pavé du débat public. De souvenir d'un non-historien, dans l'histoire moderne, ce n'est arrivé qu'à deux reprises (avec, apparemment, tout autant de férocité): en 1968 avec l'entrée fracassante des Belles-Soeurs de Michel Tremblay (au Rideau-Vert) qui renvoyait soudain une image scénique d'une société sclérosée armée d'un langage impur, sale, vulgaire, soumis et sans avenir... puis en 1978 avec le dernier grand coup de censure que fut Les fées ont soif de Denise Boucher (au TNM, encore une fois) qui scandalisa la bigoterie.

Bien sûr, d'autres moments de l'histoire ont fait parler... mais jamais autant que ces trois événements...

Il semble que mon blogue éprouve certaines difficultés à afficher la colonne de gauche... et le problème serait dû, si je me fie à la barre d'information de téléchargements, au compteur (le site d'où vient celui-ci semble effacé...)... Désolé. En espérant que ça se règle rapidement.

Parole de Romain!

Il est toujours un peu vertigineux de lire des écrits (par des traductions et des transmissions de manuscrits en manuscrits au fil des siècles) venus tout droit de l'Antiquité et d'y faire la constatation que déjà, les contours de l'art dramatique y sont dessinés... et avec moult précisions et détails. De quoi remettre en question le «ce qui reste à faire et à dire»...

Voici, tiré du souventes fois cité L'art du théâtre d'Odette Aslan, un extrait de L'Art Poétique selon Horace, un poète romain (65-8 av. J.C.) qui édicte quelques règles, lui aussi (avait-il lu Aristote?) sur la comédie et la tragédie... enfin, sur ce qui doit se passer sur scène. À quelques deux milles ans plus tard, le propos pourrait toujours la route:

... Vous qui entreprenez d'écrire, choisissez une matière proportionnée à vos forces, et essayez longtemps ce que peuvent, ou ne peuvent porter vos épaules.

... Si vous osez donner à la scène un caractère entièrement neuf, qu'il soit à fin tel que vous l'avez montré au commencement, et qu'il ne se démente nulle part. Mais il est bien difficile de donner des traits propres et individuels aux êtres proprement possibles. Il est plus sûr de tirer un sujet de l'Iliade, que de donner des choses inconnues, dont personne n'ait jamais parlé.

... La chose qui se fait est en action ou en récit. Ce qu'on entend raconter frappe moins, que ce qu'on voit de ses yeux. Les yeux sont plus fidèles; par eux le spectateur s'instruit lui-même. Gardez-vous cependant de mettre sur la scène ce qui ne doit se passer qu'au-dedans. Il y a beaucoup de choses qui ne doivent point paraître aux yeux, et dont un acteur vient rendre compte un moment après. Médée n'égorgera pas ses enfants sur le théâtre; l'horrible Atrée n'y fera pas cuire de entrailles humaines; Progné ne s'y changera point en oiseau, ni Cadmus en serpent: cette manière de les présenter serait odieuse, et détruirait l'illusion.

... Pour bien écrire, il faut avant tout avoir un sens droit. Les écrits des Philosophes vous fourniront les choses: et lorsque vous serez bien rempli de votre idée, les mots pour l'exprimer se présenteront d'eux-mêmes... L'habile imitateur doit toujours avoir devant les yeux les modèles vivants, et peindre d'après nature. Une pièce qui aura des tableaux frappants, et des moeurs exactes, quoiqu'écrite sans grâce, sans force, sans art, fait quelque fois plus de plaisir au public, et retient davantage les spectateurs, que de beaux vers vides de choses, et des riens bien écrits.


Voilà.