Autant je n'ai pas peur du public avant et après, autant j'en ai peur pendant la représentation. Je me dis: ça y est, ils ont été gênés, ça y est, ils n'ont pas vu ceci qu'ils auraient dû voir, ça y est, ils ont vu cela qu'ils n'auraient pas dû voir, voilà ils sont distraits, voilà qu'il fait trop chaud, qu'il fait trop froid. Je redoute tout ce qui peut rompre le précieux fil tendu entre comédiens et spectateurs. Ce fil tellement fragile, tellement fin. [...] Je ne supporte pas qu'il se passe en scène quelque chose que je n'aime pas. Quand je ne suis pas dans les gradins, mais sur les côtés, je peux au moins courir derrière, faire semblant d'être utile. Depuis trente ans donc, je suis resté debout sur les côtés. Sauf lors de ces fameuses fausses premières, c'est-à-dire des premières non-payantes. Là, je reste à la table de régie au milieu de la salle, parce que je considère que ce sont des répétitions publiques. Mais dès que les gens ont payé, impossible de prétendre que c'est une répétition. Le metteur en scène doit disparaître.
Ce sont les mots d'Ariane Mnouchkine, grande metteure en scène du Théâtre du Soleil tirés des entretiens publiés sous le titre L'art du présent. J'ai beaucoup aimé cette lecture.
Mais pour revenir à cette citation...
Je comprends parfaitement ce qu'elle veut dire: je suis aussi incapable de regarder un de mes spectacles à travers les yeux des spectateurs. C'est trop intense. Trop heurtant. Souffrant même.
Je suis incapable de me retrouver au milieu d'eux pendant une représentation (sauf dans les cas où, comme du temps de la SALR ou lors du Procès à l'ancienne, j'officie également comme régisseur). Une absence de recul et une incapacité d'agir. C'est comme me regarder travailler de façon interposée par les acteurs. Une incapacité de lâcher prise. Mon niveau de plaisir avoisine le zéro!
C'est d'ailleurs ce qui m'empêchera toujours de monter sur scène comme comédien!
Mais pour revenir à Mnouchkine...
Voici un documentaire sur elle, sur sa vision du théâtre: