lundi 19 septembre 2011

Les principes de la biomécanique meyerholdienne (dernière partie)



Pour ne pas trop traîner dans le temps, je place dès aujourd'hui, pour faire suite à ce billet et à celui-ci, la dernière partie des principes de la biomécanique tel que définit par Meyerhold en 1921-2922, tiré du second tome de ses Écrits sur le théâtre.

31. En recevant un ordre, aller à l'endroit désigné et en chemin, faire le nombre de pas calculé à l'avance pour que ce soit économique: c'est là la meilleure vérification de la justesse du coup d'oeil.

32. La biomécanique ne supporte rien de fortuit, tout doit être fait consciemment avec un calcul préalable. Chacun de ceux qui travaillent doit établir avec précision et connaître la position où se trouve son corps, et se servir librement de chacun de ses membres pour exécuter l'action.

33. Une loi générale du théâtre: celui qui se permet de donner libre cours à son tempérament au début du travail, celui-là le gaspillera immanquablement avant la fin du travail et sabotera toute l'interprétation.

34. Rien de superficiel n'est admissible au plan technique. L'aisance et la réussite arrivent quand le matériau est techniquement bien équipé, préparé par un entraînement solide. C'est seulement alors qu'on peut mettre en route ce qu'on appelle excitabilité. Sinon, le travail échouera.

35. Dans les exercices préparatoires, aux répétitions, il faut signifier les émotions légèrement, par un pointillé, en indiquant seulement et avec précision où et quand doit se produire l'explosion. Une exclamation mal préparée techniquement entraînera fatalement une perte d'équilibre. Il faudra le chercher de nouveau, c'est-à-dire recommencer tout le travail.

36. Dans les divers éléments du travail, un état de concentration est nécessaire pour prévoir le passage suivant et la modification du mouvement. D'où des points de départ et d'arrivée.

37. L'acteur doit toujours mettre en première place le contrôle de son corps. Nous avons dans la tête non pas un personnage, mais une réserve de matériaux techniques. L'acteur est toujours dans la position d'un homme qui organise son matériau. Il doit connaître avec précision son diapason et tous les moyens dont il dispose pour exécuter une intention donnée. La qualification de l'acteur est toujours proportionnelle au nombre de combinaisons qu'il possède dans sa réserve de techniques.

38. Tout exercice est précédé d'une parade qui est suivie d'une concentration de soi avant le travail. C'est seulement avec un matériau bien rassemblé qu'on peut aborder l'exécution d'une tâche.

39. De même que la musique est toujours une succession précise de mesures qui ne brisent pas l'ensemble musical, de même nos exercices sont une suite de déplacements d'une précision mathématique qui doivent être nettement distingués, ce qui n'empêche absolument pas la netteté du dessin d'ensemble.

40. Quand un exercice se divise en petits éléments, il faut les faire staccato; le legato apparaît quand l'exercice est exécuté comme un tout au flux ininterrompu.

41. Lors du jeu des mains et des doigts, il faut une énorme tension et une énorme stabilité du corps tout entier.

42. Dans le travail, une extrême économie, un taylorisme maximum sont nécessaires. Toutes les tâches doivent être exécutées avec une quantité minimale de techniques, par les moyens les plus rationnels.

43. Accord, attention, ténacité sont les éléments de notre système. Une attention concentrée au plan physique avant tout. L'état libre du corps détendu (duncanisme) est inadmissible. Chez nous, tout est organisé, chaque pas, le moindre petit mouvement est sous contrôle. L'oeil est tout le temps au travail.

44. Le principe de la biomécanique: le corps est une machine, celui qui travaille est un machiniste.

Et c'est comme ça que ça fait le tour de la question. Maintenant, qu'en est-il de la pratique? Les trois vidéos qui illustrent ces billets donnent un aperçu de ce qu'est la biomécanique (qui, je le rappelle, n'est pas un style de jeu, mais un entraînement).