mardi 9 juin 2020

Du théâtre à l'italienne...


Quand la très grande majorité des gens (l'affirmation est quand même grosse mais je n'ai pas vraiment peur de me tromper) pense au théâtre, c'est presque essentiellement dans une formule à l'italienne (comme sur la photo), la formule typique de la scène qui fait face au public. Le mal rouge et or, comme dirait Cocteau. 

C'est toujours, de nos jours, la formule la plus connue, la plus utilisée... la plupart des grandes salles ici au SagLac et au Québec sont (souvent les loges et les balcons en moins) érigées de la sorte.

Cette boîte à illlusion, construite selon les principes de la perspective, est toute faite en conventions et en règles... qui prendront de plus en plus, avec la machinerie et les décors peints, le pas sur les textes présentés. De ce fait, cette boîte est aussi l'une des causes majeures des grandes réformes théâtrales de la fin du XIXe siècle. 

En voici une belle description sortie du bouquin Le Décor de théâtre de Denis Bablet: 

Toute action scénique suppose un lieu où elle puisse prendre forme et se déployer. Le lieu de la représentation théâtrale à la fin du dix-neuvième siècle, c'est le théâtre à l'italienne, dont je rappellerai brièvement les données: rupture entre un lieu d'où l'on voit (la salle) et un lieu d'où l'on est vu (la scène), division du public à la fois matérielle et sociale. Deux mondes s'affrontent: l'un réel, l'autre fictif. Mais l'univers fictif de la scène est encerclé, emprisonné dans un cadre qui lui impose des limites. L'illusion suppose le recul du spectateur, l'indépendance de la vie scénique, la scission entre le réel et le représenté. La majorité des scènes possède un proscenium; mais ce proscenium n'a qu'un but: il permet à l'acteur de jouer au public, de lancer sa tirade au spectateur, il l'isole du fond visuel, il ne projette pas le drame dans le public. La rampe, même si l'on condamne depuis longtemps le caractère antiréaliste de son éclaraire (éclairage par le bas qui n'existe pas dans la nature), n'en demeure pas moins la limite nécessaire: elle matérialise la frontière entre public et action dramatique. 

Autre caractéristique fondamentale du théâtre à l'italienne: il impose des lignes de vision nettement définies. Ni le proscenium, ni la disposition en fer à cheval des loges et balcons ne doivent nous induire en erreur. Cette vision est frontale, elle est axiale. 

Enfin, il faut également tenir compte d'un fait dont on ne soulignera jamais assez l'importance: la vision suppose que soit éclairée la chose à voir. La scène est encore faiblement éclairée au gaz. [...] En 1880, l'électricité est réservée à la production des effets. On n'en décèle pas encore ni la puissance ni l'infinie souplesse. D'autre part, scène et salle restent en général conjointement éclairées durant la représentation.