mardi 1 septembre 2020

L'acteur et sa création...

Portrait d'Alexandre Taïrov par Aristarkh Vassilievitch Lentulov

Si quelqu'un me demandait quel est l'art le plus difficile, je répondrais: l'art de l'acteur.

Si quelqu'un me demandait quel est l'art le plus facile, je répondrais aussi: l'art de l'acteur. 

[...]

Dans tous les autres arts le créateur (l'individu qui crée), le matériau, l'instrument et l'oeuvre d'art elle-même qui est l'aboutissement de tout le mécanisme de la création sont isolés les uns des autres; l'instrument, le matériau et l'oeuvre elle-même existent matériellement en dehors de la personnalité du créateur; c'est uniquement dans l'art de l'acteur que le créateur, le matériau, l'instrument et l'oeuvre d'art elle-même sont réunis organiquement en un seul et même objet, qu'ils sont devenus indissociables.

[...]

Vous êtes acteur. Vous (votre «moi») être un créateur qui conçoit et réalise une oeuvre de votre art, vous-même, votre corps (c'est-à-dire vos mains, vos jambes, votre tronc, votre tête, vos yeux, votre voix, votre langage) représentez les matériaux à partir desquels vous devez créer; c'est vous, vos muscles, vos articulations, vos cordes vocales, qui servez d'instrument nécessaire; c'est vous, c'est-à-dire toutes vos facultés individuelles au complet, incarnées dans l'image scénique, qui êtes finalement l'oeuvre d'art engendrée par toute votre activité créatrice.

Vous êtes tout, tout est en vous, tout passe par vous.

C'est là, je trouve, une fort belle description, une fort belle définition de l'art de l'acteur! 

Bien que je ne sois pas un très grand fan d'Alexandre Taïrov (metteur en scène russe, directeur du Kamerny Theatre, de 1914 à 1949... et adversaire farouche de Meyerhold), je dois admettre qu'il a une belle façon de parler de l'acteur, du travail et de la recherche de l'interprète, fondement essentiel de sa pratique. 

C'est qu'il place le comédien au centre de ses préoccupations: tant sa vie intérieure que l'extérieur qu'il présente au spectateur. Le contenant et le contenu. 

Le tout est tiré du bouquin (p. 53) que je lis présentement: Le théâtre libéré