mardi 31 mars 2020

Et ce radio-théâtre?

La semaine dernière, j'ai fait un billet (ici) sur le radio-théâtre, à l'occasion de la diffusion, sur les ondes de ICI Première, d'Encore une fois si vous permettez de Michel Tremblay (qui ne remplacera jamais, pour moi, la version de la création avec Rita Lafontaine et André Brassard).

Je me suis demandé si l'adhésion à ce nouveau genre théâtral, dans les années 30-40, avait été unanime... Le monde de la scène peut parfois cultiver farouchement son terrain de jeu! Alors je suis allé fouiner dans les bouquins pour tomber sur ce petit chapitre fort éloquent du grand acteur canadien-français Palmieri (de son vrai nom Joseph-Serge Archambault... avec une petite biographie ici):





J'imagine que c'est là une opinion partagée par plus d'un acteur (des purs et durs, il devait y en avoir quelques uns) de cette époque...

Ces questions sur ce qui fait l'essence (ou non) du jeu théâtral est fort intéressante... surtout en ce moment où mon groupe d'étudiants de l'UQAC (et moi par conséquent) sera  un peu confronté aux mêmes interrogations alors qu'il devra faire du théâtre dans un contexte de confinement: distanciation, diffusion par d'autres moyens que le contexte traditionnel, technologie... Ce sera à voir, à la fin du mois d'avril.

En attendant, pour les intéressés du radiothéâtre, il est possible, toujours sur Radio-Canada.ca, d'avoir accès à deux autres productions (bon... disons, deux balados-théâtre pour être plus contemporain...): Ici de Gabrielle Lessard (production Espace-Libre) et  Une maison de poupée de Ibsen (production Théâtre Denise-Pelletier).

lundi 30 mars 2020

Il faudrait souhaiter que le théâtre disparut...


Monseigneur Bruchési - archevêque de Montréal de 1897 à 1939 -  n'aime pas le théâtre. Sur un petite biographie (qu'on peut lire ici), il est dit:


Les historiens connaissent beaucoup plus les interventions de Mgr Bruchési dans la sphère publique. On fera en effet grand cas de ses activités de censure, qu’elles concernent le théâtre, la presse ou le cinéma. C’est un fait que, de 1903 à la Première Guerre mondiale, il intervient fréquemment dans le débat public pour faire prévaloir sa conception de l’ordre et des bonnes mœurs. Les plaisirs mondains, le théâtre immoral, et particulièrement Sarah Bernhardt, sont l’objet de ses condamnations. Il sévit particulièrement lors de ses visites de 1905 et 1911. En 1905, les semonces préventives de l’archevêque restent pratiquement sans effet ; en 1911, il proteste contre deux des pièces annoncées et la comédienne change de pièces.


Rien de mieux, pour bien saisir ce qu'on entend par faire prévaloir sa conception de l'ordre et des bonne moeurs, que de lire ce petit article publié le samedi 20 novembre 1909 dans le journal La Vérité, ayant pignon sur rue à Québec.


De quels malheureux incidents des années dernières, évoqués dans le 4ième paragraphe, est-il question? Pour un autre exemple de ce combat  acharné qu'il mène sous son règne, vous pouvez allez lire cet autre billet fait en janvier dernier, qui porte sur l'instauration de la censure théâtrale. 

dimanche 29 mars 2020

Quand meurt une reine du théâtre...

Un peu à la suite du billet d'hier (sur la mort de Marquise Du Parc), je suis allé cherché une description des funérailles d'une autre reine du théâtre, d'une autre comédienne à la stature imposante: Rachel (j'en ai parlé déjà ici et ici... et vous pouvez en avoir une portrait wikipédien ici), qui a porté la tragédie française à un pinâcle dans la première moitié du XIXe siècle.

C'est un personnage d'une grande complexité qui ne s'est jamais véritablement trouvé. Troublante. Brûlant pour les planches et pour l'argent tout en étant férocement blasée et désenchantée.

Finalement, mes intentions ont un peu bifurqué...

En 1859 parait une biographie, Rachel et la tragédie, de Jules Janin (possible de lire le livre ici grâce à Google Books), ornée, dit-on, de 10 photographies de la tragédienne dans ses plus grands rôles. Les voici (il y en a neuf, en fait... la première du bouquin étant une peinture):











Bien sûr, la fin de l'ouvrage cité plus haut se termine par la mort inéluctable de Rachel... dont voici, à mon avis, les deux plus beaux passages (qui parlent plus de l'éphémérité du théâtre que d'elle... mais quand même):




samedi 28 mars 2020

Marquise Du Parc

Parmi les grandes actrices historiques du Théâtre, il y a, sans conteste, Mademoiselle Du Parc (connue aussi sous le nom Marquise du Parc... immortalisée, il y a une vingtaine d'année par Sophie Marceau, dans ce film de Véra Belmont). 


La Du Parc, c'est cette comédienne qu'on dit d'une beauté ensorcelante célébrée par le vieux Corneille qui en était éperdu:

Par ailleurs, Georges Brassens a utilisé une partie de ces stances pour composer cette chanson:


Mais c'est aussi cette comédienne qui se joint à la troupe de Molière autour de 1650 (elle a épousé en 1653 Gros René qui y était comédien)... avant que de ne passer dans la troupe à la troupe de l'Hôtel de Bourgogne, passage négocié par son amant depuis quelques années, Jean Racine... qui écrit pour elle l'une de ses plus belles pièces: Andromaque qu'elle créera le 

Elle meurt subitement, au sommet de sa gloire le 11 décembre 1668, dans des circonstances un peu mystérieuses mêlant histoires louches et empoisonnement, rancoeurs et jalousies... Mais bon. L'Histoire n'élucidera jamais vraiment la question. 

Voici donc comment, quelques jours plus tard, le gazetier Charle Robinet décrit les funérailles de celle qui aura côtoyé les plus grands noms du théâtre français:

vendredi 27 mars 2020

Les messages de la Journée Mondiale du Théâtre


La Journée Mondiale du Théâtre a été créée en 1961 par l'Institut International du théâtre. À cette occasion, un message est confié à une personnalité d'envergure et est lu au début de plusieurs représentations partout dans le monde. Le premier message a été confié, en 1962, à Jean Cocteau. En 2000, c'était au tour de Michel Tremblay... suivi quelques années plus tard (en 2008) par un autre Québécois, Robert Lepage. 

Le Message international 2020 est de Shahid Nadeem, auteur dramatique. 

Pour lire tous les anciens messages, vous pouvez aller naviguer sur cette page

Le Message québécois 2020 est de Laurence Brunelle-Côté, poète, performeuse et codirectrice artitsique du Bureau de l'APA.

jeudi 26 mars 2020

Le retour du radiothéâtre!

Une des choses étonnantes de cette étrange période qui nous afflige, c'est l'intérêt porté à un genre théâtral parfaitement désuet mais ô combien efficace quand la distanciation et le confinements sont la norme: le radiothéâtre

Petit détour par Le dictionnaire encyclopédique du théâtre de Michel Corvin...

À son apogée, la radio avait recours à la forme dramatique pour toutes sortes d'émissions, tandis que le théâtre radiophonique proprement dit s'est révélé d'une extrême souplesse, capable d'exprimer le réel ou bien l'onirisme le plus subjectif. Attirés par cette souplesse, les auteurs ont su exploiter la spécificité du genre pour entraîner l'adhésion d'un auditeur invisible. 

Aux USA, la première pièce radiophonique est diffusée en 1922; la Grande-Bretagne et la France suivent en 1924, l'Allemagne en 1925. [...]

[...] Les prétendues limites du genre sont aussi des atouts car, comme le suggèrent les divergences terminologiques, le théâtre radiophonique se retrouve au carrefour des arts, capables de faire passer l'émotion la plus intime ou la science-fiction, le quotidien ou le surréel.

Au Québec, le radiothéâtre a tenu le haut du pavé pendant de nombreuses années. Voici, d'ailleurs, un petit tableau statistique (tiré de L'Annuaire théâtral no.5-6, automne 1988), pour montrer la courbe de son évolution:



Il y a quelques jours, ICI Première a annoncé en grande pompte qu'elle diffuserait la production Mademoiselle Julie de Strindberg qui devait prendre l'affiche au TNM... avec, apparemment, un très grand succès d'audience. (On peut retrouver le balado ici.)

La chaîne remet donc ça, ce soir, 20h, en présentant Encore une fois si vous permettez de Michel Tremblay qui a été présenté chez Duceppe il y a quelques temps. Dès demain, ce sera possible de faire du rattrapage via l'application OhDio.

Ce serait bien de voir la chose se répéter encore et encore et encore bien au-delà de la pandémie...

Texte en cours!


Le confinement a ça de bénéfique: il peut ouvrir une brèche où la fiction peut poindre et se déployer sur des dizaines de pages. 

Depuis quelques jours déjà, je suis entré presque accidentellement en période de création. Sur un filon qui trouve des échos dans plusieurs de mes textes antérieurs... que ce soit Le choeur du pendu, MADAME, Trou noir ou Empire... Comme une communauté de pensée - une obsession - qui les lie.

Une pièce, donc, est en cours. D'un tout autre style que les plus récents... avec un retour à une certaine prolixité!

Un premier jet a été rapidement rédigé. La partie la plus facile (et, au final, la moins stimulante). Comme pour mettre en place les idées générales, le chemin dramatique, le ton. Un plan, en quelques sortes, très détaillé, il va sans dire... mais quand même un plan. La version originelle! 

Mais de là le véritable travail d'écriture commence. Celui qui me passionne. Celui qui s'étirera sur plusieurs jours, plusieurs semaines... voire plusieurs mois. Entre deux pauses, deux autres projets. Sans échéance d'une production. 

Un travail par couches successives... une écriture quasi palimpseste. Une écriture par protubérances et enflures! Une écriture comme une oeuvre peinte... par petites touches, par ajouts... comme pour donner une impression, une couleur d'ensemble. Une écriture qui repart très souvent de la première ligne pour repasser sur l'ensemble. Des lectures innombrables. Pour valider le cadre. Le rendre efficace et cohérent. Corriger les détours du récit. Approfondir les enjeux. Redresser les lancées verbales. Insérer des leitmotivs, des boucles, des motifs. Peaufiner les liens d'un tableau à l'autre. Rechercher le mot juste, le mot étonnant. Façonner les expressions. Construire les images mentales. Ciseler le rythme du phrasé et de la respiration.

samedi 21 mars 2020

Quand la police fait du théâtre... ou pas

C'est toujours amusant de tomber sur des petits bouquins qu'on supposerait à 100 000 lieues du de la scène, du jeu - tel ce Code de la Police de 1962 qui est apparu à la maison - et qui pourtant, font référence à la chose théâtrale. 

Il va de soi que dans le cas de l'ouvrage cité, la référence se fera, bien sûr, du point de vue de la morale et de la décence! Axé, évidemment, sur ce qui n'est pas permis et sur qui tombe la responsabilité de l'effraction.

Voici donc les consignes données aux agents de la paix (je me demande, par ailleurs, ce que dit le Code de la Police, de nos jours) en vue d'éviter un crime scénique (l'expression est de moi et ne se trouve pas dans les prochaines pages!):



Dans le même ordre d'idées, voici ce qu'ajoute, au profit de ses policiers, la Cité de Chicoutimi dans le règlement no. 414 (aussi dans années 60, j'imagine) qui, d'autre part, très intéressant à lire:



Encore une fois, je me demande si le théâtre (et/ou les arts vivants) se retrouve dans les règlements municipaux... et si oui, sous quelle forme...

vendredi 20 mars 2020

Ne pas souffler mot...

Il y a de ces métiers au théâtre qui sont tombés en désuétude mais qui ont, encore aujourd'hui, un aura fascinant... quoique suranné...

Comme ce métier de souffleur... cette personne qui prenait place dans une petite boîte tout au bord de la scène, complètement investi dans la lecture de la pièce, prêt à aller à la rescousse d'un blanc de mémoire ou d'une erreur en chuchotant les lignes en cause... en faisant des signes à un comédien perdu sur la scène...

Edward Pustovoitov, 1964

 Souffleur, Honoré Daumier, 1870



Souffleur au XVIIIe siècle, autour de 1850

Souffleur, Russie, 1936

Ce n'est pas la première fois que j'en parle. Le souffleur fut l'objet de quelques billets déjà... dont , cette belle chanson de Serge Reggiani.

dimanche 15 mars 2020

Un extrait (thématique!) de ma pièce EMPIRE...


Gravure sur bois d’après un dessin d’Alfred Rethel de 1847.


Du quartier maudit s'est élevée une émanation malsaine
Une couche délétère 
Implacable

Létale

Un brouillard de germes 

D'est en ouest 
Du nord au sud

Un fléau foudroyant

Une contagion 
Presque visible tant son effet fut fulgurant
Ses conséquences funestes

Dans l'enceinte des fortifications l'air s'est vite surchargé

Des litres de chaux vives furent déversés sur le charnier
Tentatives d'aseptisation

Mais les enfants de la Cité succombèrent 
Les uns après les autres
Tous

Les médecins
Les apothicaires 
Les guérisseurs
Même les charlatans
Tous épuisèrent leur érudition en cataplasmes
En comprimés
En sangsues 
En vain

C'est là un des points tournants du récit qui entraîne inexorablement le Peuple et la Cité vers leur déclin, leur chute. À coup de décrets. Je pourrais me targuer d'être visionnaire... mais non. Ce passage a été écrit à l'été 2018, en référence à une épidémie d'Ebola qui faisait les manchettes. 

samedi 14 mars 2020

Comme un relent du passé 2...

Je reste dans cette grande thématique d'actualité (après ce billet d'il y a quelques jours...).

Comment aussi, en ces temps de pandémie et d'annulations de représentations, ne pas penser à cette grande faucheuse que fut l'épidémie de grippe espagnole de 1918 qui a fait des millions de morts... Pour contrer le mal, la fermeture des salles des spectacles avait notamment été décrétée.

Voici donc, comme une résurgence du passé qui trouve aujourd'hui un drôle d'écho, une bien mince partie de la revue de presse de l'époque (avec, bien sûr, des articles concernant la fermeture des théâtres)...

Le Devoir, 7 octobre 1918:


Le Soleil, 7 octobre 1918:


Le Devoir, 9 octobre 1918:


L'Action Catholique, 9 octobre 1918:


Le Samedi, 19 octobre 1918:


jeudi 12 mars 2020

Comme un relent du passé...


À la fin du 16ième siècle, entre 1592 et 1594, alors que Londre subit les ravages de la peste, on prend la décision de fermer tous les théâtres... accusés, notamment, d'être des foyers d'infections, tant physiques que moraux! Tout ça, dans le but, évidemment, d'éviter la propagation et la contagion. 

Difficile de ne pas y penser, en ces temps troubles de pandémie alors que d'un peu partout sur la planète (et ici, au Québec, pour les rassemblements de plus de 250 personnes), les fermetures d'institutions et de lieux publics sont annoncées.


mercredi 11 mars 2020

Du fonctionnalisme de l'espace.


Nous avons formulé un jour cette exigence relative à notre travail: 
tout ce qui se trouve sur scène doit être un moyen de jeu 
et doit être utilisé en tant que tel. 
Dans la mesure du possible, 
il ne doit pas y avoir de masse morte. 

Telle est la philosophie scénographique de Thomas Ostermeier. Une philosophie esthétique que je partage pleinement! Voilà l'essence même du fonctionnalisme! Pour lui, la scène est un outil dont le but premier est de servir le jeu du comédien.

Intéressant (et tiré de la revue Études théâtrales, no. 58, Le théâtre de Thomas Ostermeier)!

lundi 9 mars 2020

Quand être immoral coûte cher...

Depuis quelques temps (et mon blogue en est une preuve tangible!), mes recherches sur l'histoire du théâtre m'entraîne du côté de morale, de la vertu et de leur outil principal de sauvegarde: la censure! Le sujet est inépuisable... et toujours fascinant dans son aspect désuet. Mais est-il si désuet? Parfois, on peut presque se le demander... 

Au grands maux les grands remèdes... 

L'échevin (de la ville de Montréal) L. A. Lapointe fait adopter, le 31 octobre 1907 un règlement sur l'Observance du Dimanche et des bonnes moeurs et de la décence. Quelques temps plus tard, le pauvre a dû apporter un amendement à son règlement (tiré de La Presse... mais je n'ai pas retenu la date....):


Mais il n'en resta pas là. Le 23 avril 1912, le Devoir prend acte d'une autre de ses batailles: censurer le jeune cinéma qui commence à s'implanter. Le journaliste aimerait que ça aille plus loin... jusque sur la scène du théâtre! Le tout, dans une rhétorique qui ne nous surprend plus...:


dimanche 8 mars 2020

Une danseuse... en prison

En fouillant dans les archives, je tombe parfois sur des personnages haut en couleur... surtout à une époque marquée par une censure toujours à l'affût. Comme, par exemple, cette Millie de Leon, une artiste américaine de la scène burlesque. Une danseuse, pour être plus précis.


Voici une petite biographie du personnage, que j'ai trouvé dans Vaudeville old & new: an encyclopedia of Variety performers in America:


Elle est apparue sous mon radar, par le biais d'un article de La Presse du 3 mai 1909... où il est question du scandaleux spectacle qu'elle a donné.


Voici, le même jour mais dans un autre journal (et un autre ton, jouant beaucoup plus sur les effets mélodramatiques), Le Canada, un autre compte-rendu, plus détaillé et plus anecdotique de la cause:




Difficile de bien saisir de quoi il retourne. Car si d'une part, oui, les danses dans les spectacles burlesques faisaient la part belle au corps et à la sensualité, il faut aussi se rappeler que la pudibonderie de l'époque est quelque peu excessive. L'indécence d'alors est bien sage comparée à la nôtre...  Quand on regarde les images de ce temps, l'adage qui dit Autre temps, autre moeurs prend tout son sens.


Le journal La Vérité, dans un excès de vertu, y va de son papier, le 8 mai de la même année: 



L'histoire (et ma brève recherche dans les journaux d'alors) ne dit pas si elle reviendra sur nos scènes par la suite...