C'est à cette question que tente de répondre Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), celui-là même qui est l'auteur des immortels Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro (et qui, entres autres choses, fut horloger de Versailles, agent secret des rois Louis XV et Louis XVI, et intermédiaire pour le compte des colonies américaines qui déclarent leur indépendance...):
«Le public!... Qu'est-ce encore que le public? Lorsque cet être collectif vient à se dissoudre, que les parties s'en dispersent, que reste-t-il pour fondement de l'opinion générale, sinon celle de chaque individu, dont les plus éclairés ont sur les autres une influence naturelle, qui les ramène tôt ou tard à leur avis? D'où l'on voit que c'est au jugement du petit nombre, et non à celui de la multitude, qu'il faut s'en rapporter.»
C'est assez: osons à ce torrent d'objections, que je n'ai affaiblies ni fardées en les rapportant. Commençons par nous rendre notre juge favorable, en défendant ses droits. Quoi qu'en disent les censeurs, le public assemblé n'en est pas moins le seul juge des ouvrages destinés à l'amuser; tous lui sont également soumis; et vouloir arrêter les efforts du génie dans la création d'un nouveau genre de spectacle, ou dans l'extension de ceux qu'il connaît déjà, est un attentat contre ses droits, un entreprise contre ses plaisirs. Je conviens qu'une vérité difficile sera plutôt rencontrée, mieux saisie, plus sainement jugée par un petit nombre de personnes éclairées, que par la multitude en rumeur, puisque sans cela cette vérité ne devrait pas être appelée difficile; mais les objets de goût, de sentiment, de pur effet, en un mot de spectacle, n'étant jamais admis que sur la sensation puissante et subite qu'ils produisent dans tous les spectateurs, doivent-ilsêtre jugés sur les mêmes règles? Lorsqu'il est moins question de discuter et d'approfondir, que de sentir, de s'amuser, d'être touché, n'est-il pas au si hasardé de soutenir que le jugement du public ému est faux et mal porté, qu'il le serait de prétendre qu'un genre de spectacle dont toute une nation aurait été vivement affectée, et qui lui plairait généralement, n'aurait pas le degré de bonté convenable à cette nation?
C'est assez: osons à ce torrent d'objections, que je n'ai affaiblies ni fardées en les rapportant. Commençons par nous rendre notre juge favorable, en défendant ses droits. Quoi qu'en disent les censeurs, le public assemblé n'en est pas moins le seul juge des ouvrages destinés à l'amuser; tous lui sont également soumis; et vouloir arrêter les efforts du génie dans la création d'un nouveau genre de spectacle, ou dans l'extension de ceux qu'il connaît déjà, est un attentat contre ses droits, un entreprise contre ses plaisirs. Je conviens qu'une vérité difficile sera plutôt rencontrée, mieux saisie, plus sainement jugée par un petit nombre de personnes éclairées, que par la multitude en rumeur, puisque sans cela cette vérité ne devrait pas être appelée difficile; mais les objets de goût, de sentiment, de pur effet, en un mot de spectacle, n'étant jamais admis que sur la sensation puissante et subite qu'ils produisent dans tous les spectateurs, doivent-ilsêtre jugés sur les mêmes règles? Lorsqu'il est moins question de discuter et d'approfondir, que de sentir, de s'amuser, d'être touché, n'est-il pas au si hasardé de soutenir que le jugement du public ému est faux et mal porté, qu'il le serait de prétendre qu'un genre de spectacle dont toute une nation aurait été vivement affectée, et qui lui plairait généralement, n'aurait pas le degré de bonté convenable à cette nation?