vendredi 31 décembre 2021

Sur nos scènes (et dans le milieu) en 2021!


2021 c'est... une autre année en pandémie avec ce que ça implique... c'est-à-dire des répétitions masquées et en distanciation (!), des spectacles présentés en ligne ou dans des salles avec un public épars, des réorientations professionnelles...

2021 c'est... malgré le point précédent (et voir le billet d'hier!) la présentation d'au moins (parce qu'il se peut que j'oublie des trucs) vingt-six projets théâtraux (dont plusieurs reprises, il est vrai) qui démontrent encore une fois le dynamisme de notre petit milieu!

2021 c'est... aussi d'autres projets qui dorment toujours dans les tiroirs dans l'attente d'un contexte plus favorable, d'autres projets déjà en cours de création pour l'année à venir, d'autres projets qui commencent à se dessiner! Parce que le théâtre continue, lui. 

2021 c'est... la tenue du Festival International des arts de la Marionnette qui a fait du bien au sortir du déconfinement! 

2021 c'est... la transformation de la Société d'art lyrique du Royaume en Opéra du Royaume.

2021 c'est... l'ouverture (mais en vain), après quelques mois de retard, des inscriptions pour le programme court de deuxième cycle en Pratiques théâtrales jeunesse à l'UQAC.

2021 c'est... l'arrivée de Marilyne Renaud à la direction générale du Théâtre CRI qui amorce ainsi une transition (Guylaine Rivard conservant encore la direction artistique).

2021 c'est... le retour inattendu de Patrice Leblanc et son personnage contestataire Trac (anciennement du Théâtre du Faux Coffre) avec son Nouveau Théâtre Libre (ici). 

2021 c'est... une fin d'année marquée par la fulgurante montée du variant Omicron et ce qu'il entraîne dans son sillon comme resserrement de mesures (fermeture des salles, couvre-feu, retour des bulles et de la distanciation) qui impacteront - pour combien de temps encore? - les organismes théâtraux au début de 2022. 

Maintenant, on change de calendrier! 

jeudi 30 décembre 2021

Sur nos scènes, en 2021!


2021 fut une année éprouvante pour le milieu théâtral avec des mesures sanitaires parfois complexes et frustrantes... tant en répétition (comme le port du masque, la distanciation) que dans les salles (les jauges réduites et autres mesures)... quand ce n'était pas tout simplement le confinement. Néanmoins, plusieurs spectacles ont tout de même pu émerger de toute cette morosité pour donner, au final, quelque chose quand même étonnamment dynamique!

Voici donc la liste (le plus en ordre chronologique possible) des productions et activités théâtrales qui se sont tenues cette année sur notre territoire. Je l'ai faite de mémoire et à partir des différentes pages Facebook des compagnies... alors il se peut qu'il me manque des informations. On pourra les rajouter en commentaire.

Pour marquer d'un simple regard les différentes catégories qui émaillent cette liste, je propose donc cette petite légende: les productions professionnelles (par les compagnies) et recherches, les productions de loisirs d'importance et autres événements à caractère théâtral, les productions académiques universitaires (parce qu'à l'aube du professionnalisme). Dans cette liste, je ne considère que les trucs faits ici, par les organismes et artistes d'ici et non pas les spectacles des grandes centres en tournées (donc les diffuseurs).

Pensées incontrôlables (UQAC - BIA - Christina Gauthier)
Baluchon en reprise (Théâtre des Amis de Chiffon)
Espaces scéniques - rencontres théâtrales (Théâtre La Rubrique)
À demain Moïra en balado dans le cadre du Jamais Lu Mobile (Anick Martel)
Quand Ruth rencontre Kevin (Théâtre du Faux Coffre)
Le système du Dr Goudron et du Pr Plume (UQAC - Prod. étudiante en ligne)
Bonne retraite Jocelyne (Théâtre Mic Mac)
Le Youtubeur - le problème de l'échiquier (Théâtre CRI)
La Cantatrice Chauve (Théâtre 100 Masques)
Grande Baie (Théâtre du Mortier)
Les Fabuleuses histoires de l'Esprit du Fjord (Diffusion Saguenay)
Ainsi passe la chair (Tortue Noire)
L'Autre dans la cité (Tortue Noire)
Petites formes dévoilées en reprise (Théâtre CRI)
Pour la vie en reprise (Théâtre À Bout Portant)
Itinérance en reprise (Théâtre CRI)
Aisselles et Bretelles en reprise (Théâtre CRI)
Sorties de secours en reprise (Théâtre À Bout Portant)
Ogre en tournée (Tortue Noire)
Courtes formes inachevées (Théâtre des Amis de Chiffon)
Histoires d'amour (Comité des spectacles Dolbeau-Miss - Bruno Paradis)
Acouphène (Théâtre du Mortier)
Ceci n'est pas un match d'impro (Imprévu Improvisation)
Coronavirus (Théâtre de la Valise Animée)
La nébuleuse de l'écrevisse (UQAC - Maîtrise - Héléna Richard)
La Chasse-Galerie (Théâtre 100 Masques)
Ribambelle marionnettes (Théâtre des Amis de Chiffon)

En plus de ces spectacles locaux, il y a eu, à l'été 2021, la tenue du Festival International des arts de la marionnettes à Saguenay et, en cours d'année, la reprise des activités chez les différents diffuseurs pluridisciplinaires qui ont présenté quelques pièces de théâtre en tournée dans leur programmation respective

mercredi 29 décembre 2021

Une commedia dell'arte revisitée!

Comme production estivale 2022, le Théâtre 100 Masques présentera, pour la seconde fois de son histoire (après La Serva Amorosa en 2004) une pièce de Goldoni: Un Curioso Accidente. Une pièce avec un fort potentiel comique à propos de l'orgueil mal placé. C'est dynamique, avec de multiples chassés-croisés qui font s'accumuler les quiproquos. 

Oui, il est un peu tôt pour penser à l'été alors que nous entrons à peine dans l'hiver. Mais il y a une bonne raison! 

J'ai reçu, il y a quelques jours, un colis bien attendu (depuis 6 mois déjà)... à savoir une collection de sept masques, conçus à Montréal, inspirés de personnages de la commedia dell'arte.





Car oui, c'est vers le jeu masqué que je compte aller. Vers un jeu résolument physique, lui aussi inspiré de la commedia... sans chercher pour autant l'authenticité historique du genre. Un spectacle chorégraphique. Fort proche de la biomécanique. Encore. Mais cet accessoire portera peut-être l'expérience ailleurs... qui sait!

Avec les comédiens, nous élaborerons nos propres codes, nos propres conventions, bref, notre propre cadre. 

Je veux que ça bouge. Je veux que ça grince. Je veux que ça surprenne. Je veux que ça étourdisse. Je veux que ça éblouisse.

jeudi 23 décembre 2021

«Le Noël d'Aline» et autres monologues des Fêtes

C'est le temps des Fêtes. Alors voici une petite publication de circonstance...

Qui est Aline? Rien de moins qu'un triomphe... selon l'édition du 21 décembre 1923 de La Presse:


Un triomphe... une perfection... mais d'un auteur inconnu, semble-t-il... À moins que ça ne soit de Debray lui-même? Sur youtube, il existe cet enregistrement... peut-être s'agit-il de cette même chose (qui serait cette version de Debray): 


Il y a aussi cette version de Tante Lucille, prise sur BaNQ. Ou cette autre encore de Marcel Huard, enregistrée pour la station de radio CHRC de Québec... donc avant 1960):


Ce texte est dans la lignée des autres grands monologues de Noël que sont La Charlotte prie Notre Dame (de Jehan Rictus... ici dans une version magistrale d'Angèle Coutu):


 Noël au camp (de Tex Lecor):


Les deux orphelines (de Jean Narrache):


samedi 27 novembre 2021

Du nouveau dans ma bibliothèque

Comme c'est déjà arrivé auparavant, j'ai été littéralement absorbé par l'automne et mes occupations professionnelles m'ont complètement absorbé... au point de négliger à nouveau ce blogue (après une année faste, conséquence de la pandémie).

Au cours des derniers mois, donc, il s'en est passé des choses. Des spectacles (dont les récents d'Héléna Richard et du Théâtre du Mortier). Une décision judiciaire sur la cigarette sur scène. Des répétitions pour La Chasse-Galerie. Des lectures de toutes sortes.

Parlant de lectures...


J'ai enfin reçu ces deux tomes de cet ouvrage publié en 1872 - Recueil de pièces rares et facétieuses - qui renferment, comme l'indique le titre, différentes pièces de théâtre, farces, sermons joyeux, issus du tournant du XVIIième siècle. 

Ce sont toujours là des lectures étonnantes qui donnent une nouvelle perspective aux discours des humoristes d'aujoutd'hui.

Mais ce n'est rien, comme étonnement, comparativement à l'ouvrage suivant:


Ce sont des courtes pièces dont la teneur est franchement grivoise, sexuelle, vulgaire et parfois scatologique. C'est détonnant! Décoiffant!  Et certaines pages laissent pantois et un peu ahuri!

C'est cru. Très drôle. Sûrement que je me servirai de ce matériel un de ces jours...

lundi 15 novembre 2021

Revendications théâtrales saguenéennes... en 1981!

Les années '70 et le début des années '80 peuvent parfois être considérées comme étant un âge d'or dans le théâtre québécois tant il est partout. Le théâtre, dans ce fort élan communautaro-collectif, est engagé, politique, revendicateur. Il se réclame d'art du peuple par le peuple pour le peuple. Il porte fièrement son titre d'amateur comme un gage de son caractère  populaire.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le théâtre est tout autant actif qu'ailleurs. Des compagnies naissent, se structurent et réclament haut et fort une attention vers ce qui se passe sur notre territoire... notamment dans la revue Jeune Théâtre (publiée par l'Association Québécoise du Jeune Théâtre qui remplace alors l'Association Canadienne pour le Théâtre Amateur... transition née d'une vision et d'une aspiration forte qui devrait faire l'objet d'un autre billet) qui se fait porte-voix de ses membres.

Il est bon de lire ces demandes d'il y a 40 ans (juillet 1981)... et de les mettre en perspectives avec aujourd'hui. Des acteurs sont toujours là. Tout comme des problématiques toujours présentes!




samedi 23 octobre 2021

Vous qui novice encore dans les jeux de Thalie

J'ai un peu perdu le fil de ce blogue au cours des dernières semaines au profit d'un automne extrêmement chargé - et malgré tout un peu morose dans le contexte actuel - où se sont enchaînés projets, cours, triple direction générale, etc. 

Mais je n'abandonne pas pour autant. La preuve!

Voici un beau petit morceau de littérature publié dans La Gazette de Québec, le 7 février 1805, Adresse aux jeunes acteurs. Malheureusement, l'article ne nous dira pas de qui est cette oeuvre... mais si je connais bien mon histoire, il s'agit de Joseph Quesnel qui publiera un Traité de l'Art dramatique. (J'ai déjà publié une bonne partie de ce texte en 2015.)

Ces quelques conseils aux apprentis comédiens ne sauraient être sans une mise en garde morale! 

samedi 2 octobre 2021

Et c'est reparti pour un nouveau spectacle de Noël!

 


C'est hier que s'est mise en marche la quinzième création de Noël du Théâtre 100 Masques. Une tradition instaurée en 2007... qui l'eût cru!

Comme à chaque année, j'ai cherché une trame narrative qui nous servira à élaborer le spectacle. Ainsi, par exemple, les dernières éditions ont toutes convoqué des oeuvres connues: Christmas Carol, Casse-Noisette, La petite fille aux allumettes, La Nativité. C'est dans cette veine que j'ai donc choisi d'utiliser ce conte - La Chasse-Galerie - comme base de travail. 

D'une part, parce que cette légende - des bûcherons qui se trouvent loin de leur famille et qui pactiseront avec le diable pour les retrouver - se déroule justement dans le temps des Fêtes (plus précisément, lors du réveillon du Jour de l'An mais nous n'aurons pas beaucoup de scrupule à devancer le tout d'une semaine!). 

D'autre part, parce qu'elle a une puissance pittoresque et folklorique qu'il sera amusant de triturer, des rebondissements qu'il sera possible de mettre en scène, des personnages qu'il sera facile d'y accoler. Bref, une matière riche qui nous permettra, en équipe de création, de nous éclater.

Mais de l'idée de départ à la présentation, il  y a de la job!

Il faut savoir que ces spectacles se créent chaque fois de la même manière... à savoir, à même le plateau. 

Au départ, il y a les chansons. Le Théâtre 100 Masques a, en banque, près d'une trentaine de cantiques de Noël parodiés. Une première sélection se fait donc parmi ceux-ci. Il y en aura, en tout, une douzaine (dont 2 ou 3 nouvelles). 

Ces chansons seront, en quelques sortes, les jalons de la représentations. La partie parlée étant tricotée de l'une à l'autre, pour les intégrer tout en maintenant une continuité fictionnelle.

L'ordre n'est pas établi d'emblée. Et il n'y a pas de texte de départ. Tout s'élabore en même temps que la mise en scène et la conception des décors et costumes. Propositions. Essais. Écriture. Correction. Ajout. Suppression. Nouvelle idée. Etc. 

C'est intense. 

Bien sûr, il y aura peaufinage de répétition en répétition pour aboutir, quelques temps avant la première, avec une partition complète en bonne et due forme. 

Peu d'improvisation lors des spectacles... sinon la possibilité d'intégrer des éléments accidentels. Malgré les apparences parfois bric-à-brac, tout est très travaillé. 

C'est donc reparti pour nous!

lundi 13 septembre 2021

Rare plaidoyer du XIXième siècle pour le théâtre!

Dans le journal La Minerve du 8 octobre 1864 parait, sous le pseudonyme Auguste Vérité (!), un rare plaidoyer pour le théâtre à cette époque où il est plutôt de bon ton de le décrier sur toutes les tribunes:



dimanche 12 septembre 2021

Un autre spectateur anonyme

Dans cette seconde moitié du XIXième siècle - pétrie de moralité et de relent d'ultramontisme - les articles contre le théâtre sont nombreux. Ce blogue en est d'ailleurs rempli! 

J'avoue que j'éprouve un malin plaisir à débusquer ces morceaux de littératures où la verve est flamboyante, les images sont fortes et où l'âme humaine est en voie de perdition

Comme cet autre Spectateur (souvent anonyme!) qui publie, dans le Journal de Québec du 23 janvier 1892, son opinion sur une pièce donnée au Théâtre des familles (le dernier paragraphe est savoureux!): 



samedi 11 septembre 2021

De cours de diction en cours de théâtre

Pendant de nombreuses années, au Québec, dans la première moitié du vingtième siècle (jusqu'au milieu des années '50), les principales formations théâtrales existantes et disponibles  étaient ces cours particuliers, généralement axés sur la diction... qui utilisait alors l'art dramatique comme outil pédagogique.

La plus célèbre de ces écoles était celle de Mme Audet dont j'ai déjà parlé ici.

Voici donc, comme bref exemple de ce qui s'offrait (et comment le tout était présenté), un ensemble de publicités parues dans le seul Radiomonde du 15 septembre 1947 (que je feuilletais pour trouver un autre article):








lundi 6 septembre 2021

Une opinion tranchée sur le théâtre canadien

Voici une opinion très tranchée - presque un manifeste! - sur le théâtre canadien (entendre ici canadien-français) de ce premier quart du vingtième siècle parue dans la revue La Lyre d'octobre 1924:

dimanche 5 septembre 2021

De la chute qu'il a faite jusqu'à l'ascension qu'il aurait dû faire... telle est la crtitique dramatique!

Dans l'édition du 13 août 1913 du journal Le Nationaliste, il y a - sous la plume de Paul Hame(lin?) - cet article à propos de la critique dramatique. L'auteur y défend une thèse étonnante... :

Il est fort intéressant d'avoir ces différents points de vue - souvent contradictoires..! Si, par exemple,  pour le présent auteur, il faut être indulgent... de nombreux autres praticiens et journalistes réclament, à cette même époque, une plus grande rigueur de la part de cette dite critique dramatique!

samedi 4 septembre 2021

Une représentation chaotique

Le Soleil du 14 novembre 1933 fait le compte-rendu d'une représentation pour le moins chaotique... et humiliante pour le pauvre comédien concerné! Ah les affres du théâtre et de la critique...


Après la lecture de ce petit article, le succès annoncé dans le titre ne semble vraiment pas si évident...

dimanche 29 août 2021

La censure... selon Claude Gauvreau


Dans sa pièce Les oranges sont vertes, Claude Gauvreau écrit, pour son personnage Yvirnig, une longue réplique sur ce que représente la censure:

YVIRNIG
La censure? La censure! La censure, c'est la gargouille qui vomit hideusement son plomb liquide sur la chair vive de la poésie! La censure, c'est l'acéphale aux mille bras aveugles qui abat comme un sacrifice sans défense chaque érection de sensibilité délicate au moyen de ses moulinets vandales. La censure, c'est l'apothéose de la bêtise! La censure, c'est le rasoir gigantesque rasant au niveau du médiocre toute tête qui dépasse! La censure, c'est la camisole de force imposée au vital! La censure, c'est la défiguration imprégnée sur la grâce par un sourcil froncé saugrenu! La censure, c'est le saccage du rythme! La censure, c'est le crime à l'état pur! La censure, c'est l'enfoncement du cerveau dans un moulin à viande dont il surgit effilochement! La censure, c'est la castration de tout ce qu'il y a de viril! La censure, c'est la chasse obtuse à la fantaisie et à l'audace illuminatrice! La censure, c'est la ceinture de chasteté appliquée à tout con florissant! La censure, c'est l'interdiction de la joie à poivre! La censure, c'est le morose enduisant tout! La censure, c'est l'abdication du rare et du fin! La censure, c'est la maculation et le hachage en persil de l'unique toujours gaillard! La censure, c'est  l'abdication de la liberté! La censure, c'est le règne ignorantiste du totalitarisme intolérant envers tout objet qui n'est pas monstruosité rétractile! La censure, c'est l'injure homicide à la loyauté des sens! La censure, c'est le pet par-dessus l'encens! La censure, c'est l'éteignement de l'esprit! Où il y a censure, serait-elle la plus bénigne du monde, il n'y a plus qu'avortement généralisé. La censure, c'est la barbarie arrogante. La censure, c'est le broiement du coeur palpitant dans un gros étau brutal! Oui, mille fois oui, la censure c'est la négation de la pensée.

Ce cri du coeur, écrit en 1958, résonne comme un puissant écho au Refus Global (qui date, lui, de 1948) dont Gauvreau était aussi l'un des signataires...

samedi 28 août 2021

Une Phèdre «in-yer-face»

Je poursuis la lecture des différentes versions du mythe de Phèdre et d'Hippolyte qui changent, de fois en fois, la vision toute racinienne que j'en avais!


L'Amour de Phèdre de Sarah Kane en est l'une des plus récentes (1996). C'est là une Phèdre qui décoiffe et qui déconcerte! Mais pouvait-il en être autrement? 

Sarah Kane, dramaturge du Royaume-Uni de la toute fin du vingtième siècle qui a profondément marqué le théâtre contemporain avec seulement cinq pièces (et son suicide en 1999), est l'une des figures principales de ce théâtre qualifié de In-Yer-Face. 

Pour bien saisir de quoi il retourne, voici une (juste) description du genre prise sur Wikipédia: L’une des caractéristiques majeures de ce théâtre est de provoquer l’inconfort – visuel, mais aussi physique – du spectateur. L’intensité et la crudité sont telles que le spectateur doit avoir le sentiment que son espace personnel est menacé et son intimité violée. Les dramaturges de cette génération ont tous en tête la tradition du Théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud, qui, dans Le Théâtre et son double, affirme que « tout ce qui agit est cruauté. C’est sur cette idée d’action poussée à bout et extrême que le théâtre doit se renouveler. » C’est là une conception que le théâtre in-yer-face reprend à son compte, avec l’idée selon laquelle, comme chez Artaud, l’acteur doit brûler les planches comme un supplicié sur son bûcher.  Cela passe avant tout par une langue vulgaire, de nombreuses insultes à caractère souvent sexuel ou scatologique, des images choquantes montrant une souffrance insupportable, du sang et de la violence. Ces pièces respectent généralement un format de quatre-vingt-dix minutes sans entracte, afin de garder toute leur intensité et de ne pas perdre l’attention du spectateur.

Bref, chaque pièce est un solide coup de poing reçu par le public.

Que vient donc faire Phèdre dans cette galère? Simple. Elle est en manque de sexe et en parle avec son psychiatre. Parce qu'elle n'a d'yeux que pour son beau-fils, Hippolyte, toujours enfermé dans sa chambre-dépotoir à baiser tout ce qui bouge. Elle le veut. Les échanges entre les deux seront crus, directs, sans ambages. Hippolyte - parfaitement nihiliste - sait son pouvoir sur elle. En joue. La méprise. Se méprise. Thésée (toujours absent), revient et Phèdre, pour se venger du fils qui la rejette, l'accuse de viol. Sous les ordres de son père, il est pris dans une barbare orgie de sang qui se termine par la mort frénétique de tous les protagonistes. Fin. 

Ce résumé semble placer cette version à mille lieues de la version antique... et pourtant, elle en conserve la même charge entre les personnages bien que cette fois, les sentiments sont remplacés par un  amour violemment génital et sexuel. Le sexe de cette pièce remplace les dieux des versions antérieures.

mercredi 25 août 2021

De retour à l'UQAC


Je reprendrai le chemin de l'UQAC au cours de la saison automnale pour donner (comme je le fais à tous les deux ans depuis 2013... ce qui me porte à ma cinquième fois) le cours Analyse dramaturgique du théâtre québécois.

Un cours que j'aime bien.

Qui a pour but de tracer l'histoire du théâtre au Québec (de la Nouvelle-France à aujourd'hui) et de voir comment les oeuvres et la pratiques ont cheminé, comment les institutions ont pris naissance, comment la professionnalisation s'est faite.

Cette histoire est une succession d'embûches et de défis. Avec de grandes étapes, des âges d'or, des vides.

À travers elle, il est possible de définir les grands axes thématiques de ce théâtre... souvent associés à l'évolution même de la société. Des récurrences liées à notre réalité. Des grands courants. 

Puis enfin, il y a tous ces textes, tous ces auteurs, tous ces artistes qui ont marqué ce fil temporel...

Une partie du cours est aussi consacrée à l'approche dramaturgique du texte, tant l'ancien que le contemporain: sa construction, son analyse, sa signification, son potentiel théâtral.

Bref, c'est comme ce blogue... mais en 15 rencontres de trois heures! :) 

mardi 24 août 2021

Opportune intervention

Au cours des années '20, le journal Le Devoir se mêlait, lui aussi, de théâtre et de moralité. Encore plus même! Il se réjouissait, en ce 25 février 1921, sous la plume du rédacteur Omer Héroux, d'une résolution passée à la Ligue du Sacré-Coeur de l'Immaculée-Conception...


... semonçant la dépravation du théâtre de Montréal et appelant, en quelque sorte, à l'établissement d'un organe de censure:


Pour faire plus complet, je suis aussi allé cherché dans les archives, la résolution parue la veille, dans le même journal:




dimanche 22 août 2021

Suite de la suite phédrienne!

 


C'est un dramaturge que je ne connaissais pas. Et bon... ce serait mentir de dire que je le connais mieux maintenant après n'avoir lu qu'une seule pièce! Mais quand même...

Dans ma quête des différentes versions de l'histoire de Phèdre, je suis tombé sur cet auteur humaniste de la Renaissance - période creuse du théâtre français après une époque médiévale riches en mystères et en farces et juste avant un classicisme qui fera date - considéré comme un des grands de son époque et célébré, notamment, par Ronsard:


Bref, c'est une réelle découverte. 

J'ai donc lu la version originale en vieux français (c'est là un exercice qui demande une attention particulièrement éprouvante!) de son Hippolyte... pour y trouver l'une des bonnes pièces sur le sujet... sinon la meilleure... très proche de la version antique tout en étant débarrassée des conventions théâtrales désuètes des Grecs et des Romains.

Dans celle-ci, il y est beaucoup (vraiment beaucoup) question de Thésée (dont le long prologue énoncé par le fantôme de son père Égée qui donne une mise en situation détaillée de la vie conjugale de ce roi fantasque), de son caractère déloyal et infidèle qui jette Phèdre dans un désarroi (et un destin divinement contrarié) qui la piège dans une passion incestueuse pour le fils Hippolyte. Le grand roi de la version racinienne y est dépeint dans toute son humanité viciée par l'orgueil, le calcul, l'aveuglement.

La reine y est, du coup, une figure encore plus pitoyable, profondément malheureuse, tourmentée. Femme déçue. Femme désespérée. Femme sans attaches, sans famille et sans patrie. Son destin se conjugue avec ses choix, avec son passé, avec son présent.

Hippolyte y est aussi présenté sous son aspect le plus intéressant: chaste et austère, complètement dégoûté de l'amour et de la chair. Ce qui le rend doublement - voire triplement - perturbé par les aveux de Phèdre. La rencontre entre les deux est d'ailleurs l'un des passages les plus beaux alors que le fils aborde sa belle-mère avec une certaine piété filiale et que celle-ci lui demande de porter la couronne en lieu et place du père disparu avant que de ne se lancer dans le déferlement de sa passion. Les répliques sont saisissantes. Pathétiques. Cruelles.

Il y a d'autres monologues (la pièces est construite sur les monologues ou sur des échanges à deux personnages alors que chaque acte - il y en a cinq - se termine par un choeur poétique) magnifiques:
  • le présage d'Hippolyte qui combat un lion féroce;
  • les suppliques de Phèdre aux dieux pour qu'ils la délivrent de son mal;
  • ses accusations envers son époux absent;
  • ses confessions;
  • le discours brutal de la nourrice pour sortir Phèdre de sa léthargie;
  • la description de l'état physique et émotionnelle de Phèdre par la nourrice;
  • le retour de Thésée plus ébranlé que triomphant;
  • l'échange insistant et terrible entre lui et son épouse qui finira par porter une fausse accusation envers le fils;
  • la malédiction insensée que porte Thésée sur la tête de son fils (le dernier de ses trois voeux à Neptune où il appelle la mort d'Hippolyte comme vengeance);
  • le remords de la nourrice qui a fait germer l'idée de la fausse accusation dans l'âme fiévreuse de sa maîtresse;
  • le récit du messager... sur six pages!;
  • l'horreur de Phèdre face à la mort d'Hippolyte.
Si je m'écoutais, je tasserais la partition préparée à partir de la version d'Euripide (et avec laquelle je compte travailler à l'hiver 2022) pour me consacrer à celle-ci! 

samedi 21 août 2021

Le théâtre en crise... encore!

Il suffit de quelques pages d'un livre d'histoire sur le théâtre québécois pour vite se rendre compte que ce dernier a une caractéristique quasi immanente... être en crise: que ce soit une crise éthique ou religieuse, une crise de répertoire, une crise financière, une crise structurelle, une crise artistique, une crise identitaire, une crise de succession et j'en passe. 

Au cours des années '30, Louis Pelland, journaliste/chroniqueur culturel au journal La Renaissance, en est un chantre acharné (j'en ai déjà parlé ici). Comme dans cet exemple, du 30 novembre 1935:


Avec Jean Béraud, il fait partie de ce petit groupe de penseurs qui feront bouger les choses.

dimanche 15 août 2021

Les désagréments (!) du théâtre en temps de guerre

Le numéro 256 (janvier 1905) de la revue Le Passe-Temps rapporte, dans un petit article, quelques anecdotes théâtrales (et d'un goût douteux) survenues pendant la guerre russo-japonaise (commencée le 8 février 1904... qui se terminera en septembre 1905):


Conclusion: rien n'arrête le théâtre... ou presque! The show must go on!

samedi 14 août 2021

Une entrée dans le travail de Robert Lepage

 

Je viens de recevoir ce tout petit bouquin (dans la collection Mettre en scène chez Actes Sud-Papier qui est, en soi, fort intéressante) qui donne la parole à Robert Lepage. 

Il est l'un des grands metteurs en scène contemporains et cet entretien d'une soixantaine de pages (qui va de ses débuts jusqu'à l'ouverture du Diamant et ses projets de 2018 et années suivantes) nous permet de saisir son parcours et les contours de sa vision et de sa pratique:

[...] Le fond n'est rien sans la forme. Parfois les deux cohabitent de manière égale. Pendant longtemps, on pensait que je ne m'intéressais qu'à la forme. Or, je m'intéressais autant au fond. Peut-être que la forme était maladroite et qu'on ne voyait qu'elle? Peut-être qu'elle était tellement nouvelle qu'on ne voyait que le nouveau gadget qui avait été utilisé? Sans doute, avec le temps, suis-je juste un petit peu plus habile à faire dialoguer la forme et le fond. (p.45)

[...] Je crois en l'acteur-inventeur ou l'acteur-créateur. L'acteur-interprète ne m'intéresse pas. Je ne travaille pas à l'interprétation, mais j'essaie de travailler à l'invention. (p.48)

[...] Un spectacle est fixé seulement le jour où on ne le joue plus. On perçoit le théâtre comme une chose sacrosainte qu'on ne peut pas retoucher. Or, tout spectacle vivant est retouché. (p.58)

[...] Le théâtre est un métier d'humiliation. On se casse la gueule, mais on n'en meurt pas. (p.61)

[...] Quand on crée un spectacle, on invente des règles, des limites, pour que le public comprenne ce qu'on fait, mais il ne faut pas qu'elles nous emprisonnent. Il faut les établir mais dire  aussi qu'on a le droit d'en sortir. (p.63)

[...] J'essaie toujours d'accueillir les idées saugrenues, lancées comme une farce, quelque chose qui n'est même pas une proposition. Alors, j'essaie de les mettre en pratique et souvent nous trouvons là la réponse à ce que l'on cherchait! (p. 65)

C'est une lecture stimulante. Inspirante.


vendredi 13 août 2021

Le sens de l'unité


L'acteur qui joue son rôle comme une série d'épisodes circonscrits entre ses entrées et ses sorties, sans se préoccuper de lier chacun d'eux aux précédents ni aux suivants, ne pourra jamais comprendre ni interpréter son rôle comme un tout cohérent. Un rôle qui n'est pas joué dans sa continuité risque d'être à la fois mal joué et incompréhensible pour le public.

Au contraire, si dès le début, dès la première entrée, vous avez déjà une vision claire de vos dernières scènes - et, inversement, si vous vous souvenez de votre première scène au moment où vous jouez les dernières - vous serez beaucoup plus apte à saisir l'ensemble de votre rôle dans tous ses détails, comme si vous le voyiez avec beaucoup de recul. Si vous êtes capable de considérer chaque détail comme étant indissociable du tout, vous pourrez ensuite jouer chacun d'eux comme un tout en soi qui se fondra harmonieusement dans le grand ensemble du rôle.

Dans quelle mesure ce sens de l'unité enrichira-t-il votre jeu? Intuitivement, vous irez droit à l'essentiel de votre personnage et vous suivrez de façon continue les grandes lignes de l'action, captant ainsi l'attention du public. Votre jeu sera plus ferme. Enfin, vous aurez beaucoup plus de facilité pour trouver votre personnage sans trop de tâtonnements dès le début du travail.

Ce (long) passage est tiré du petit bouquin Être acteur de Mikhaïl Tchekhov. 

C'est là une lecture que je trouve fort inspirante, mélange de jeu psychologique et formel, mélange de Stanislavski et de Meyerhold. 

Et cette vision du sens de l'unité est quelques chose que je trouve particulièrement intéressant et que je tente, du point de vue de metteur en scène, de mettre en pratique dans la direction d'acteur/création de personnage. De chercher une unité dans la mise en place de détails. De m'assurer, si un élément surgit (une idée) ou s'installe, qu'il se développera dès le début et ce, jusqu'à la fin. 

Ce fut particulièrement vrai (et marqué) dans la mise en scène de La Cantatrice Chauve.

jeudi 12 août 2021

De la maigreur de Sarah Bernhardt

De retour, ce matin avec un petit billet sur l'un de mes personnages préférés (dont il y avait longtemps que je n'avais parlé): Sarah Bernhardt!

Adulée en Europe, en Amérique, elle n'avait que faire des quolibets et des méchancetés qui la visaient. Telle pouvait être le sens de sa tonitruante devise: Quand même! C'était là une personnalité qui prêtait volontairement le flanc à la provocation.

Tout au long de sa vie, elle fut attaquée par différents journaux et différentes factions tant sur son art, il va sans dire... que sur son origine juive (dans un antisémitisme primaire)... que sur son apparence physique.

Sa maigreur a été l'objet de dizaine de caricatures, dont certaines versaient presque dans la diffamation:




Dans la même veine, de multiples blagues et moqueries ont été faites et publiées sur son compte, telles que rapportées ici par le L'Étoile du Nord le 19 août 1920:


... et par Le Petit Journal du 21 décembre 1930:



mercredi 11 août 2021

Les lois de la composition théâtrale... selon Tchekhov (le neveu!)

Plusieurs auteurs dramatiques, plusieurs théoriciens, plusieurs sémiologues ont tenté, au fil du temps, de définir ce qui faisait une bonne pièce, ce qui pourrait constituer la mécanique théâtrale idéale.

Voici, de façon synthétique (après les avoir détaillées tout au long d'un chapitre complet), quelles sont les lois de la composition du théâtre selon Mikhaïl Tchekhov:

Une pièce comporte trois phases; les phases extrêmes s'opposent; la phase intermédiaire marque une transformation; chacune des phases peut se subdiviser en plusieurs séquences; chaque phase est dominée par un temps fort principal, chaque séquence par un temps fort secondaire; dans la tension dramatique, il faut ménager des paliers; les phénomènes de répétition créent un rythme; l'alternance des actions intérieures et extérieures crée un rythme ondulatoire; les caractères des personnages doivent s'opposer et se compléter.

Il est évident que toutes les pièces, qu'elles soient modernes ou classiques, n'offrent pas toujours, l'occasion d'appliquer tous les principes mentionnés ici. Mais leur application, même partielle, confère à un spectacle une vie, un relief et une beauté particulière, en permettant d'en approfondir le contenu tout en lui donnant une forme plus harmonieuse.

C'est un peu abstrait, je l'admets. N'empêche que dans la pratique, cette description peut facilement être validée et utilisée.

mardi 10 août 2021

Mikhaïl Tchekhov et l'acteur

Mikhaïl Tcheckhov (du même nom que son oncle Anton, le grand écrivain... dont on voit généralement la version américaine Michael Chekhov) est un acteur et metteur en scène qui a fait ses classes avec, notamment, Constantin Stanislawski au Théâtre d'Art de Moscou au début du vingtième siècle. 

Puis il quitte la Russie pour la France, puis l'Angleterre, pour aboutir finalement aux États-Unis où, partout, il définira la fameuse méthode stanislavskienne et, de fil en aiguille, théorisera lui aussi la sienne (construite dans la foulée de celle de son maître) dans deux petits ouvrages importants: Être acteur et L'imagination créatrice de l'acteur.

Je viens (enfin) de mettre la main sur le premier, réédité chez Pygmalion en 2021:



Il y entrelace ses propres considérations sur ce qu'est le jeu de l'acteur (entre philosophie et anthropologie), sur la mécanique de la création et sur la manière de travailler son propre instrument par des exercices psycho-physiques de toutes sortes. 

Voici à quoi ressemble la table des matières:
  1. Le corps et la psychologie de l'acteur
  2. L'imagination et l'assimilation des images
  3. L'improvisation et le travail collectif
  4. L'atmosphère et les sentiments individuels
  5. Le geste psychologique
  6. La composition du personnage
  7. La personnalité artistique
  8. Les lois de la composition au théâtre
  9. Les genres au théâtre
  10. Comment aborder un rôle
  11. Conclusion
  12. Quelques thèmes d'improvisation
J'y reviendrai assurément dans les prochains jours!

vendredi 6 août 2021

La suite phédrienne

Mon premier vrai coup de foudre pour le théâtre est venu de la littérature, au Cégep d'Alma, par la lecture de Phèdre de Racine. Comme un puissant émerveillement. 

J'ai lu ce texte à de nombreuses reprises... cherchant, depuis, une façon de l'aborder. Il y a deux ou trois ans, j'ai allumé (il n'est jamais trop tard!), au cours d'une brève recherche, sur ce fait évident: le Phèdre de Racine n'est, au fond, qu'une réécriture, une reprise d'un mythe ancien qui avait donc dû être l'objet d'autres pièces au fil du temps.

Et je suis parti à la quête de ces textes.

Tous la même histoire à la base. Alors qu'elle croit son époux Thésée mort, Phèdre avoue sa passion coupable et criminelle pour Hippolyte, le fils de celui-ci. Hippolyte est horrifié. Thésée revient contre toute attente, apprend la nouvelle et, dans une fureur indescriptible, maudit son fils et le banni. Dans sa fuite, Hippolyte est soudainement assailli par un monstre sorti des eaux et meurt dans d'atroces souffrances. Phèdre se confesse et meurt.

Ce qui est intéressant, ce sont alors les variantes. 
 
EURIPIDE (480-406 avant J.-C.)


Le première sur la ligne de départ est Sénèque. En 428 avant notre ère, il écrit la pièce Hippolyte porte-couronne (il aurait fait un Hippolyte voilé aujourd'hui perdu). C'est, à mon sens, la plus intéressante, la plus claire.

Les personnages:
  • Aphrodite
  • Hippolyte
  • Un serviteur
  • Valets d'Hippolyte
  • La nourrice
  • Une servante
  • Thésée
  • Artémis
  • Choeur des femmes de Trézène
Cette pièce présente Hippolyte comme étant un jeune homme fier, arrogant, chaste qui méprise l'Amour et n'a d'intérêt que pour la chasse et Artémis. Refusant d'honorer Aphrodite, celle-ci, courroucée, cherche à se venger du bellâtre en instrumentalisant Phèdre dont la famille est déjà maudite. Aveux, confessions, horreur. Quand Phèdre apprend le retour de Thésée, elle se pend pour échapper au crime et c'est la nourrice qui charge Hippolyte du méfait. Thésée fait appel à son père, Poséidon, afin qu'il punisse le criminel. La furie sortie des eaux. Hippolyte meurt devant Artémis qui instruit Thésée de son erreur et le laisse complètement détruit.

C'est une pièce mordante. Cruelle. Et qui font des dieux, présents dans la pièce (la seule d'ailleurs, qui les convoque), des être manipulateurs et calculateurs qui se servent des humains pour arriver à leurs fins.

Sophocle en aurait écrit, lui aussi, une version... qui ne s'est pas rendue jusqu'à nous.  

SÉNÈQUE (4-65 de notre ère)


Sénèque arrive et donne, vers 50, sa version de Phèdre

En de longs monologues, il reprend somme toute le même argument qu'Euripide (et semble-t-il, que Sophocle) avec une économie de personnages:
  • Hippolyte
  • Phèdre
  • Thésée
  • La nourrice de Phèdre
  • Un messager
  • Choeur d'Athéniens
  • Troupe de veneurs
Dans cette version, Phèdre est beaucoup plus fonceuse et d'emblée, elle annonce à sa nourrice qu'elle ne croit plus Thésée vivant et qu'elle peut enfin assouvir sa passion pour le fils. Aveux, confessions, horreurs. Hippolyte la rejette. Thésée revient et Phèdre accuse froidement le jeune homme d'agression. Colère du père, malédiction, furie sortie des eaux.

La grande différence, outre le caractère de Phèdre, réside dans le fait qu'Hippolyte meurt dans la quatrième partie (de cinq) de l'ouvrage et qu'il reste donc ensuite un acte pour que le choeur ouvre les yeux de Thésée, que Phèdre avoue son mensonge et se punisse elle-même. 

Cette version est un peu longuette.

ROBERT GARNIER (1545-1590)


Il y a cet Hippolyte écrit en 1573 que je n'ai pas encore lu.

Personnages:
  • L'ombre d'Égée
  • Hippolyte
  • Choeur des chasseurs
  • Phèdre
  • La nourrice
  • Thésée
  • Choeur d'Athéniens
Mais ce que je sais déjà (et ce qui fait la différence de cette version), c'est que la pièce début avec l'ombre d'Égée, père de Thésée, qui annonce, dans un long monologue, les malheurs qui se dressent devant sa descendance.

Pour le reste, aveux, confessions, horreurs, colère du père, malédiction, furie sortie des eaux.

JEAN RACINE (1639-1699)


En 1677, Racine présente sa Phèdre, dans une perfection formelle inégalée et qui est un des plus beaux textes de la littérature française. 

Personnages:
  • Thésée
  • Phèdre
  • Hippolyte
  • Aricie
  • Oenone
  • Théramène
  • Ismène
  • Panope
  • Gardes
Perfection formelle, peut-être. Mais dans les faits, Racine apportent plusieurs variantes. D'abord, il nomme les personnages qui, jusque là ne portait que leur titre de nourrice (Oenone) ou de messager (Théramène). Mais la plus grande transformation concerne Hippolyte. Bien qu'il soit toujours affublé d'un caractère farouche, Racine le compromet dans une histoire d'amour avec Aricie (prisonnière de Thésée), introduite dans la pièce avec sa suite. Ainsi le bellâtre brûle d'amour pour une femme. Ce fait attisera la jalousie de Phèdre. Sinon, aveux, confessions, horreurs, colère du père, malédiction, furie sortie des eaux. Quand Thésée voit son fils mort et qu'il apprend son amour pour Aricie, il reconnait dès lors celle-ci comme sa fille. 

À mon sens, la version racinienne affadit terriblement le personnage d'Hippolyte qui y perd de sa superbe!

JACQUES PRADON  (1644-1698)


La présentation de la Phèdre de Racine a donné lieu à une joute théâtrale importante alors qu'un auteur de l'époque, Pradon (aujourd'hui complètement oublié), dans une guerre d'orgueil, cherche à le devancer en donnant, quelques jours plus tôt, sa propre version de Phèdre et Hippolyte. Il écrire sa pièce en trois mois.

Personnages: 
  • Thésée
  • Phèdre
  • Hippolyte
  • Aricie
  • Idas
  • Arcas
  • Cléone
  • Mégiste
  • Gardes
Comme Racine, il nomme les fonctions et introduit de nouveaux personnages. Comme Racine, il implique Hippolyte dans une romance. Pour le reste,  aveux, confessions, horreurs, colère du père, malédiction, furie sortie des eaux.

Cette pièce est, de loin, la moins intéressante de toutes de par son écriture qui verse dans le galant, omniprésent à l'époque. 

C'est là où j'en suis rendu. 

Il me reste au moins deux autres versions, du vingtième siècle, que je veux lire prochainement: celle de Gabrielle D'Annunzio (Phèdre, 1909) et celle de Sarah Kane (L'Amour de Phèdre, 1996).

jeudi 5 août 2021

Mea culpa

Henri Letondal, grande personnalité du théâtre québécois de la première moitié du vingtième siècle, s'est commis à tenter d'expliquer, en quelques mots, la raison de l'immoralité supposée du théâtre. Son petit article est paru dans La Patrie, ce 16 octobre 1925. 



mercredi 4 août 2021

Quand le nationalisme identitaire s'invite au théâtre... ou «Ah, ces Anglais!»

Le numéro 598 de la revue Le Passe-Temps du 23 février 1918 s'occupe, sous la plume de Clémencia, à faire l'analyse de ce qui distingue les Canadiens-Anglais et leur théâtre médiocre des Canadiens-Français qu'elle ne manque pas d'écorcher non plus... assez, d'ailleurs, que je ne suis pas trop certain de bien saisir le point de vue exprimer tant sa conclusion me semble contradictoire. C'est là une utilisation du théâtre pour faire preuve d'un nationalisme identitaire primaire!