lundi 7 avril 2008

De la danse au théâtre...

Image: http://www.ultra-fluide.com/images/galeriesBL/danseur-5-big.jpg

Schème-Danse était dans la région ce week-end pour faire un laboratoire de recherche réunissant huit comédiens-interprètes-danseurs montréalais de la relève avec une dizaine de comédiens-interprètes-danseurs de la relève d'ici...

Dirigés par Georges-Nicolas Tremblay, ces ateliers (travail préalable à une future création) ont abouti, hier en fin de journée, à une courte présentation publique (et non pas un spectacle!) devant une vingtaine de personnes, pour avoir des commentaires, des feed-backs, des impressions.

Connaissant assez bien son travail, pour y avoir été associé à plusieurs reprises, voici quelques réflexions personnelles:
  • Nicolas est fort habile dans la création comique. Souvent, ses numéros (particulièrement le premier) deviennent de véritables numéros de stand-ups gestuels qui savent provoquer rires et sourires. J'ai bien hâte qu'il s'y consacre plus profondément. Une force qui est rarement utilisée, du peu que je connais de la danse contemporaine...
  • La section la plus intéressante, à mon avis, fut «La chaise». Une chaise est placée au centre et est aussitôt convoitée par tous les autres. Les mouvements se font languissants, insistants. Les interprètes tournent autour, rivalisant de vitesse et de vivacité d'esprit (je sais, ça fait sonne un peu paradoxal!) pour conquérir cet accessoire qui donne lieu, dès lors, à différentes manifestations. La chaise est alors déplacée... et se poursuit le jeu de convoitise. Finalement elle est enlevée. Les interprètes s'enlignent tous, au fond de la salle, et chacun, sur une musique soutenue, marchent, refont les mouvements sur une chaise imaginaire, et reculent aussitôt... et ainsi de suite durant 5 minutes environ... Une puissance et une force hors du commun émergent de ce numéro... L'émotion (laquelle? je l'ignore) passe... Tout devient poignant. Ce qui est frappant, dans ce numéro, c'est le contraste, le passage de la théâtralité (tout le jeu de la chaise) à la performativité (le numéro sans l'accessoire)... Cette réflexion émane quasi du Théâtre post-dramatique de Lehmann...
  • En fait, ce qui me gêne le plus, dans son travail, est la présence du texte parlé (du moins, dans cette forme)... en fait, il ne s'agit justement pas de texte, mais bien d'improvisations. Que ce soit des mots, des phrases, des narrations... La teneur en vocabulaire est parfois suspecte, le message (pour autant qu'il y en ait un!) y est un peu simpliste... Bien que je comprenne l'intérêt pour cette spontanéité, je ne suis pas certain, pour ma part, de la puissance de ces évocations personnelles. Oui, il y a une intimité réelle qui peut s'installer... mais parfois, cette installation se fait dans le convenu et le cliché... Le risque est grand. Par exemple, à un moment donné, tous s'assoient. Un interprète se lève alors et raconte une anecdote de son choix... et bougent tout au long de ce récit. Oui, c'est drôle... Oui, des choses intéressantes peuvent sortir de cet exercice... Mais en soi, comment intégré cette partie dans une oeuvre? Quelle place lui donner? Quel est l'intérêt réel de ce genre spontané?
  • Tout au long de cette présentation, je me suis toutefois posé une (et plusieurs!) question (s): sur quoi Nicolas travaille-t-il? Quel est l'objectif? Quel en est le thème, si thème il y a? Quel en est la recherche formelle s'il s'agit bien de cela? Est-ce entièrement une page blanche? Vers quoi se dirige-t-il, finalement? Je suis bien conscient qu'il s'agissait d'un atelier. Que c'est le processus en lui-même qui est questionné. Or, le processus ne se nourrit-il pas à la thématique (et vice versa)? Les isoler l'un de l'autre (particulièrement le processus!) ne les affaiblit-il pas? N'est-ce pas patauger dans le vide?
Voilà. C'étaient mes commentaires puisque j'y étais... Comme quoi, même la danse offre l'occasion de se poser beaucoup de questions... du coup, celles-ci prouvent que Schème-Danse a son importance dans la région... malgré son ambiguïté locative... lol

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène]

Commentaire paru dans le journal L'Étoile du Lac, le samedi, 5 avril 2008.

Un autre commentaire est paru dans le journal Le Quotidien, de ce même samedi, sous la plume de Louis Potvin:

Céline Gagnon (Pénéloppe) et Claude Ouellet (Alex)
Photographie: Christian Roberge, 2008

L'AMOUR DU THÉÂTRE ET DE LA VIE

ROBERVAL - Tant qu'à mourir, vaut mieux que le théâtre y mette son nez pour rendre la mort acceptable. Fou. Joyeux. Touchant. Ingénieux. Enfin... c'est l'amour du théâtre et de la vie qui résume le mieux «Le Rire de la mer», la 58e production du Théâtre Mic-Mac. Un spectacle éblouissant!

Un texte de Pierre-Michel Tremblay savoureux et sarcastique. Une mise en scène astucieuse et terriblement inventive de Dario Larouche. Des comédiens à l'énergie débordante , au jeu inspiré. Trois ingrédients qui font de cette comédie une délectable réussite.

Pénéloppe a le cancer. Elle s'invente donc des histoires fantaisistes, mais aussi cauchemardesques pour cheminer et accepter la mort. À la manière des tragédies grecques, un choeur vient fixer son destin, sauf que le choeur en question est plutôt cabotin et désinvolte.

«Le Rire de la mer», comédie grinçante avec un soupçon de gravité, se veut un voyage dans le monde fantastique du théâtre. Durant son chemin de Dams, Pénéloppe rencontre des personnages hilarants et grotesques ainsi que des figures marquantes du théâtre telles Molière, Ulysse et Tit-Coq. À la fin, elle découvre même Dieu. Un Dieu complètement fou braque, absurde comme les pesrsonnages d'Ionesco.

Une mise en scène efficace

Pendant toute la pièce, les treize comédiens restent sur scène. Ils forment un choeur ponctuant et amplifiant la drôlerie des tableaux. Chacun y va de son numéro d'acteur dans les rêves/histoires de Pénéloppe.Que ce soit dans le bureau du médecin, dans un musée d'histoire naturelle, chez Alice au pays des «Flamands roses», au cimetière du Père-Lachaise ou dans la Grèce antique, l'ambiance est toujours surréaliste.

Le texte de Pierre-Michel Tremblay est mordant et drôle. Les jeux de mots réussis ou douteux qu'il prête à Molière font mouche. «Une n'attend pas l'autre», comme le fait ironiquement remarquer Pénéloppe. L'impasse de la souveraineté trouve son écho chez les Bretons. Deux marins indépendantistes bretons veulent en savoir plus sur le FLQ. Cette scène clownesque est la plus brillante de la pièce.

Dario Larouche déploie tout son talent dans cette production. Sa direction d'Acteur est judicieuse et parfaitement maîtrisée. Mais c'est surtout dans l'uilisation des centaines de boîtes que les comédiens manipulent qui démontre la grande créativité du metteur en scène. En un tour de main, les boîtes servent à planter le décor du cimetière du Père-Lachaise à Paris ou à reproduire un taxi londonien. Une chorégraphie relevée avec brio par les acteurs.

Un jeu inspiré

Les comédiens en mettent plein la vue. Ça prend beaucoup de rigueur pour rester immobile de longues minutes pour simuler les clients d'un boui-bui breton. D'ailleurs, les trois Bretons personnifiés par Denis Lavoie, Stéphane Doré et Marie Bergeron sont hilarants. Alain Bilodeau surprend dans un Ulysse ubuesue qui a l'air un peu «paqueté». Le Molière de Gervais Arcand est à la hauteur de son talent. Le crooner de Réjean Gauthier est craquant. L'énergie de Sonia Tremblay offre un Dieu hystérique et exalté. Ursule Garneau propose un fossoyeur irrésistible. Joan Lespérance, Jocelyne Simard et Joan Tremblay complètent le tableau avec des personnages loufoques très bien campés.

Parmi ses personnages complètement déjantés, Céline Gagnon incarne une Pénéloppe nuancée et naturelle contrastant parfaitement avec le jeu survolté des autres comédiens. Son chum Alex, discret Claude Ouellet, frappe juste dans les moments plus dramatiques.

Le Théâtre Mic-Mac réussit encore une fois à nous faire découvrir un auteur moins connu de la dramaturgie québécoise, par surcroît originaire de la région.

Oui, ça fait plaisir. Et ça stimule les comédiens... Pour ma part, je prends ce compte-rendu avec un grain de sel... et comme metteur en scène, sans rien enlever au travail et à l'effort de personne, je considère encore (avec mes exigences élevées) que ce spectacle possède des moments critiques à redéfinir... des poses à modifier... du travail de profondeur à faire... des correctifs à apporter... Maintenant que le test du public est passé, j'aimerais pouvoir retourner en salle de répétition avec, comme base principale, les réactions des spectateurs.

Rien n'est acquis et il faut tous rester vigilants.

Le théâtre est un art éphémère instable. Et si oui il faut de la confiance en soi, celle-ci doit être attentive pour ne pas devenir aveugle et ainsi laisser carte blanche aux écueils de la scène.