mardi 29 janvier 2008

Heureuse Jeunesse

HEUREUSE JEUNESSE (texte de Frédéric Gagnon, mise en scène de Geneviève Mercier-Bilodeau et Maryline Tremblay) peut se présenter comme étant une charge à fond de train contre la culture de masse et/ou une démonstration des effets de l’Art sur le sujet humain. L'ironie y règne en maître et dénonce la standardisation qui nivelle l'intelligence par le bas. Bien que cette pièce soit somme toute assez conventionnelle (dans le sens de traditionnelle…), il est intéressant de noter qu'elle s'élabore à partir de deux oeuvres matricielles se confrontant: Beverly Hills 90 210 (les absurdes faux semblants aux accents «Cantatrice chauviens») mis en relief par Les Frères Karamazov de Dostoïevski (la liberté de pensée).

Le rythme de ce texte est incisif, fortement construit et repose donc sur une structure efficace… parfois déséquilibrée par les narrations (des Frères Karamazov et du Grand Inquisiteur) qui en alourdissent un peu le déroulement.

M.-Bilodeau et Tremblay s'en tirent généralement très bien et ont fait du fort bon travail.

Toutefois, la mise en scène souffre un peu, et c'est tout à fait naturel, de la «première fois». Elle est relativement fort sage... et surtout, très étendue dans l'aire de jeu. Alors que le texte propose une mécanique dramatique chaoteuse, la mise en scène disperse le regard du spectateur et atténue la tension (nécessaire) par une trop grande distance entre les personnages. L'équilibre disons... technique, est parfois un peu surprenante. Tout d'abord, les effets sonores s'espacent de plus en plus pour complètement disparaître en cours de réprésentation (si ce n'est du téléphone)... comme si on avait eu peur de trop en mettre... Quant aux effets éclairages, leurs nombres élevés posent un autre problème: dans la quantité, on perd parfois un peu la ligne directrice de ceux-ci, leur sens...

Les décors ne remplissent peut-être pas leur mission... ou leur évocation: celle de la maison de poupée... Est-ce la disposition des panneaux? La couleur des murs? L'esthétique choisie? Toujours est-il que ce Beverly Hills scénique (qu'il soit de poupée ou non) manque un peu d'unité et de force... Ces décors (combinés aux costumes) se situent dans un entre-deux (l'évocation du jouet versus l'évocation d'un véritable salon) qui, étrangement (parce que j'ai vu les filles travailler), manque un peu d'assurance, pour ne pas dire de jusqu'au-boutisme de part et d'autre.

La direction d'acteurs, elle, s'avère plutôt réussie. Les personnages sont bien esquissés, et surtout, bien soutenus par les interprètes (mention spéciale à Marie-Ève Gravel et à sa Barbara Sue parfaitement effrayante de perfection, d'une constance et d'une justesse à jeter par terre!). Marilyn Bédard, exubérante et pétillante dans la vie, surprend (positivement!) par sa sobriété... Sa partition comporte une autre difficulté énorme: par son discours, son cheminement intellectuel subit, sa Brenda n'est pas sur la même tonalité, sur le même niveau de jeu que les autres. Sur scène il y a donc la comédie... et Brenda, le pendant philosophico-littéraire. Il est sans doute fort difficile, à entendre les rires occasionnés par ses comparses, de ne pas sombrer dans le cabotinage. Messieurs Simard et Tremblay offrent également de belles performances.

HEUREUSE JEUNESSE se termine demain... et avec lui, la présentation 2008 des projets de fin de bacc. en théâtre.
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Quelques minutes avant ces représentation, Tania Ouellet présente Capture éphémère... doux leurres, dans le Studio-Théâtre. Très bon petit spectacle... qui n'a, de défaut, que sa longueur: dix minutes! On pourrait s'étendre sur le propos... mais cette étendue serait plus longue que l'objet lui-même...

Spectacle de danse expressive entrecoupée de poésie et d'images, Capture offre un monde... qui à peine apprivoisé s'éteint... Jérémie Desbiens évolue seul, dans une chorégraphie qui rappelle un peu les premiers pas (naïfs!) de Georges-Nicolas Tremblay, il y a dix ans...