lundi 9 avril 2012

«La Marmite» [Carnet de production]


Ce soir seront réunies les six comédiennes - Andréanne Giguère, Émilie Gilbert-Gagnon, Isabelle Boivin, Valérie Essiambre, Cynthia Bouchard et Marilyne Renaud - qui interprèteront les personnages de La Marmite de Plaute et la metteur en scène, Élaine Juteau, pour la première lecture du texte...Cette rencontre lancera officiellement la production.

Un retour au théâtre antique après Aristophane...

Outre la forme même de ce théâtre (cette écriture pointue et éclatée qui se lit, de nos jours, comme des fragments), c'est, par Plaute, un quasi retour aux sources de la commedia dell'arte (de l'atellane), de la comédie de caractère, du quiproquo qui fera les bons jours du vaudeville. 

Le théâtre latin (bon, le détour sera un peu court... mais quand même) est, en quelque sorte, le dernier théâtre littéraire profane avant le Moyen-Âge où, pendant quelques siècles, il sera relégué aux bouffonneries de foire alors que les mystères religieux reprendront le relais... et un peu plus tard, les farces et les jeux.

Mon choix artistique de programmer ce projet se nourrit donc de toutes ces raisons.

Cependant, il est entendu que nous ne cherchons pas à faire du théâtre archéologique. Non. Et sans tomber dans la contemporanéisation à tout crin, l'objectif est de faire entendre la modernité de ces propos plus que deux fois millénaire.

Les lois du théâtre... selon Meyerhold


Vsevolod Meyerhold par Petr Vil'iams, 1925

J'aime bien - qui, lisant ce blogue régulièrement, l'ignore? - les écrits de Meyerhold (que je connais principalement par les traductions de Béatrice Picon-Vallin). Parce qu'ils me touchent. Parce qu'outre le cliché, ils redonnent véritablement une place prépondérante à la théâtralité. Parce qu'ils donnent, du théâtre, une idée globale (littéraire, sociale, politique, didactique, formelle) résolument artistique.

Voici, tiré de la synthèse meyerholdienne paru dans la collection Mettre en scène chez Actes-Sud-Papiers, un extrait d'un cours donné en 1914 où le maître définit (dans une prose poétique) les grandes lois du théâtre de la convention.

Oui. Le théâtre est un royaume; mais son roi n'est évidemment pas le metteur en scène [...]; il n'en est peut-être que le premier ministre, celui qui connaît les lois mieux que les autres. [...]

Au théâtre, il ne fait pas imiter la vie, parce que la vie au théâtre, tout comme la vie sur un tableau, est particulière, située sur un plan autre que la vie quotidienne.

Au théâtre, point n'est besoin d'imiter la vie en s'efforçant de copier son enveloppe formelle, parce que le théâtre possède ses moyens propres d'expression, qui sont théâtraux, parce que le théâtre dispose d'une langue propre, compréhensible à tous et qui lui permet de s'adresser au public.

Oui, le théâtre à ses lois propres, son code propre. Qui donc a prétendu qu'au théâtre le noir était la couleur du deuil? Non, au théâtre, le deuil peut être rose, et le crêpe noir de la vie symbole de joie suprême.

Le théâtre ignore la perspective géométrique. Car, après une brusque transfiguration, tous les plans se sont rapprochés et tous les objets ont perdu leurs relations habituelles.

Au théâtre, l'espace est sans limites: l'acteur peut s'en aller si loin que même sa voix sonore ne retentira plus.

Et le théâtre peut contraindre le temps à devenir plus lent ou plus rapide. Pendant quelques instants, il peut même le suspendre complètement; une seconde pourra se subdiviser en mille parties, et le balancier d'une horloge se figer, tant il oscillera lentement.

C'est ainsi que, dans toute leur simplicité, les lois du théâtre sont apparues à l'acteur nouveau.

Il s'agit là d'un programme artistique qui donne une importante liberté à tous les créateurs du théâtre... sous-tendu par une exigence de rigueur et de maîtrise de tout instant.