lundi 10 juin 2013

Le comédien inspiré

Voici un extrait de Sur l'art du comédien - Lettre à Mlle Euphrasie Poinsot... un extrait qui rappelle (le sujet en est semblable) le fameux Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot:

On est comédien, ou par métier, ou par vocation. Je ne veux pas m'occuper, ils ne me paraissent pas le mériter, de ceux qui adoptent la première raison d'entrer au théâtre; je parlerai donc seulement ici de ceux qu'un sixième sens, le Mens divinior, pousse au sanctuaire des muses pour les servir, quelquefois même pour les égaler.

Il y a deux moyens pour exercer, pour cultiver l'art du comédien; l'inspiration et le travail.

Les comédiens qui ont le génie de leur profession, le vis comica, plaisent ordinairement plus que ceux qui arrivent au but par travail, par calcul , par art. Les premiers sont généralement inégaux dans les effets qu'ils produisent à la scène; ils sont souvent insaisissables pour leurs auditeurs. Ils peuvent même faire des fautes bientôt rachetées par les éclairs de leur génie. Ils arrivent en scène sans parti pris d'avance, et provoquent un jour l'admiration sur des traits passés inaperçus la veille. Ils communiquent leur feu sacré aux spectateurs qu'ils tiennent en émoi pendant toute la durée du rôle. Ils leur font partager leur fièvre, et leur feraient pour ainsi dire croire qu'ils partagent avec eux leur talent. Cette bonne opinion qu'ils donnent d'eux-mêmes à leurs auditeurs fait qu'ils en sont les idoles; aussi les bravos qu'on leur prodigue vont souvent jusqu'au délire.

Les comédiens inspirés ne s'écoutent pas parler; ils obéissent à leur génie. Identifiés avec leur rôle , leurs auditeurs y sont identifiés eux-mêmes, tant les grands mouvements de l'âme sont contagieux! Soutenus pendant qu'ils sont en scène par une sorte d'énergie nerveuse, ils éprouvent un certain malaise, une fatigue grande quand ils ne sont plus sur le trépied.

Quand, à ce mérite de l'inspiration, le comédien sait joindre un travail soutenu, un calcul des effets scéniques, l'acteur est parfait; mais cette perfection arrive quand déjà quelques années sont venues mûrir, diriger cette inspiration. Les jeunes comédiens, en général, ne calculent pas assez les effets de la scène : ils se laissent emporter par la folle du logis; et les écarts qu'elle leur conseille et où elle les pousse , plaisent aux jeunes auditeurs toujours indulgents pour les témérités de la jeunesse.

[...]

Les comédiens arrivés à force d'art à la célébrité sont nécessairement plus froids que les comédiens inspirés. Ils sont plus égaux; les effets produits par eux sont toujours les mêmes. Ils savent, à la seconde près, le moment où l'auditoire applaudira.

Ils marchent toujours sur les mêmes planches; et quand ils sont à l'apogée de leur talent, leurs rôles sont déroulés avec une précision pour ainsi dire mathématique. Ils sont devenus comme une machine remontée dont les ressorts sont soigneusement cachés. Cette précision ne laisse aucune prise à la critique; elle tient le spectateur dans une douce quiétude d'esprit, et ne permet aucun mouvement à son âme; elle le préserve de l'insomnie causée par l'émotion. Cette précision, cette perfection, si vous le voulez, désespère ceux qui seraient tentés de suivre la même carrière. Quand on les applaudit, on ne ressent pas cette contagion, ce mouvement électrique qui éclate chez tous, comme un tonnerre, quand on fête le comédien inspiré ; mais, par toute la salle, un concert de bravos sans passion, sans agitation, sans spasme, se fait entendre, ainsi qu'une immense claque organisée. A ces comédiens une faute , une absence de mémoire n'est pas pardonnée; ils ont habitué leurs auditeurs à une glace tout unie qu'ils viennent de briser.

Théâtre d'été 2013... [Carnet de mise en scène]


Photographies en répétition prises par Patrick Simard

Aujourd'hui et demain auront lieu les dernières répétitions de La Jalousie du Barbouillé à proprement parler... puis, alors que nous ferons notre entrée dans la Salle Murdock pour  installer l'ensemble esthétique (scénographie et salle), nous entreprendrons également une longue série d'enchaînements et filages (une dizaine) jusqu'aux générales du début du mois de juillet. 

En date d'aujourd'hui, nous pouvons prévoir que la première pièce, Le Mariage forcé, aura une durée d'environ cinquante minutes. Le seconde devrait durer un peu plus de vingt minutes. Une pause sera aménagée entre les deux. 

Maintenant que la plupart des scènes sont bien construites (généralement dans un principe d'effet choral où priment l'action-réaction), il faut maintenir une certaine spontanéité tout en augmentant le coefficient de précision. Cette rigueur dans l'exécution est beaucoup plus difficile qu'elle n'y paraît. Ces deux pièces sont portées par un rythme infernal qui enlignent les personnages dans une suite ininterrompues d'entrées et de sorties (avec de belles courses en coulisses pour rattraper la suivante!). Le fil dramatique s'en trouve fragilisé,  soumis à un stress amplifié du aux changements de rôles en quelques secondes.

Ces considérations théorico-intellectuelles négligent toutefois une chose importante: le résultat est fichtrement drôle!

Le dernier grand dossier (le plus ardu... avec la campagne de financement!) qu'il reste sur notre bureau est la promotion de cet événement. Exister. Ressortir de la masse. Se faire voir. Attirer les spectateurs. Avec les maigres moyens à notre disposition...

Il faudra aussi penser à réserver parce que la jauge de la salle sera fixé, pour le confort, à 70 sièges seulement par représentation. Les réservations peuvent se faire par téléphone au 418-698-3895, par courriel à les100masques@hotmail.com ou enfin, par Facebook (en suivant ce lien).