lundi 13 février 2012

Acteurocentrisme ou textocentrisme?


 [Les auteurs et les poètes] ne sont des artistes souverains que tant qu'on les lit; sur scène, leurs pièces ne sont que des formes dans lesquelles les acteurs instillent leur contenu. [...] Donnez sa place à l'interprète, placez-le sur le piédestal de la scène pour qu'il règne sur elle en tant qu'artiste. Par sa création, il donnera un contenu à la représentation dramatique. 

Tels étaient les mots de Valery Brioussov, un éminent poète symboliste russe en 1902 dans un article sur le théâtre d'art. Une vision théâtrale assez radicale qui refuse «la voix de l'auteur» pour donner préséance au théâtre... et plus encore, à l'acteur. 

Le début du XXième siècle est alors en ébullition. Partout en Europe, la scène dramatique se construit. Se réforme. Se transforme. 

Mais pendant que Brioussov affirme la primauté de l'acteur, un peu plus loin, en France (et dans le temps, puisqu'il s'agit là d'un manifeste publié en 1909 dans le programme du Théâtre d'Action d'Art), Louis Jouvet, éminent acteur et metteur en scène, écrit pratiquement le contraire:

Il n'y aura pas de vedettes au programme, pas davantage sur les affiches; l'œuvre est souveraine, la scène appartient au seul poète. Les interprètes mettent tout leur effort et toute leur gloire à se conformer à sa pensée, à s'y confondre, à s'y effacer: qu'on la sente vivre et diminuer en pleine pureté!

Où se situer alors? Personnellement, je suis plutôt partisan de la première assertion (en y ajoutant, bien entendu le metteur en scène aux côtés de l'interprète)... et ai toujours été embêté par la vision jouvetienne castrante.