Dans l'histoire du théâtre québécois, la période du début du vingtième siècle (1900-1930) voit une intensification inouïe de l'activité théâtrale dans les grands centres que sont Montréal et Québec. De nombreuses troupes sont créées. Plusieurs deviendront de véritables objets d'attractions populaires alors que d'autres seront plus qu'éphémères, le temps d'une seule saison, d'une tournée, soldée par une faillite ou une guerre intestine. Les artistes passent donc de l'une à l'autre, apprennent leur métier sur le tas en pratiquant le théâtre à la chaîne, en changeant de pièce à chaque semaine, donnant près d'une dizaine de représentations chaque fois. C'est donc dire le rythme effréné de travail... et en même temps, la réduction de celui-ci au minimum pour donner une nouvelle première à tous les sept jours!
C'est aussi l'époque de l'âge d'or du burlesque et du mélodrame, venus des États-Unis et de l'Europe par le biais de grandes tournées
Bref, ça bouge. Le théâtre est hyperactif.
Mais de plus en plus, des intellectuels s'élèvent contre cette façon de faire de théâtre, contre sa médiocrité... Des penseurs appellent à une véritable professionnalisation du théâtre au Québec avec ce que ça implique de formation (quasi inexistante), de répertoire (plutôt faible dans l'ensemble), d'infrastructure nationale (qu'on rêve calquée sur le modèle de la Comédie-Française).
Cet article date de 1920, paru dans l'édition du 3 janvier du journal L'Autorité. Mais ils faudra encore la venue de Jean Béraud, du Père Émile Legault et de Gratien Gélinas pour que les choses changent.
Le plus dommage, dans cette (juste!) professionnalisation à venir, c'est qu'elle va quand même gommer cette fabuleuse période qui n'aura plus jamais d'équivalent... la reléguer dans un Moyen-Âge théâtral barbare immérité.
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J'ai déjà donné, le 12 décembre dernier, quelques extraits du livre mentionné en début d'article, Comédiens et Amateurs - Les dessous du théâtre.