mardi 6 mars 2012

La répétition comme un affrontement




Petit débat intéressant...

Personnellement, j'ai les oreilles qui frisent lorsque j'entends - notamment mes étudiants - «aujourd'hui on va pratiquer» en parlant du travail de création. Je m'acharne à reprendre quiconque s'échappe devant moi. On ne pratique pas le théâtre; on le répète.

On pratique un instrument; on développe une technique. On pratique un sport; on développe une technique. Mais le théâtre, lui, se fait par répétition (à moins qu'il s'agisse de séances de laboratoire pour développer une technique du corps... en quel sens le théâtre pourrait se pratiquer aussi).

Odette Aslan disait*: Répéter, c'est avoir l'air d'être dans l'instant immédiat, et surtout pas dans la reproduction servile de la chose répétée.

Car c'est là que rebute le terme répétition pour certains: avoir l'impression de refaire quelque chose de figé. Moi, je le vois comme étant la remise constante du travail en cours sur le métier. De reprendre dans le but de construire. Avec une ouverture constante aux modifications, aux ajouts, aux retranchements, aux refontes, etc.

Aslan va plus loin. Pour elle, répéter c'est véritablement faire preuve de création, de corps à corps avec l'œuvre: Répéter c'est s'affronter à l'œuvre, au metteur en scène, au partenaire ou à un dispositif hostile. C'est lutter contre les bruits, les éclairages crus et toutes les tracasseries de la technique. C'est essentiellement s'aventurer sur des terres nouvelles, se colleter avec des pourquoi, des comment. S'interroger sur soi et sur le monde. C'est se fondre dans une activité de groupe et protéger sa liberté. Partager, donner, s'épuiser. Recueillir, accueillir des idées, des matériaux. Progresser, passer au stade de la maturité et redevenir enfant.

C'est bien dit... au point de donner fortement envie de se retrouver dans une salle de répétition!