C'est là l'annonce publiée dans The Quebec Gazette le 24 octobre 1765 - quelques mois après la Conquête qui fait passer la colonie d'un régime français à un régime anglais - soulignant la tenue, dans un village non identifié (dans certains articles, on présume que ce serait Beaupré), d'une grande soirée publique en l'honneur de leur (nouveau) Seigneur. Cette soirée marque aussi, en quelque sorte, la reprise de l'activité théâtrale après des décennies de disette à ce chapitre.
Un petit texte intéressant parce qu'il donne une certaine idée, une certaine illustration de la façon dont étaient organisées ces soirées (contenu et logistique) et des quelques grands noms de l'époque qui y étaient associés.
Voici une transcription plus facile à lire (et en gras, ce sont les passages qui me semblent les plus intéressants):
SPECTACLE NOUVEL ET DIVERTISSEMENT PUBLIC
Les villageoises canadiennes, nouvelles sujettes de sa Majesté Britannique d'un certain canton (?) de la Province de Québec, donneront une fête et feront représenter en l'honneur de leur Seigneur, le lundi 18 novembre prochain, une pièce nouvelle intitulée Les Fêtes Villageoises, comédie en un acte, qui sera suivie d'un Ballet de Bergers et de Bergères, et précédée d'un compliment au Seigneur leur Patron et Protecteur.
Entre la comédie et le ballet, il y aura une Cantate et un Duo qui seront chantés par le Sieur Colin et la Demoiselle Nina, fameux musiciens du Canada. Cette dernière chantera seule un morceau choisi de l'opéra Les Amours de Vénus.
Ensuite il y aura trois danses de caractère. Le Sieur Dominique dansera l'Harlequinade; le Sieur Sylva, la Matelote hollandaise; et le Sieur Grivois, la Chinoise; tous trois grands danseurs, qui ont toujours été applaudis dans cette partie de l'Amérique Septentrionale.
L'orchestre et la symphonie seront composés de toutes sortes d'instruments très harmonieux jusqu'à une cornemuse.
Le tout sera terminé par un grand bal dans le meilleur ordre que faire se pourra. On y trouvera toutes sortes de rafraîchissements pour que tout le monde soit content. On fera en sorte que Bacchus et Vénus s'accordent ensemble afin que les plaisirs ne soient pas troublés.
Le zèle avec lequel les Bergères (?) de cette côte (?) se prêtent pour rendre cette fête brillante leur a fait mettre toute leur industrie à l'imitation des bourgeois de Québec, à rassembler et joindre ensemble quatre granges en peu de temps pour faire une jolie salle de comédie et de bal et des cabinets pour la commodité. Et afin de contribuer à la dépense de cette fête galante, les Bergères ont bien voulu abandonner les revenus d'une année de leur superflus.
Les paroles de la comédie sont composées par le Sieur Lanoux, célèbre poète du Canada (il peut s'agir d'un poète local... mais on présume, dans certains articles, qu'il s'agirait plutôt de Jean-Baptiste Sauvé de Lanoue, auteur dramatique et comédien français, décédé quatre ans plus tôt) et la musique de la cantate et du duo par le Sieur Zeliot, grand musicien.
Le spectacle commencera à cinq heure du soir. Le public sera averti trois jours avant de l'endroit où la fête se donnera, qui sera dans la côte. Pour prévenir les désordres on entrera dans la maison de divertissement à l'enseigne des plaisirs par la porte de devant, et on en sortira par la porte de derrière.
Personne n'y sera admis sans un billet qui coûtera 24ll (cette somme serait, selon l'historien Eric Tremblay, en livre tournoi et représenterait, pour l'époque, une bonne somme) qu'il faudra payer au receveur des consignations des menus plaisirs. Le nombre de billets sera de cent. On est prié de souscrire au plus tôt pour faire les arrangements de la fête, à moins qu'on n'aime mieux donner l'argent aux pauvres. On distribuera gratuitement vingt billets pour les Demoiselles qui n'ont pas les moyens de se divertir et qui en ont envie.