jeudi 25 juillet 2024

Du rapport aux pièces classiques


Les œuvres des auteurs classiques, surtout des tragiques français, ont longtemps souffert d'un mode de présentation qui, sous couleur de respect, leur enlevait toute vie. 

[...] C'est ce qui peut expliquer la singulière légende que les classiques sont ennuyeux. On ne percevait plus l'oeuvre à travers la manière de la jouer.

[...] Mais les prétendus morts n'étaient qu'endormis. 

[...] Il peut paraître tentant, à première vue, de se rapprocher de la représentation originale et d'évoquer - sinon de reconstituer - les conditions dans lesquelles les œuvres ont été créées. [...] De telles reconstitutions, fussent-elles parfaites, ne sont toutefois que des expériences pour les intellectuels: intéressantes, curieuses, pleines d'enseignements. [...] Serait-ce servir la tragédie que de ressusciter ces conditions dans lesquelles elle fut créée? Ne risquerait-on pas plutôt de justifier ainsi sa légende d'ennui, ou de paraître le faire? Ne faut-il pas être infidèle à la matière pour rester fidèle à l'esprit?

Il ne s'agit pas de copier, de reconstituer, de restaurer. Le problème est de suggestionner le spectateur d'aujourd'hui, afin qu'il  retrouve devant le chef-d'œuvre la sensibilité du spectateur d'autrefois. Pour atteindre ce but, tous les moyens seront légitimes. Rendre à l'action son mouvement, sa puissance d'émotion, tout est là. Une pièce classique n'est pas un texte sur lequel on se penche pour le disséquer comme sur un cadavre. C'est un être toujours vivant en qui nous voulons intensifier la palpitation de la vie.

C'est là une longue citation de Gaston Baty (tirée de son ouvrage Rideau Baissé paru en 1949 chez Bordas) qui me parle particulièrement parce qu'elle définit, en un sens, mon propre rapport aux textes du répertoire sur lesquels j'ai travaillé au cours des dernières années. 

J'aime cette idée d'être infidèle à la matière pour en rester fidèle à l'esprit qui place le metteur en scène dans une quête d'efficacité scénique avant une quête de faire entendre un texte. De se laisser porter par la conviction théâtrale avant la conviction littéraire.

mercredi 24 juillet 2024

De l'Église comme protectrice du théâtre

L'un des sujets récurrents de ce blogue est l'opposition de l'Église au théâtre. Cette récurrence occulte pourtant un fait indéniable, beaucoup plus nuancé.

Dans toute l'histoire du théâtre (tant la nôtre que celle universelle), l'Église occupe souvent (et longtemps) un rôle paradoxal: de contemptrice de l'art dramatique à ennemie acharnée contre les jeux et les comédiens n'hésitant pas à lancer les anathèmes et les excommunications, à exercer la mise à l'index et la censure... elle est aussi la précieuse gardienne de la tradition dans les moments chaotiques et les passages à vide (par les guerres, les famines, les bouleversements sociaux) et sait se faire creuset d'un renouveau scénique. 


Gaston Baty - l'un des quatre grand metteur en scène du Cartel français - y va d'une bonne métaphore dans Rideau Baissé, paru chez Bordas en 1949:

Aux nécropoles égyptiennes, pour nourrir l'âme toujours errante, les prêtres ont enseveli près du mort des grains de blé, et dans la nuit des chambres sèches, le blé ne s'est pas corrompu. Lorsque les hommes osèrent violer la paix millénaire des sépulcres, ils brisèrent les vases où dormait la semence et la rendirent à la bonne terre humide sous le soleil. Et le blé deux fois plus vieux que le christianisme est de nouveau monté en épi. Ainsi l'Église, durant les siècles noirs [entre l'Antiquité et le Moyen-Âge], préservait la semence du Drame.

Toujours selon Baty, ce que l'Église à combattu par ses Pères, ce n'est pas le grand répertoire - Eschyle, Euripide, Sophocle, Aristophane et quelques Latins - mais la déchéance de ces genres qui ont mené vers la pantomime grivoise et licencieuse. Sans elle, le théâtre aurait cessé d'exister. Rien de moins.

Puis la terre trembla sous le galop des hordes. [...] Le monde antique avait été submergé sous les invasions barbares, et, pareils aux pêcheurs qui parfois écoutent les cloches de la ville engloutie, quelques clercs gardaient seuls le souvenir confus de ce qui avait été le Drame. Alors, toutes les lumières éteintes, hormis la lampe des sanctuaires, l'Église offrit asile aux débris des antiques civilisations. Elle rangea au long de ses nefs les colonnes des temples ruinés, ouvrit les couvent aux vieux poètes, et recueillit dans la liturgie, le principe essentiel du Théâtre.

C'est par l'Église que viendront les mystères et les jeux. C'est de ses parvis que s'élanceront les farces et le théâtre profane. C'est, à notre niveau, par elle que le germe théâtral continuera dans une Nouvelle-France austère et dans une colonie britannique aux enjeux identitaires. C'est par elle, enfin, que la professionnalisation québécoise prendra ses racines.

mercredi 3 juillet 2024

Quand un maire se dresse contre la censure!

Le journal Le Soleil du 24 mai 1907 rapporte les propos du maire de Montréal (ici Henry Archer Ekers, qui le fut de 1906 à 1908) qui s'oppose à la création d'un comité de censure, tel que demandé par les autorités religieuses:



mardi 2 juillet 2024

Un peuple contre le théâtre!

Tout un peuple contre le théâtre! Rien de moins. Cette thèse idéaliste - et quelque peu rétrograde avec nos yeux bien contemporains - a été publiée dans La Presse, en ce 3 avril 1907:



lundi 1 juillet 2024

La censure et les «idées nouvelles»

Un autre petit morceau de rhétorique contre le théâtre venu cette fois du journal La Vérité du 23 novembre 1907:


Pour en savoir plus sur ledit Arsène Bessette, visitez ce lien.