mardi 12 mai 2020

Les misères d'une égérie du Grand Guignol


Entre les années 1917 et 1933, c'est elle qu'on venait voir au Grand Guignol. C'est elle qu'on surnommait la Sarah Bernhardt de l'impasse Chaptal (c'est la rue du théâtre, à Paris) ou encore la Rachel de tous les martyres! C'est à elle qu'on a octroyé le titre de la femme la plus assassinée du monde


Elle s'appelle Paula Maxa (de son vrai nom, Marie-Thérèse Beau). Elle était la victime vedette de ce théâtre d'horreur, d'angoisse et d'extrême en ce début du XXe siècle (voir ici les quelques billets écrits sur ce genre particulier). 

Maxa joue ses rôles comme elle porterait une croix et la torture est pour elle une vieille habitude. Une table d'opération n'est, à ses yeux, qu'une joujou, et la guillotine qu'un divertissement d'où l'on revient, en ayant encore dans le regard, le reflet du petit panier accueillant.

Ces mots sont d'un courriériste de l'époque (tirés de Grand Guignol de François Rivière et Gabrielle Wittkop publié en 1979). Un autre y va d'un portrait beaucoup plus expressionniste... peut-être plus en phase avec ce qu'impose être l'égérie d'un genre sanglant: 

On n'ignore pas toutes les avanies qu'eut à subir, au cours de sa courte mais déjà glorieuse carrière, la charmante artiste. Coupée en quatre-vingt-treize morceaux par un poignard espagnol invisible; recollée en deux secondes au moyen de la Sécotine par un disciple de Bénévol; réduite en panade par un rouleau à vapeur, éventrée par un commis voyageur d'une maison de décollation qui lui chipe ses intestins; fusillée, écartelée, brûlée vive, dévorée par un puma, crucifiée, révolvérisée, poignardée, violée, elle est malgré tout, agréable et rieuse.

C'est là tout un programme! 

Michel Corvin, dans son Dictionnaire encyclopédique du théâtre complète ce portrait et donne les quelques informations suivantes:

Maxa (1898-1971). La plus célèbre des actrices du Grand Guignol. Après ses débuts dans le théâtre de Boulevard, c'est avec Le poisson noir de Jean Bernac d'après Edgar Allan Poe - et dans les meilleures conditions: musique de Debussy, robe de Poiret - qu'elle fait sa véritable entrée dans la carrière grand-guignolesque. [...] Elle est de toutes les distributions, depuis Le baiser dans la nuit de Level jusqu'au Château de la mort lente de Lorde. En 1938, elle est renvoyée du «temple de l'horreur» par le nouveau directeur qui craignait qu'elle ne lui fasse de l'ombre.