mardi 6 février 2024

Syndrome de l'imposteur

L'un des plus grands défis, pour évoluer dans ce beau milieu culturel (et théâtral dans mon cas) est de surpasser ce syndrome de l'imposteur qui pointe régulièrement quand on s'y attend le moins. Ce sournois sentiment d'être à côté de la track. D'être là où d'autre pourrait l'être... et mieux. Ça peut même aller jusqu'à se voir comme un pis-aller. D'avoir des carences dans l'outillage et les connaissances au point de se reléguer soi-même quelques pas derrière pour regarder la parade. D'aller son chemin mais avec une appréhension constante. 

Ce syndrome je le vis, le subis plus souvent qu'à mon tour.

Que ce soit comme gestionnaire. (Oh, ça arrive!)

Que ce soit comme metteur en scène. (Oh, ça arrive!)

Que ce soit comme praticien presque autodidacte (enfin, non sorti d'une école de théâtre)... et en région, qui plus est. (Ça, c'est régulier!)

Que ce soit - comme ça l'était - comme chargé de cours. 

Plusieurs choses nourrissent ce syndrome: une estime personnelle plutôt fluctuante; des résultats mitigés de projets et/ou d'efforts (les pires étant ceux des demandes de subventions!); des situations extérieures qui pour banales n'en demeurent pas moins une source de remises en question; du jugement, des commentaires, des perceptions et des remarques propres à nourrir le doute parce que l'oeil de l'autre est une horrible machine (et c'est d'ailleurs à cause d'elle - et de ma nature sans sparkling dirait l'autre - que je suis incapable d'être comédien). 

Mais le pire, là où cette impression est la plus puissante, la plus glaçante, c'est comme auteur. Quand on me présente d'abord comme un auteur, je tique. Parce que je n'y crois pas. Je ne m'y crois pas. Oui je sais écrire. Oui je sais bien écrire. Mais je n'ai pas cette flamme créatrice. Je n'ai pas cette discipline et ce besoin essentiel d'écriture. Ça vient quand ça vient. 

L'an dernier était publié un recueil avec Les Mains anonymes et Empire... deux de mes plus récents textes, aux Éditions Somme toute. Malgré la fierté de voir mon nom accolé à une couverture de livre, l'insidieuse petite voix intérieure sait se faire experte dans la mise de bémols sur le pourquoi de cette publication au point d'en saper la conviction d'être méritoire. 

Et c'est encore pire quand, ayant quand même cru à la force de ce texte (Les Mains), j'ai osé ma chance au Centre d'Essai des Auteurs Dramatiques. Que si j'avais une clé pour y accéder, c'était peut-être celle-là étant donné sa construction, sa forte forme, son écriture... qualités, me semblait-il, trois fois expérimentées sur scène.

La première étape étant l'analyse par un comité de lecture composé de deux auteurs professionnels et d'un praticien. 

Pour faire bref, ma candidature n'a pas été retenue, tant pis. Je peux m'en remettre. Mais - parce qu'il y a ce mais qui appelle le chambardement - , cette réponse est arrivée avec les commentaires des trois jurés. La lecture de ceux-ci - plutôt convergents! - a été plutôt dévastatrice (entendre ici que ce fut plus un déferlement de considérations négatives qu'un chapelet de bons éléments): texte sans audace, forme lassante, riche vocabulaire mais vide et creux, sans audace, avec un personnage dont on ne sait rien, dont on ne saura rien, qui n'évolue pas, sans audace (parce que oui, c'est revenu bien souvent dans ces pages), qui ne permet pas un déploiement d'émotions, que c'est froid, etc.

Inutile de dire que l'auteur en moi s'est désagrégé! 

Le combat intérieur est reparti pour un tour pour pouvoir malgré tout profiter, à quelques heures d'un départ vers Bruxelles,  d'une lecture-spectacle (trois soirs) de ces mêmes Mains et alors que je m'apprête, dans quelques semaines, à présenter une création. 

Mes réserves de prétention s'amenuisent.