Honoré Daumier, Voyons M. le Baron, 1858
Me voici déjà de retour avec un autre passage de l'ouvrage cité hier: Instruction sur les spectacles de l'abbé Matthieu Hulot, en 1823 et cette fois, petit détour par le second chapitre au titre qui claque tel un anathème: Le métier de comédien est mauvais par lui-même, et rend infâmes ceux qui l'exercent. Mais il a le mérite d'être sans ambiguïtés. Dans le court extrait qui suit, il y a d'exposer, de façon claire, nette et précise les raisons qui poussent l'Église (dans ses périodes de zèle) à vouer une haine profonde envers ceux et celles qui montent sur scène.
Qu’est-ce que le talent d’un comédien ? L’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien, de paraître différent de ce qu’on est, de se passionner de sang-froid, de dire autre chose que ce qu’on pense, aussi naturellement que si on le pensait réellement, et d’oublier enfin sa propre place à force de prendre celle d’autrui. Qu’est-ce que la profession du comédien ? Un métier par lequel il se donne en représentation pour de l’argent, se soumet à l’ignominie et aux affronts qu’on achète le droit de lui faire, et met publiquement sa personne en vente. J’adjure tout homme sincère s’il ne sent pas au fond de son âme qu’il y a dans ce trafic de soi-même quelque chose de servile et de bas.
Quel est au fond l’esprit que le comédien reçoit de son état ? un mélange de bassesse, de faussetés, de ridicule orgueil et d’indigne avilissement, qui le rend propre à toutes sortes de personnages, hors le plus noble de tous, celui d’homme qu’il abandonne.
Par chance, les mentalités ont évolué!
Mais l'histoire du Théâtre regorge d'anecdotes de comédiens et de comédiennes à qui l'Église a refusé une sépulture pour les raisons édictées plus haut. Pour votre bon plaisir, vous trouverez sur ce blogue celle d'Adrienne Lecouvreur, de Mademoiselle Rancourt ou encore celle entourant la mort de Molière (grâce aux bons soins de Wikipédia).