mardi 30 juin 2020

Analyse féroce du mélodrame - autopsie de clichés

Je suis en vacances... et pendant celles-ci, je suis entrain de passer au travers tous les numéros du journal Le Jour - indépendant politique, artistique et littéraire... d'où la récurrence de cette source d'informations depuis les quelques derniers billets.

Hier, j'ai publié un petit entrefilet qui donnait une brève histoire d'un mélodrame, genre extrêmement prisé dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle qui se poursuivra pendant une bonne partie du vingtième. (Wikipédia en donne une bonne définition.)

Dans l'édition du 12 mars 1938, le critique y va - avec une mauvaise foi manifeste comme plusieurs éprouvait envers le genre mélodramatique - d'une descriptions exhaustive d'un mélodrame... comme d'une autopsie de clichés.


Le journaliste n'a pas donné beaucoup de détails... ni la pièce, ni l'auteur, ni la troupe! J'ai tenté de retrouver de quel mélodrame il s'agissait... et c'est dans Le Soleil du 14 novembre 1936 que j'ai pu glané d'autres indices: 


C'est finalement L'Action Catholique du 21 novembre 1936 (dans un article dont je ne trouve pas le début!) qui nous donnera le plus d'informations:


lundi 29 juin 2020

Une drôle de réclame...


Par ce petit entrefilet du journal Le Jour, du 31 décembre 1937, nous avons un bon aperçu du type de théâtre qui se faisait à l'époque - cette belle époque du mélodrame! - et de ce qui provoquait de l'urticaire chez plusieurs spectateurs! 

dimanche 28 juin 2020

Un dur constat!

La survie du théâtre au Québec a souvent été débattue. Notre (relative) petite population, si longtemps coupée de sa culture d'origine, si occupée à se développer, si couvée par le clergé et les élites anglophones avait bien d'autres chats à fouetter que se faire nid d'accueil pour l'art dramatique. 

Et pourtant, le théâtre résiste et s'implante. Par les grandes tournées américaines et européennes des années 1850-1900. Par le mélodrame et le burlesque. Par les amateurs d'abord... puis avec une certaine professionnalisation au tournant du vingtième siècle.

Dans les années '30, plusieurs intellectuels - appuyés en cela par des critiques dramatiques comme Jean Béraud et par des initiatives artistiques comme Les Compagnons de Saint-Laurent - réclament alors une réforme en profondeur du théâtre, une véritable professionnalisation, un soutien étatique, une solide formation. 

Tous sont d'accord? Sûrement pas. 

Voici une opinion sans détour exprimée par Louis Pelland - qui, si je ne me trompe pas, se consacrera tout de même au théâtre - dans le journal Le Jour: indépendant politique, littéraire et artistique, vendredi le 16 juillet 1937 (c'est d'ailleurs, le premier numéro de ce journal... et j'y reviendrai sûrement!):


Ce qui me fait penser, par ailleurs, que je veux écrire un billet sur Le Maître de Forges de Georges Ohnet (qui est l'une des pièces les plus jouées au Québec entre 1870 et 1920)...

samedi 27 juin 2020

De la catharsis...



Nous avons plaisir à regarder les images les plus soignées
des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité,
par exemple les formes d'animaux parfaitement ignobles ou de cadavres.
Poétique, 48 b 9 

Ce que le poète doit produire, c'est le plaisir qui, par la représentation,
provient de la pitié et de la frayeur. 
Poétique, 53 b 12

La tragédie, en représentant la pitié et la frayeur,
réalise l'épuration de ce genre d'émotions.
Poétique, 49 b 24

Ce sont là, les énoncés qui mènent, chez Aristote, à la fort complexe et discutée notion de catharsis que doit provoquer le théâtre (entendre ici, la tragédie). Quiconque a eu des cours d'histoire des arts dramatiques s'est vu confronté à cette théorie et a dû, au moins une fois j'imagine, la redonner dans ses propres mots au cours d'un examen! 

Voici donc une petite description synthétisée, relativement claire, tirée de l'Introduction aux grandes théories du Théâtre de Jean-Jacques Roubine, publié en 1990 chez Bordas:

La finalité [du plaisir théâtral] n'est pas le plaisir lui-même, mais l'amélioration et l'apaisement du coeur. [...]

C'est là énoncé le fameux principe de la catharsis sur quoi se pencheront des générations de glossateurs. Or ce terme qui n'a jamais trouvé de traduction irréfutable (purgation? purification?) Aristote ne l'utilise qu'une seule fois et ne juge pas nécessaire d'en proposer une définition explicite, comme s'il s'agissait d'un concept trivial d'une utilisation tout à fait courante. Cependant, dans la Rhétorique, il élabore une définition des deux émotions motrices de la catharsis.

Ces deux émotions douloureuses, explique-t-il, se distinguent par l'orientation de l'affect. Dans le cas de la pitié, il s'agit d'une émotion altruiste: je m'apitoie au spectacle de la souffrance qu'un homme subit sans l'avoir mérité. La frayeur, elle, est une émotion égocentriste: je suis effrayé à l'idée que je pourrais, moi-même, essuyer la calamité à la représentation de laquelle j'assiste.

[...]

Le paradoxe de la catharsis est que le plaisir de la représentation procède de deux émotions qui sont éprouvés comme désagréable.

Le plus fascinant, c'est le fait qu'Aristote ait rédigé sa Poétique autour de 335 av. J.-C.... mais plus d'un millénaire plus tard, l'aristotélisme (et donc, cette catharsis) prendra le haut du pavé au sortir de la Renaissance pour s'établir comme fondement du classicisme français! 

vendredi 26 juin 2020

Une (autre) opinion sur Sarah Bernhardt


J'ai souvent écrit sur Sarah Bernhardt. Et je le ferai encore ce matin. Parce qu'en plus de sa fascinante carrière, de sa vie elle-même théâtrale, elle avait ce don, lors de ses passages en sol américain, de déchaîné les passions. Les plumes des journalistes et chroniqueurs étaient, plus souvent qu'autrement, trempées dans le vitriol... donnant des petits morceaux de littératures journalistiques à la rhétorique acerbe. Pour preuve, les billets déjà publiés ici, ici, ici et ici

Le Libre-Parole, journal de Québec, ne laissait pas sa place dans le concert des critiques quasi diffamatoires. En fait foi cette publication du 3 mars 1906:


Le signataire, JLK Laflamme, est un notable de Québec, ancien procureur et fondateur de la Revue Franco-Américaine parue entre 1908 et 1913 (dont on peut feuilleter ici les différents numéros).

jeudi 25 juin 2020

Petit retour sur l'apparition du metteur en scène


Depuis quelques billets (lectures obligent!), il est beaucoup question de l'avènement du metteur en scène... situé autour des années 1880 (en fait, le terme daterait, selon le Dictionnaire encyclopédique du Théâtre de Michel Corvin, de 1874) dans la foulé de ce que plusieurs théoriciens nomment la crise du drame: modernité des textes qui ne supportent plus l'illusion et la perspective des scènes d'alors, courants artistiques variés qui chamboulent l'approche du jeu, retard manifeste du théâtre (empêtré dans les conventions, les trucs et le vedettariat) par rapport aux autres arts, etc.

Par là, j'entends metteur en scène dans son sens et sa fonction contemporains. 

Est-ce donc dire que le metteur en scène était complètement absent avant? 

Bien sûr que non. Il y avait bien l'ordonnateur des spectacles, ou l'auteur, ou le régisseur, ou le directeur de troupe (qui bien souvent était lui-même comédien... comme Molière), ou l'animateur. Dans tous ces cas de figures, leur tâche étant principalement de faire la distribution et de donner les grandes lignes des déplacements sans se soucier particulièrement de l'esthétique (dans des décors fixes ou des décors établis par la convention, dans des des costumes  qui rivalisaient en magnificence au détriment de la vérité du personnage, sans véritable vue d'ensemble alors que l'accent était mis principalement sur la ou les vedettes de la troupe).

Ce qui est nouveau, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, c'est la conscience que [le metteur en scène] prend de son rôle artistique et la mission qu'il se fixe. Ordonnateur du jeu théâtral, interprète de l'oeuvre écrite, il devient l'un des principaux créateurs du spectacle. Il lui appartient de choisir les modes d'expression et les techniques qu'il juge utiles à la représentation de l'oeuvre, et de les réformer si nécessaire. [...] Le metteur en scène recherche les moyens les plus propres à la réalisation scéniques des intentions contenues dans l'oeuvre écrite. Il lui appartient de coordonner le jeu - voix, gestes, rythme - le décor, les effets visuels et sonores, de faire du spectacle une création intégrale. (Le décor de théâtre, Denis Bablet)

Conjuguée aux nombreuses expériences de l'époque (qui toucheront le texte, le jeu, la scène), l'apparition du metteur en scène transformera, en quelques années, le visage du théâtre.

mercredi 24 juin 2020

Un auteur promis à un grand avenir... sauf que nous ne savons pas de qui il s'agit!

En ce jour de la Fête Nationale du Québec, je cherchais, dans les archives, un sujet de théâtre patriotique. Et je suis tombé, par hasard, sur ce petit entrefilet paru dans Le Quotidien (un journal du dix-neuvième siècle... et non pas celui publié chaque jour au Saguenay!) du 11 juillet 1879:


Cette lecture - outre le sentiment de succès pour l'avenir de la littérature canadienne - pose quand même une sérieuse question sur son utilité: de qui s'agit-il? de quelle pièce? Difficile de faire le suivi de ce triomphe putatif! 

Difficile aussi de tirer quelque indice que ce soit sur la seule mention de l'un des épisodes les plus émouvants de notre histoire... notre dramaturgie est traversée de part en part de faits historiques, de considérations sur les grands personnages, les faits patriotiques, la langue... 

Louis Fréchette? Il a déjà 40 ans à l'époque... donc plus vieux que jeune. Antoine Gérin-Lajoie? Il est quinquagénaire. Pierre Petitclair? Il est mort depuis 19 ans... 

Rien pour aider la postérité! Mais que de fierté et d'enthousiasme!

Bref, un petit article qui fait le bonheur d'un chercheur d'anecdotes étonnantes! 

mardi 23 juin 2020

Quand la danse inspire le théâtre



Dans l'histoire du théâtre - et plus précisément encore, dans l'histoire du théâtre de cette fascinante fin du dix-neuvième, début du vingtième siècle - de grandes réformes sont venues non pas de la littérature mais de la danse. Et fait remarquable dans cette histoire plutôt masculine, ces réformes sont portées par deux femmes: Isadora Duncan et aussi, sujet de ce billet, l'Américaine Loïe Fuller (qu'on peut voir dans la vidéo ci-haut captée autour de 1900... et/ou qu'on peut lire ici).

S'agit-il vraiment de danse? Oui, si comme le veut Loïe Fuller, la danse est d'abord mouvement, le mouvement expression d'une sensation, la sensation résultant de l'effet produit sur notre corps par une impression ou une idée. Le mouvement est pour elle le point de départ de toute expression, il est fidèle à la nature. Seul il traduit la vérité de la sensation.

La danse de Loïe Fuller se passe de décor, elle se déroule sur un fond de tentures uni, sombres, univers imprécis, capable de toutes les suggestions. [...]

La caractéristique essentielle des spectacles de Loïe Fuller réside dans la primauté de la lumière. Pour la première fois la lumière électrique devient un facteur essentiel du spectacle; colorée, mobile, elle joue sur le corps en mouvement de la danseuse qu'elle fait jaillir de l'ombre, elle joue sur les voiles de gaze que la danseuse, prise dans le feu du projecteur, agite ryhtmiquement. La forme mouvante n'est qu'un écran pour la lumière qui l'anime, la transforme à l'infini en une nouvelle féérie. S'il n'y a pas de décor au sens traditionnel du terme, la lumière crée le décor modulé comme une musique. Les couleurs se succèdent ou se marient ou se complètent selon des gradations concertées. Loïe Fuller qui, à ses débuts, ne conçoit que des danses éclairées chacune d'une lumière dotée d'une couleur déterminé, multiplie ses recherches: elle danse bientôt sur «une dalle de feu», elle envisage plus tard de projeter les colorations que recèle une goutte d'eau, elle crée des ballets phosphorescents, utilise des jeux de glaces, et joue de l'ombre portée. Spectacle où tout est fluide, sans signification trop précise, recherche formelle, prétexte au rêve, éveil de l'imagination. Elle ouvre la voie à une mise en scène fondée sur l'utilisation concertée de la lumière créatrice d'Espace et de métamorphoses visuelles, facteur émotionnel et dramatique. (Tiré du livre Le décor de théâtre de Denis Bablet).

Par son art, Fuller deviendra la muse incontestée  des symbolistes!

Bien sûr, la vidéo qui coiffe ce billet, avec son rythme saccadé (voire syncopé) du vieil appareil de prise de vues et sa colorisation en post-production, ne donne pas une juste idée de l'impression évanescente qui devait se dégager de son art. Voici plutôt ce à quoi cela devait ressembler (tiré du biopic de 2017 qui lui est consacré, La danseuse) dans un véritable contexte de représentation (avec, en prime, le son du tissus et la respiration!):


lundi 22 juin 2020

Quand le théâtre pue

Le naturalisme - ce courant du vrai en scène, de la minutie scientifique de l'observation chère à la seconde moitié du dix-neuvième siècle - a conduit à certaines aberrations décoratives. 

Ainsi, pour faire vrai, dans sa mise en scène de la pièce Les bouchers de F. Icres, André Antoine (le premier des metteurs en scène français), jugeant le décor vide, fit installer, dit-on, sur des crochets, de véritables quartiers de boeuf. Légende ou pas? Seule l'Histoire le sait. 


Voici une autre anecdote sur ce même Antoine, rapportée par le célèbre critique dramatique Jules Lemaître lors de la création de la pièce La fin du vieux temps de Paul Anthelm, en 1892: 

M. Antoine, ayant à nous montrer une grange, avait entassé sur la scène une quantité de bottes de vieux foin avarié et moisi, qui sentait à plein nez la «varmine», comme on dit en Beauce, et dont l'affreux relent mêlé à celui de la poussière des coulisses se répandait jusqu'au milieu de l'orchestre. Je puis affirmer à Monsieur Antoine que la vérité de la mise en scène n'exigeait point cette pestilence. S'il allait un peu à la campagne, il s'assurerait qu'une grange à fourrage n'exhale pas nécessairement une odeur d'anciennes latrines. Une pièce qu'on écoute en se bouchant le nez aura toujours bien de la peine à paraître charmante.

Et vlan pour la recherche de la vérité!

dimanche 21 juin 2020

Quand un grand succès est froidement accueilli au Saguenay

Simone de Varennes, la première interprète du personnage, 1921 (et les années subséquentes)


L'un des plus grands succès théâtraux du Québec reste, encore à ce jour, la pièce Aurore l'enfant martyre, créée en 1921 par Henri Rollin et Léon Petitjean, quelques mois à peine après la scabreuse affaire qui a bouleversé toute la société (pour vous faire une petite idée de la teneur du texte, visitez ce lien). 

Ce spectacle s'est promené partout en province et a bénéficié de centaines de représentations. Mais les salles pleines n'ont pas empêché plusieurs compatriotes de s'élever contre ce projet. Certains pour des raisons éthiques (comme faire de l'argent sur le dos d'un horrible fait divers). D'autres pour des raisons morales. D'autres pour des raisons artistiques. 

L'un des passages au Saguenay n'a pas été particulièrement apprécié... si nous nous fions aux deux petits articles publiés dans la même édition du Progrès, en ce jeudi 21 juillet 1927:


samedi 20 juin 2020

Quand les femmes montent sur scène...

J'ai reçu, hier, la première série (les 23 numéros publiés entre 1930-1931... et qui reprendra un peu plus tard dans un autre format)  de la revue JEUX, Tréteaux et Personnages. C'est une mine d'informations précieuses, notamment sur les mystères médivaux, le jeu (très marqué par l'expérieuce de Jacques Copeau qu'on a pris pour maître), les recherches des divers metteurs en scène (dans une époque bouillonnante!) en France, en Europe, en Russie et en Amérique. Et avec une fabuleuse quantité d'anecdotes!


D'ailleurs, dans un des articles que je parcourais, il était question du travestissement en scène, principalement dans les pièces de Shakespeare où tous les rôles féminins étaient portés par des hommes. Situation qui n'était pas spécifique à l'Angleterre élisabéthaine!  Les femmes ont longtemps été tenues loins du théâtre. Et c'est une note en bas de page qui donne les détails les plus intéressants:


Il serait plus juste, en fait, de parler de premières actrices professionnelles... les rôles féminins antérieurs, dans d'autres époques, d'autres contextes, auraient pu échoir à des femmes.



Voici d'autre détails sur l'arrivée des femmes en scène dans l'Angleterre du XVIIe siècle (tiré de L'influence Française en Angleterre de Louis Charlane publié en 1971):


vendredi 19 juin 2020

De la convention théâtrale...


Le théâtre est conventionnel par principe; 
il n'a pas pour objet de reconstituer le réel
ni par le décor, 
ni par le costume, 
ni par la mimique, 
ni par les paroles. 
Il a pour objet de le signifier
il le rend présent par des signes.
C'est le choix et l'usage de ces signes qui font tout l'art.

Henri Ghéon, 1930

mercredi 17 juin 2020

De l'immoralité du théâtre et de l'opéra... encore!


Voici un beau petit morceau d'éloquence (déchaînée!) contre les tournées du Théâtre Français et de l'Opéra, en cette seconde moitié du XIXe siècle. Il est tiré de l'édition du 19 juillet 1859 du journal L'Ordre:


lundi 15 juin 2020

Une lumineuse réforme

Quand on défile l'histoire du théâtre, il y a toujours un inévitable crochet à faire du côté de Richard Wagner et de son importante tentative de réforme scénique, son Gesamtkunstwerk, sa synthèse des arts. Mais cette théorie n'est pas mon sujet (bien que fort intéressante). 

Ses différentees idées se matérialiseront en partie avec l'édification du Festpielhaus (le Palais des festivals), un lieu pour les mettre en pratique:


Wagner impose des éléments qui feront date, dont celui-ci (tiré de mon présent livre de chevet, Le décor de théâtre de Denis Bablet):

On oublie trop souvent que jusqu'à la fin du [dix-neuvième siècle], salle et scène étaient conjointement éclairées pendant la durée du spectacle. En 1876, lors de l'ouverture du Festpielhaus, Wagner réalise une réforme décisive en éteignant la salle pendant le déroulement du spectacle. Pour qui s'intéresse à la psychologie du public et à la relation qui s'établit entre la scène et lui, il y a là un phénomène essentiel dont la portée est considérable. Dans une salle éteinte le spectateur cesse d'être distrait par des futilités mondaines, le désir de paraître. Son regard est automatiquement dirigé vers la scène. Il perd, au moins partiellement, le sens de la réalité environnante et se trouve dans un état voisin de l'hypnose, favorable à l'illusion: la salle ne lui offre plus les points de repère qui lui permettaient de confronter consciemment ou inconsciemment le réel et l'irréel. Le monde imaginaire affirme son autonomie. Le décor y gagne une puissance expressive qu'il ne possédait pas auparavant, du fait même qu'il se trouve situé dans la zone lumineuse, qu'il ne prolonge plus la réalité matérielle de la salle et de la scène mais se pare d'une existence indépendante. L'extinction de la salle permet enfin au metteur en scène d'utiliser davantage le pouvoir de l'éclairage théâtral, et d'en rendre plus sensibles au spectateur les variations d'intensité, de direction et de couleur.

Intéressant. Mais Wagner ne serait pas le premier. Dans le livre, ce paragraphe renvoie également à une note en bas de page:

En 1598, l'Italien Ingegneri réclamais l'extinction complète de la salle pendant la représentation dans Della Pesia Rappresentiva e del Modo di Rappresente le favole sceniche.

Brève recherche: il s'agit d'Angelo Ingegneri (1550-1613), un poète vénitien de la Renaissance. Voici un extrait d'un autre ouvrage, Interfaces et sensorialité de Louise Poissant (2003), qui le replace dans son contexte:


Et la lumière fut.

dimanche 14 juin 2020

Nouvelles acquisitions... et la pile de livres grossit!

Le confinement a ceci de bon qu'il me donne bien du temps pour lire... mais en même temps, il a aussi ceci de néfaste (si je peux dire ça) qu'il me fait acheter de nombreux bouquins! 

Voici donc ce qui vient agrémenter mes tablettes et qui me promet un été de lectures variées qui tourneront définitivement - mais ça ne changera pas grand chose au final! - autour du théâtre et de l'art de la scène.


Lehmann, c'est le théoricien du théâtre postdramatique. Alors cet ouvrage (c'est le premier tome) paru il y a quelques mois m'intrigue. Le chantre du post- y va d'une analyse de la tragédie, de l'Antiquité à aujourd'hui. Ça promet. (Ceci étant dit, je dois avouer que je n'ai jamais réussi à passer à travers Le Théâtre postdramatique...!)


Ce livre (que je connais pour l'avoir amplement utilisé dans mes études) fait une très bonne synthèse de tous ces courants qui ont traversé le théâtre au fil de son histoire. C'est un bon petit ouvrage de référence qu'il est intéressant d'avoir.


J'avais vu, en 1998 ou 1999, Une visite inopportune de Copi et je me souviens avoir été fort intéressé par cette écriture. Puis en 2006 ou 2007, Jean-Paul Quéinnec, avec ses étudiants, avait travaillé Eva Peron... en encore une fois, le texte m'avait grandement marqué. Depuis longtemps, donc, je me promets de parcourir plus en profondeur son oeuvre. Ce sera chose faite! 


Dans le cours Analyse dramaturgique du théâtre québécois que je donne régulièrement à l'UQAC depuis 2012, il est notamment question de l'évolution, au Québec, du théâtre: de son écriture, de sa pratique... mais aussi du soutien qu'il reçoit de l'État. Juste à parcourir la table des matières, je suis plus que convaincu qu'il me servira beaucoup!

samedi 13 juin 2020

Déception gouvernementale...

Quelle est l'importance du Ministère de la Culture (et de ses autres appellations antérieures) au sein de l'État québécois? Intéressant réfléchir sur le sujet en cette période particulièrement trouble pour le milieu artistique (et donc, par ricochet, du milieu théâtral).

Quelle valeur lui a-t-on réellement accordé au cours des trentes dernières années au fil des gouvernements libéraux, péquistes et maintenant caquiste? Bon. Poser la question risque de se solder par une longue longue suite de déceptions, tous gouvernements confondus. 

Ces déceptions sont peut-être dues au fait que ce Ministère est fondamentalement plus grand que prévu. Car plus que gérer les subventions, plus que promouvoir le numérique, plus que faire du milieu culturel une simple industrie, il porte l'âme profonde d'une nation et d'un État, gardien d'une histoire et d'un patrimoine, il porte une vision (parfois multiples!) du monde distinctive, il porte les aspirations d'un univers artistique pétri d'imaginaires, de créativité... et donc d'une immense part de subjectivité qui ne peut se réduire qu'en statistiques et en montant d'argent. Identitaire en grande partie, culturel et artistique surtout, bien sûr économique et social. Le titulaire de la charge porte sur ses épaules une gigantesque responsabilité. D'ailleurs, à quand remonte un.e ministre de la Culture à la hauteur du poste? (Ici, je m'arrête parce que je suis peut-être beaucoup trop critique.)

Pourquoi je parle de ça ce matin? Je viens de recevoir un autre bouquin qui s'ajoute sur ma liste de lectures pour les prochains mois: Le théâtre et l'État au Québec d'Adrien Gruslin, paru en 1981 chez VLB Éditeur.  Fort intéressant, j'en suis sûr. 

En le feuilletant, je tombe, à la toute fin du livre, la lettre démission percutante de Georges-Émile Lapalme, premier titulaire (et créateur) du Ministère des Affaires culturelles... comme si, finalement, dès le départ, ce ministère était vicié:






vendredi 12 juin 2020

La «crise scénique» autour de 1880


Comme Le Décor de théâtre (de Denis Bablet) est le principal livre que je lis actuellement, la récurrence de ce sujet sur mon blogue est quasi automatique!

Ce matin, encore, voici un (très) bon extrait qui fait la synthèse de tous les problèmes posés par les décors de la fin du XIXe siècle (règne de la perspective, du trompe-l'oeil, de l'illusion, des machines, des conventions... dont le but premier est de surprendre et d'en mettre plein la vue) et qui pose les jalons des réformes à venir. Parce que cette «crise du drame» autour de 1880 fut aussi (c'en était du moins la manifestation la plus concrète!) une «crise scénique»! 

Je trouve toujours fascinant de comprendre ce qui a provoqué les chambardements qui mèneront à l'avènement du metteur en scène (tel qu'on l'entend aujourd'hui) et qui redéfiniront toute la pratique théâtrale...


[...] Sur le plan esthétique tout se passe comme si nos assistions à l'essoufflement d'une formule victime de ses contradictions et désirs irréalisables. La décoration théâtrales des années 1880 contient en elle des éléments générateurs des réactions et des réformes qui constitueront la révolution théâtrale de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle:

1- Elle affirme la prépondérance de l'élément visuel au détriment du texte, de l'action dramatique et de l'acteur. Il y a disjonction entre l'acteur et le décor, l'oeuvre et son cadre. Une telle situation ne peut satisfaire ni ceux qui mettent en doute la nécessité des moyens visuels, ni ceux qui, au nom de la poésie et de l'art, refusent tout excès décoratif considéré comme une dégénérescence de l'art théâtral, ni ceux pour qui le théâtre doit se fonder sur la synthèse équilibrée des arts.

2- Elle propose un univers illusionniste servi par une peinture purement imitative, une accumulation de détails photographiquement exacts, sans synthèse, ni sélection. Elle impose au spectateur une vision précise et limitée. Il est logique qu'elle suscite l'opposition de ceux pour qui art et imitation s'excluent et qui, refusant toute vision imposée, soutiennent les droits du spectateur à la liberté d'imagination. Mais la refusent aussi ceux qui, jugeant incomplète et douteuse la réalité qu'elle présente, prônent un réalisme intégral et social.

3- Oeuvre de décorateurs professionnels ignorants de l'évolution artistique, habiles à utiliser des procédés routiniers, elle provoque la réaction des animateurs qui croient renouveler la décoration théâtrale en l'intégrant au développement général des arts et particulièrement de la peinture considérée comme vivante, en faisant appel à des décorateurs non professionnels, à des nouveaux venus: les peintres. 

Dans ces quelques lignes se profilent la polymorphique révolution théâtrale qui soufflera de partout (symbolisme, futurisme, constructivisme, expressionnisme, naturalisme, etc) et de grandes figures se lèveront (Appia, Craig, les Meininger, Antoine, Stanislavski, Meyerhold, Brecht et de nombreux autres) pour redonner du lustre au théâtre!



jeudi 11 juin 2020

Quand Guitry débarque à Montréal!

Parmi mes auteurs favoris, il y a Sacha Guitry. D'abord parce qu'il a une vie rocambolesque: enlevé par son père qui est alors un immense comédien, il est le filleul du tsar Alexandre III, côtoie d'illustres personnalités (dont Sarah Bernhardt, Georges Feydeau, Courteline, Rodin, etc.), devient auteur et comédien par accident, obtient vite le succès, se marie quatre fois (et à chaque fois il fera de son épouse sa partenaire de jeu), devient réalisateur (et fait de très grands films), est arrêté après la Seconde Guerre Mondiale sous des accusations de collaborations, est gracié, termine sa vie principalement au cinéma...

Puis parce que son oeuvre (qui s'étale sur une cinquantaine d'années) est traversée d'une vision toute personnelle (aujourd'hui surannée, peut-être), marquée au sceau de la douce ironie et parfois du sarcasme. Ses textes sont verbeux, certes. Mais ils pourfendent, la plupart du temps, par des sentences fulgurantes, brillantes,  la bêtise humaine... sans pitié ni pour ses personnages féminins, ni pour ses personnages masculins. Quand il ne dissèque pas les relations amoureuse, il dresse, de façon théâtrale, des portraits de personnalités plus grandes que nature: Debureau, Lucien Guitry (son père), Pasteur, Mozart.

Guitry, c'est du grand Boulevard.

Sacha Guitry et Yvonne Printemps dans Mozart, 1926

Au début de 1927, à la suite d'une tournée new-yorkaise de sa plus récente création, Mozart, Guitry - qui a déjà acquis le statut de grande vedette - débarque (presque à l'improviste) à Montréal, en compagnie de son épouse d'alors: Yvonne Printemps! La Presse, 31 janvier:


Jean Béraud, journaliste-chroniqueur au journal, (ce même Béraud qui aura une assez grande importance dans les années 30), le rencontre à son arrivée, le 6 février (et son entrevue est publiée le 7). Guitry fait du grand Guitry et il en profite pour donner un véritable cours de théâtre:



Guitry enchaîne alors les entrevues et les conférences. Et à l'Université McGill, il y a va de cette remarque sur le langage canadien-français (rapportée dans le même journal du 8 février): 


J'ai fouillé beaucoup les journaux de l'époque... La tournée sera un succès. Mais ce qu'on retiendra surtout (et qui fera l'objet de beaucoup d'articles) c'est cette considération sur la langue... comme une préfiguration des débats théâtro-linguistiques qui prendront le haut du pavé dans les années 60...

mercredi 10 juin 2020

Un curieux legs!


Le journal La Presse du 8 janvier 1890 rapporte, dans un entrefilet anodin, l'anecdote plutôt curieuse du testament d'une passionnée de théâtre:


En dollars d'aujourd'hui, ça représente une somme d'environ 320 000$... Malheureusement, la suite de l'histoire ne nous est pas donnée... Cette fondation a-t-elle atteint ses objectifs? Quelle quantité de champagne a-t-elle versé? Combien de temps ce capital a-t-il existé? Si je trouve un jour des réponses à ces questions, j'y reviendrai!

mardi 9 juin 2020

Du théâtre à l'italienne...


Quand la très grande majorité des gens (l'affirmation est quand même grosse mais je n'ai pas vraiment peur de me tromper) pense au théâtre, c'est presque essentiellement dans une formule à l'italienne (comme sur la photo), la formule typique de la scène qui fait face au public. Le mal rouge et or, comme dirait Cocteau. 

C'est toujours, de nos jours, la formule la plus connue, la plus utilisée... la plupart des grandes salles ici au SagLac et au Québec sont (souvent les loges et les balcons en moins) érigées de la sorte.

Cette boîte à illlusion, construite selon les principes de la perspective, est toute faite en conventions et en règles... qui prendront de plus en plus, avec la machinerie et les décors peints, le pas sur les textes présentés. De ce fait, cette boîte est aussi l'une des causes majeures des grandes réformes théâtrales de la fin du XIXe siècle. 

En voici une belle description sortie du bouquin Le Décor de théâtre de Denis Bablet: 

Toute action scénique suppose un lieu où elle puisse prendre forme et se déployer. Le lieu de la représentation théâtrale à la fin du dix-neuvième siècle, c'est le théâtre à l'italienne, dont je rappellerai brièvement les données: rupture entre un lieu d'où l'on voit (la salle) et un lieu d'où l'on est vu (la scène), division du public à la fois matérielle et sociale. Deux mondes s'affrontent: l'un réel, l'autre fictif. Mais l'univers fictif de la scène est encerclé, emprisonné dans un cadre qui lui impose des limites. L'illusion suppose le recul du spectateur, l'indépendance de la vie scénique, la scission entre le réel et le représenté. La majorité des scènes possède un proscenium; mais ce proscenium n'a qu'un but: il permet à l'acteur de jouer au public, de lancer sa tirade au spectateur, il l'isole du fond visuel, il ne projette pas le drame dans le public. La rampe, même si l'on condamne depuis longtemps le caractère antiréaliste de son éclaraire (éclairage par le bas qui n'existe pas dans la nature), n'en demeure pas moins la limite nécessaire: elle matérialise la frontière entre public et action dramatique. 

Autre caractéristique fondamentale du théâtre à l'italienne: il impose des lignes de vision nettement définies. Ni le proscenium, ni la disposition en fer à cheval des loges et balcons ne doivent nous induire en erreur. Cette vision est frontale, elle est axiale. 

Enfin, il faut également tenir compte d'un fait dont on ne soulignera jamais assez l'importance: la vision suppose que soit éclairée la chose à voir. La scène est encore faiblement éclairée au gaz. [...] En 1880, l'électricité est réservée à la production des effets. On n'en décèle pas encore ni la puissance ni l'infinie souplesse. D'autre part, scène et salle restent en général conjointement éclairées durant la représentation. 

lundi 8 juin 2020

Nouvelles acquisitions... un weekend faste!

Plusieurs ouvrages ont trouvé le chemin de ma bibliothèque - mon principal outil de travail, d'une certaine façon - au cours des deux derniers jours. Ils promettent de nombreuses heures de lectures et assurément, quelques billets sur ce blogue:


Le décor de théâtre (de 1870 à 1914) est une longue analyse de l'évolution de la scène dans cette période charnière de l'histoire du théâtre.


Il y aussi 24 numéros (sur 33) de la revue Travail théâtral, publiée entre 1970 et 1979, et réunissant alors les plus grands théoriciens du théâtre (Bablet, Dort, Ryngaert, Picon-Vallin, Sarrazac, etc.) autour de grands artistes et de grandes problématiques. Un immense terrain de jeux à venir!


C'est, je pense, l'une des plus belles pièces de Carole Fréchette. Et comme j'en parle presque à tout coup lorsque je donne le cours Analyse dramaturgique du théâtre québécois, je ne pouvais pas ne pas l'avoir en main! 


Ce 125 ans de théâtre au Séminaire de Trois-Rivière peut sembler plutôt anecdotique (et ciblé!) mais pourtant, il ouvre une fenêtre fort intéressante sur le théâtre académique de la seconde moitié du XIXe siècle (avec ses défis de non-mixité et les enjeux dramaturgiques encourus), qui devait être partagé par nombre d'institutions de l'époque!


Toujours dans l'optique d'agrémenter le contenu du cours que je donne régulièrement aux deux ans, cet ouvrage de référence publié en 2001 réunit, pour sa part, tous les penseurs/intellectuels/professeurs du théâtre québécois dont la liste étonne par sa qualité et sa diversité.


Enfin, par simple plaisir... et aussi parce qu'il serait temps que je le rencontre autrement que par ses Six personnages en quête d'auteur... quelques autres pièces de Pirandello! 

dimanche 7 juin 2020

Des décorateurs de théâtre à la fin du XIXe siècle...

Voici une description de ce qu'est être décorateur de théâtre (une condition bien différente du scénographe actuel), en France, autour de 1870,  tirée d'un nouveau bouquin qui est venu agrémenté ma bibliothèque, Le décor de théâtre entre 1870 et 1914 de Denis Bablet, publié en 1965:


Les décorateurs sont avant tout des «fournisseurs» à qui l'on commande des décors au même titre qu'on commande des costumes à des costumiers. Il faut voir là l'indice d'une spécialisation technique précise, dans laquelle n'entre aucune considération artistique. [...] Le décorateur est payé au mètre carré de toile peinte. Encore les prix varient-ils selon la complication des motifs peints: en 1895 un mètre carré de ciel ou de mer est payé 6 francs, un mètre de «pittoresque» (paysages) 8 francs, un mètre d'architecture normale (maison) 10 francs, un mètre d'architecture riche (palais) 12 francs.

Autre fait capital: dans la très grande majorité des cas, les décors de l'ensemble d'un spectacle ne sont pas l'oeuvre d'un seul atelier, mais de plusieurs entre lesquels on répartit les différents tableaux. [...] Une telle pratique nous semble aujourd'hui contraire à la nécessaire unité d'un spectacle. Mais à la fin du XIXe siècle l'unité visuelle du spectacle ne constitue pas un souci majeur: chaque «tableau» scénique représente une réalité autonome, il n'est pas rare qu'on mêle les décors extraits du fond du magasin à des décors nouvellements peints (pratique que l'on retrouve d'ailleurs en matière de costumes). Il arrive également qu'on utilise le même décor dans deux pièces, opéras ou ballets différents en se contentant de légères modifications. [...] D'un atelier à l'autre, les moyens de représentation sont semblables, identiques les procédés. Les différences concernent l'habileté technique.

[...] Si l'on veut expliquer cette répartition du travail entre plusieurs ateliers, il faut tenir compte d'une réalité purement matérielle: dans un grand théâtre un seul décor représente une moyenne de 1000 à 1500 mètres carrés de surfaces peintes (toiles de fond, châssis, fermes, terrains, plafonds, etc.). Un seul atelier, dans les conditions de temps qui lui sont imposées et en raison de l'importance de ses locaux et de son personnel, ne peut se charger de la réalisation de l'ensemble des décors d'un spectacle.

Un dernier trait nous paraît particulièrement important: les mêmes décorateurs travaillent pour des genres aussi différents que le drame, la comédie, l'opéra ou la féérie: on ne fait appel à eux ni à cause de leur sensibilité à telle forme littéraire ou dramaturgique, ni pour leur style propre. On leur demande simplement de créer un cadre dont les grandes lignes sont définies par les indications scéniques [...]. La virtuosité du métier l'emporte sur l'inspiration créatrice.

C'est une conception théâtrale toute différente... un autre monde.

C'est notamment contre ces traditions et procédés scéniques (ajoutez à cela un jeu tout en conventions et en vedettariat qui ne correspond plus à une nouvelle dramaturgie qui s'impose) que s'élèveront, au tournant du siècle, de nouvelles voix et des réformateurs d'importance comme Adolphe Appia et Edward Gordon Craig. 

L'évolution du théâtre se mettra en marche (dans la foulée de ce qui est parfois appelé la crise du drame) et conduira à l'avènement du metteur en scène et en la transformation radicale des différents corps de métiers du théâtre!

samedi 6 juin 2020

Destin tragique... les suites meyerholdiennes

Je continue un peu dans la même veine que le billet d'hier et je reste dans l'histoire meyerholdienne pour continuer à dérouler ce récit tragique. 

Meyerhold et Zinaïda Reich

En 1922, Vsevolod Meyerhold se sépare de son épouse, Olga Mundt, pour aller vivre avec une une jeune femme qui suit des cours avec lui depuis quelques temps, Zinaïda Reich (épouse du poète Sergueï Essenine). D'elle, il fera l'une des têtes d'affiche de sa troupe (avec, il est vrai, toutes les tensions que cela peut apporter avec les autres actrices vedettes telle que Maria Babanova... même si tous les contemporains s'accordent sur son talent) et elle participera à ses plus grandes créations:

Aksinia, La Forêt, d'Alexandre Ostrovski, 1923

Anna la femme du Gouverneur, Le Revizor, de Nicolas Gogol, 1926

La Femme Phosporescente, Les Bains Publics, de Vladimir Maïakovski, 1929

Marguerite, La Dame aux Camélias, d'Alexandre Dumas, 1934

Quelques jours après l'arrestation de Meyerhold, Zinaïda Reich est - les circonstances resteront toujours nébuleuses - aspirée dans la chute violente du metteur en scène... comme en fait foi ce petit article publié dans Le Soleil, le 19 juillet 1939 (qui décrit aussi les tristes derniers mois de leur histoire conjugale, soumise aux tribulations des procès d'intentions):


Coïncidence? Difficile d'y croire quand on connaît le contexte arbitraire des grandes purges dans l'Union Soviétique de cette fin des années '30...