Au cours de la visite de Sarah Bernhardt à Québec, à la fin de l'année 1905, une émeute éclata, tant pour les passions qu'elle déclenchait que pour des questions morales, il va de soi (voir ici, le type de commentaires qui paraissait à chacun de ses sulfureux passages). On la hue. Accusant le coup, la Divine donne alors, le 5 décembre, une entrevue à L'Événement (ici) qui met le feu aux poudres.
Québec fut outrée. Une révolte (étudiante... eh oui...) accompagna le départ de la tragédienne.
En réponse à celle-ci, un jeune homme fait publier, le lendemain, dans Le Soleil, un poème qui ne fait pas dans la délicatesse (trouvé dans l'ouvrage Le théâtre à Québec au début du XXième siècle de Christian Beaucage, publié chez Nuit Blanche Éditeur en 1996, p.164) et qui s'en prend à tout ce qui est possible (dans des attaques mesquines) chez cette femme adulée par les uns, détestée par les autres:
Va-t'en juive insolente, au sourire cynique:
Toi qui vient de jeter l'injure à notre sang!
Va-t'en montre plus loin ton front neurasthénique
Sur qui la vieillesse descend.
Va-t'en bien loin et puis de province en province,
Pars avec ta névrose et compte en ton chemin
L'argent qu'on aurait dû te tendre avec la pince
Et non avec la main.
Déploie ailleurs ton art et tes talents serviles;
Que ta robe traînante où brillent des cristaux
Prenne comme toujours la poussière des villes
Et les microbes des tréteaux.
Que sur toi la beauté chimique soit accrue;
Va te faire encenser encore dans d'autres murs,
Dissimule le temps qui passe sa charrue
Sur tes charmes trop mûrs!
Nous en avons assez de toi, foyer d'insultes!
Ton injure fut basse et nous restons front haut,
Notre patriotisme en nos coeurs est occulte
Mais il déborde quand il faut!
Tu fais bien de partir, artiste prolétaire:
Car nos rares bravos n'ont fait que t'assoiffer,
Car notre grand passé surgissant de la terre
Aurait pu t'étouffer.
Nos temples spacieux où le Christ règne en maître
Dans leur éclat serein t'auraient fait mal au coeur
Toi qui riais hier de notre Foi, du prêtre
Avec ton sarcasme moqueur!
Fuis loin de nous avant que notre haine éclate,
Nous sommes Iroquois, très bien: dis-nous adieu
Et pars en invoquant les mânes de Pilate
Qui fit mourir son Dieu.
Et quand, ailleurs, vers toi les foules, accourues
Admireront ton verbe et pleureront d'émoi
Ici nous passerons le balai sur les rues
Pour qu'il ne reste rien de toi!
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