dimanche 4 avril 2021

Quand même la Passion est refusée si elle est au théâtre...

Aujourd'hui, c'est Pâques. Bien que j'aie déjà publié un billet ce matin sur le nô, en voici un autre de circonstances.

Il s'agit d'une lettre pastorale de sa Grandeur, l'Archevêque de Montréal, Paul Bruchési. Ici, il s'élève (et, bien en verve, il s'est élevé de très nombreuses fois, comme en font preuve ces publications), contre un groupe qui souhaite représenter sur un théâtre, à l'approche de Pâques, la Passion du Christ. Inutile de dire que ça ne passe pas! 

Donc, le 3 mars 1921, il fait paraître ceci, notamment dans Le Devoir:

La naissance du nô

 

 
Capsule vidéo réalisée par l'UNESCO 
(parce que le nôgaku - réunissant nô et kyogen - fait partie du patrimoine culturel immatériel de l'humanité)

Le nô a quelque chose d'hypnotisant, d'impénétrable pour les Occidentaux. Impénétrable mais ô combien fascinant. Tout y est code et convention. Du moindre mouvement des doigts aux couleurs portées.

Lire les traités du genre, lire le plus grand auteur du genre, Zeami, n'apporte pas nécessairement, sur ce genre - figé, en quelques sortes, depuis des siècles - un  éclairage facilement digeste! 

Voici donc, tirée de La tradition secrète du nô dudit Zeami (XVe siècle), traduit par René Sieffert (1960), le récit de la naissance du nô (ou plus précisément, du sarugaku, ancêtre et/ou précurseur et/ou source orginelle du nô... mais ça non plus, ce n'est pas très clair):

Item, voici comment débuta le sarugaku au temps des dieux: au moment où la Grande-Divinité-qui-illumine-le-Ciel se confina dans la Céleste-Demeure-Rocheuse, le Monde-sous-le-Ciel fut plongé dans les ténèbres; lors les huit cent myriades de dieux s'assemblèrent sur le Céleste Mont-Kagu, et dans l'intention de captiver le divin Coeur de la Grande-Divinité, ils lui offrirent un kagura, et commencèrent un seinô. D'entre eux, Ama-no-uzume-no-miko s'avança; [tenant] des bandelettes votives fixées à un rameau de sakaki, élevant la voix, soulevant d'un piétinement rapide un roulement de tonnerre, quand elle fut en état de possession divine, elle chanta et dansa. Comme cette voix divine lui parvenait indistincte, la Grande-Divinité entrouvrit la Porte-Rocheuse. La terre, de nouveau, s'éclaira. Les divines faces des dieux resplendirent. Le divin divertissement de ce temps-là fut, dit-on, le premier des sarugaku. Les précisions, on les trouvera dans la tradition orale.