mardi 3 février 2009

Une maison face au Nord... une expérience auditive!!!


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Communiqué pour diffusion immédiate du Théâtre La Rubrique (qui propose une expérience auditive spéciale):

Dans le cadre de la «Semaine de la Canne Blanche 2009», le Théâtre La Rubrique accueillera un groupe de personnes handicapées visuelles à l’occasion d’une représentation spéciale d’Une maison face au Nord.

Le vendredi 6 février dès 20h, le spectacle sera décrit sur la fréquence radiophonique de la salle Pierrette-Gaudreault, le 105,9 FM, afin de bonifier leur sortie au théâtre. La Rubrique invite donc toutes les personnes handicapées visuelles à assister à cette représentation toute particulière du spectacle, alors que tous les sens seront mis à profit !

Cette initiative a été rendue possible grâce à l’implication des intervenants du Centre Hospitalier de Jonquière et de l’Association des non-voyants du Saguenay Lac-St-Jean.

Pour ceux et celles qui désirent entendre la description visuelle du spectacle sur les ondes du 105,9 FM, nous vous demandons d’apporter votre propre émetteur FM muni d’écouteurs personnels.

Une soirée perdue

(Alfred de Musset, Poésies nouvelles)

J'étais seul, l'autre soir, au Théâtre Français,
Ou presque seul ; l'auteur n'avait pas grand succès.
Ce n'était que Molière, et nous savons de reste
Que ce grand maladroit, qui fit un jour Alceste,
Ignora le bel art de chatouiller l'esprit
Et de servir à point un dénouement bien cuit.
Grâce à Dieu, nos auteurs ont changé de méthode,
Et nous aimons bien mieux quelque drame à la mode
Où l'intrigue, enlacée et roulée en feston,
Tourne comme un rébus autour d'un mirliton.
J'écoutais cependant cette simple harmonie,
Et comme le bon sens fait parler le génie.
J'admirais quel amour pour l'âpre vérité
Eut cet homme si fier en sa naïveté,
Quel grand et vrai savoir des choses de ce monde,
Quelle mâle gaieté, si triste et si profonde
Que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer !
Et je me demandais : Est-ce assez d'admirer ?
Est-ce assez de venir, un soir, par aventure,
D'entendre au fond de l'âme un cri de la nature,
D'essuyer une larme, et de partir ainsi,
Quoi qu'on fasse d'ailleurs, sans en prendre souci ?
Enfoncé que j'étais dans cette rêverie,
Çà et là, toutefois, lorgnant la galerie,
Je vis que, devant moi, se balançait gaiement
Sous une tresse noire un cou svelte et charmant ;
Et, voyant cet ébène enchâssé dans l'ivoire,
Un vers d'André Chénier chanta dans ma mémoire,
Un vers presque inconnu, refrain inachevé,
Frais comme le hasard, moins écrit que rêvé.
J'osai m'en souvenir, même devant Molière ;
Sa grande ombre, à coup sûr, ne s'en offensa pas ;
Et, tout en écoutant, je murmurais tout bas,
Regardant cette enfant, qui ne s'en doutait guère :
" Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat."

Puis je songeais encore (ainsi va la pensée)
Que l'antique franchise, à ce point délaissée,
Avec notre finesse et notre esprit moqueur,
Ferait croire, après tout, que nous manquons de coeur ;
Que c'était une triste et honteuse misère
Que cette solitude à l'entour de Molière,
Et qu'il est pourtant temps, comme dit la chanson,
De sortir de ce siècle ou d'en avoir raison ;
Car à quoi comparer cette scène embourbée,
Et l'effroyable honte où la muse est tombée ?
La lâcheté nous bride, et les sots vont disant
Que, sous ce vieux soleil, tout est fait à présent ;
Comme si les travers de la famille humaine
Ne rajeunissaient pas chaque an, chaque semaine.
Notre siècle a ses moeurs, partant, sa vérité ;
Celui qui l'ose dire est toujours écouté.

Ah ! j'oserais parler, si je croyais bien dire,
J'oserais ramasser le fouet de la satire,
Et l'habiller de noir, cet homme aux rubans verts,
Qui se fâchait jadis pour quelques mauvais vers.
S'il rentrait aujourd'hui dans Paris, la grand'ville,
Il y trouverait mieux pour émouvoir sa bile
Qu'une méchante femme et qu'un méchant sonnet ;
Nous avons autre chose à mettre au cabinet.
Ô notre maître à tous, si ta tombe est fermée,
Laisse-moi dans ta cendre, un instant ranimée,
Trouver une étincelle, et je vais t'imiter !
J'en aurai fait assez si je puis le tenter.
Apprends-moi de quel ton, dans ta bouche hardie,
Parlait la vérité, ta seule passion,
Et, pour me faire entendre, à défaut du génie,
J'en aurai le courage et l'indignation !

Ainsi je caressais une folle chimère.
Devant moi cependant, à côté de sa mère,
L'enfant restait toujours, et le cou svelte et blanc
Sous les longs cheveux noirs se berçait mollement.
Le spectacle fini, la charmante inconnue
Se leva. Le beau cou, l'épaule à demi nue,
Se voilèrent ; la main glissa dans le manchon ;
Et, lorsque je la vis au seuil de sa maison
S'enfuir, je m'aperçus que je l'avais suivie.
Hélas ! mon cher ami, c'est là toute ma vie.
Pendant que mon esprit cherchait sa volonté,
Mon corps savait la sienne et suivait la beauté ;
Et, quand je m'éveillai de cette rêverie,
Il ne m'en restait plus que l'image chérie :
" Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat. "

Vugarisation?

Sur ce blogue, on me reproche parfois d'être difficile à suivre, d'être trop pointu pour le commun des mortels, pour le spectateur moyen.

Soit...

D'une part, je n'ai pas l'ambition d'être un vulgarisateur, un spécialiste d'un domaine qui tente de rendre sa discipline accessible au grand public (Encarta)... du moins, pas dans l'acception du terme signifiant simplification. Je me fie fondamentalement à l'intelligence du lecteur et surtout à sa curiosité qui le poussera à chercher plus loin pour approfondir certaines des notions apportées ici. Je crois, par ailleurs, que tout spectateur peut, s'il se donne la peine, se mesurer avec les plus brillants des théoriciens.

Cet espace, tout médiateur culturel qu'il soit, correspond d'abord et avant tout à un besoin personnel de noter des idées qui me sont propres... et, peut-être égocentriquement (!), de croire que ce qui m'intéresse peut intéresser quelqu'un d'autre.

Que tous ne comprennent pas la même chose mais que tous comprennent quelque chose, pour paraphraser Mesguish, serait, en quelques sortes, mon leitmotiv... Les clarifications viendront en temps et lieux.

D'autre part, comme le disait Luchini dans cette phrase que j'ai notée il y a quelques semaines, si je fais du théâtre, c'est pour passer un moment de pure exigence d'intelligence, de drôlerie et de vérité.

Je ne suis pas un vibrant passionné qui parle ou écrit avec ses tripes en puisant profondément dans les sentiments et l'expression. Non. Je me définirais plus comme un intellectuel, un rationnel qui cherche à comprendre les mécanismes du théâtre, à définir les cadres de la pratique actuelle (principalement saguenéenne), à faire des liens entre spectacles et abstractions littéraires. J'aime la stimulation théorique et m'en nourris grandement.

C'est donc dans cette optique que j'aborde la plupart de mes billets... et advienne que pourra. De toute façon, je demeure ouvert en tout temps pour éclairer, au besoin, quiconque en fait le souhait.