mercredi 31 août 2016

De l'immoralité du théâtre au début du XXième siècle!

La moralité, dans ce Québec du début du XXième siècle pétri de judéo-chrétienté est une chose sérieuse. Une chose fondamentale. C'est pourquoi il faut s'insurger quand le péché débarque dans la Province sous les allures de grandes comédiennes françaises comme ce fut le cas pour Sarah Bernhardt, oui... mais aussi pour l'une de ses compatriotes: Réjane (quelques notes biographiques ici). 


Ainsi, quand cette grande dame de la scène débarque, dans la capitale, en janvier 1905, pour une série de représentations (les pièces - jugées immorales! - au programme étaient L'hirondelle et La petite marquise), le conservateur journal L'Événement la conspue en ces termes (l'extrait est cité dans le bouquin de Christian Beaucage, Le théâtre à Québec au début du XXième siècle):

Une actrice française, Madame Réjane, vient de terminer une série de représentations dans un théâtre de Montréal. Les pièces qu'elle y a jouées sont immorales ou ordurières. Son succès a été considérable.

Malgré l'engouement de la foule, malgré la réputation de l'artiste, deux grands quotidiens de Montréal, «La Presse» et «La Patrie» ont cru devoir protester contre cette apothéose de la luxure.

Aujourd'hui, on nous annonce la venue à Québec de la même actrice et la représentation des mêmes pièces.

Eh bien, nous protestons au nom de la pudeur et de la morale publique! Lorsque l'on exploite seulement la bêtise humaine, en servant des inepties au public, on peut laisser faire. Chacun est libre de perdre son temps et son argent.

Mais du moment qu'on veut frapper monnaie en offrant des productions malsaines et en spéculant sur les mauvais instincts du peuple, il est nécessaire d'intervenir et de jeter le cri d'alarme. Car les malfaiteurs littéraires ou artistiques ne doivent pas être moins conspués que les bandits et les prostituées.

Inutile de vouloir pallier le mal sous le manteau de l'art. La fange ne peut jamais être l'objet du beau.

Nous avertissons donc les directeurs du théâtre de l'Auditorium et, en même temps, le public qui se respecte.


Toujours cette même rhétorique pompeuse digne d'un Bossuet ou de l'un des Pères de l'Église... et pourtant c'était il y a quelques décennies à peine...  

lundi 29 août 2016

«Les mains anonymes» [Carnet de mise en scène]


Médée est l'un des personnages mythologiques les plus troublants. Cette femme-sorcière se fait passion pour Jason et rien - ni père, ni frère, ni ennemi - ne survit à son déchaînement... et quand la jalousie et la rage s'emparent d'elle, elle tente de les assouvir en immolant ses enfants sur l'autel de la vengeance. Une histoire terrible qui résonne encore parfois - trop souvent! - dans les titres de nos journaux.

En décembre 2014, le Théâtre 100 Masques devait donner une version de ce mythe à partir de collages d'extraits puisés à plusieurs sources (Euripide, Sénèque, Corneille, Anhouil, Muller), isolant, de ces oeuvres, la voix de Médée qui se crie, se justifie, se défend, se pourfend. 

Pour différentes raisons, le projet n'a pas eu lieu... sans pourtant être écarté des projets possibles. 

Cet hiver, avec un peu plus de temps libres, avec ce projet en tête, je me suis mis à l'écriture de mon propre texte à partir de cette femme, élaborant, peu à peu, une partition hautement formelle, construite, poétique. Huit tableaux comme huit instantanés de cette intrigue. Une voix intérieure qui se déclame et qui cherche une issus. 

Et le résultat est convaincant... au point de passer rapidement à la scène.

Dans quelques jours, quelques semaines, le Théâtre 100 Masques entrera donc en répétition pour ce projet  ayant pour titre Les mains anonymes et qui sera présenté du 2 au 11 novembre, du mercredi au vendredi, à la Salle Murdock de Chicoutimi. 

La tâche d'interprété ce monologue sera confiée à Erika Brisson avec qui j'ai présenté la seconde version de Trou Noir l'an passé. 

mardi 23 août 2016

Quand la structure apporte la liberté...


Cela dit, être l'intendant d'un grand théâtre, c'est la plus grande liberté qui soit. Il y a des metteurs en scène indépendants  - en allemand on dit frei Regiseure, metteurs en scène libres. Mais celui qui est le plus libre de tous dans le paysage théâtral allemand, c'est le directeur d'un théâtre. Car c'est lui qui décide, par exemple, de prévoir six mois de répétitions pour Shakespeare. C'est le directeur qui décide où mettre l'accent, où placer les moyens - mais il ne peut le faire que dans le théâtre qu'il dirige. Tout le monde pense qu'avoir à gérer toute une institution est très lourd, que cela empêche le travail artistique. Moi je dirais le contraire. [...] En plus, il y a au théâtre une grande tradition de ce type de fonctionnement: Molière, Shakespeare... ils étaient tous des chefs de troupe!

Ceci est l'opinion de Thomas Ostermeier (directeur de la Schaubühne de Berlin... l'un des plus grands théâtres européens), dans Le Théâtre et la Peur (p.28), publié il y a quelques mois chez Actes Sud... et je ne suis pas très loin d'avoir la même opinion. Bien sûr, entre l'institution allemande et le Théâtre 100 Masques, il y a tout un monde (et beaucoup moins de moyens!). Toujours est-il qu'une bonne organisation peut devenir un formidable outil de création et de liberté. 


samedi 20 août 2016

Nouvelles acquisitons!

L'année 2016-2017 s'annonce bien chargée! Pour soutenir cette activité frénétique, je me suis procuré de nouveaux bouquins sur le théâtre. Des ouvrages pour nourrir la réflexion. Des ouvrages pour comprendre le médium. Des ouvrages pour ouvrir peut-être de nouvelles pistes de création.

Un bref passage à Montréal a porté ses fruits! Voici donc les cinq ajouts à ma bibliothèque (et nul doute que ceux-ci seront bientôt références pour divers billets sur ce blogue!):

... d'abord trois visions de metteurs en scène (deux très contemporains et un classique)... et ce sont souvent là les lectures les plus intéressantes, les plus questionnantes...




... et deux petites plaquettes plus historiques... parce qu'il est important de savoir ce qui s'est fait avant et de saisir l'évolution du théâtre dans sa globalité...



dimanche 14 août 2016

Au théâtre, cette semaine! (Du 14 au 20 août 2016.)


Nous débutons aujourd'hui une autre semaine chargée en ce qui a trait au théâtre! Toutefois, il ne faut pas prendre tout ça pour acquis parce que peu à peu, les jours filent et la rentrée sera bientôt chose faite! Plusieurs productions entameront, cette semaine, leur dernier tour de piste... puis viendra la saison régulière!

Dimanche à mardi (du 14 au 16 août 2016)
Salle Lionel-Villeneuve (Roberval), 20h
(Avant-dernière semaine de représentations!)

Le Théâtre du 2X4 présente La Suite Logique de Maxime Champagne. À la suite d’une consultation chez le voyant Zanzor, Régis se fait prédire que toute sa vie sera chamboulée et qu’il provoquera une réaction en chaîne. La vie des gens qui l’entourent prendra de nouvelles avenues spectaculaires et loufoques. Mise en scène: Jean Belzil-Gascon. Avec Benoit Arcand, Jérémie Desbiens, Laurence Régnier et Édith Arvisais. (Informations .)

Mardi et mercredi (16 et 17 août 2016)
Église de Saint-Eugène d'Argentenay, 19h30
(Dernière chance!)

Jimmy Doucet présente Pour le meilleur et pour le pire (La route des légendes). Vous aimeriez revivre les années 80 le temps d’un mariage? Vous êtes cordialement invité à célébrer l’union de Richard et Guylaine à l’église de Saint-Eugène d’Argentenay cet été. Un voyage dans le temps humoristique que vous n’oublierez jamais! (Informations .)

Mardi et mercredi (16 et 17 août 2016)
Bâtiment 1912 (Pulperie de Chicoutimi), 20h30
(Avant-dernière semaine de représentations!)

Le Théâtre 100 Masques présente son trio de farces médiévales (La Farce du Pâté et de la TarteLa Farce du cuvierLa Farce du pet)... une incursion dans une dramaturgie datant d'il y a six siècles et prouvant que la bêtise humaine ne change pas! Mise en scène: Dario Larouche. Avec: Mélanie Potvin, Éric Chalifour, Gervais Arcand et Sophie Larouche. (Informations .)

Mardi à jeudi et samedi (16 au 18 et 20 août 2016)
Site de la Nouvelle-France (St-Félix-d'Otis), 11h
(Avant-dernière semaine de représentations!)

Le Site de la Nouvelle France présente Les Filles de la forêt - un conte équin (les textes sont de Martin Giguère), de la compagnie Luna Caballera. Mise en scène: Éric Chalifour. Avec: Patrice Leblanc, Valérie Villeneuve, Marie-Claude Bouillon, Christina Albers, Pamela Paradis. (Informations .)

Mardi, jeudi et vendredi (16, 18 et 19 août 2016)
Centre touristique de Vauvert, 20h
(Avant-dernière semaine de représentations!)

Le duo Jacob Lévesque et Mélanie St-Germain présente leur création, Donne-moi ta bouche. (Informations .)

Mardi au samedi (16 au 20 août 2016)
Complexe touristique de la Dam-en-terre (Alma), 20h30

Le Dream Team présente Hier est un autre jour de Sylvain Meyniac et Jean-François Cros. Cette pièce raconte l'histoire de Pierre Maillard, avocat rigide et bourré de tocs qui prépare le procès de sa vie! Il est persuadé d’avoir la promotion qu’il mérite et ne se méfie pas une seconde de son patron et collègue. À quelques heures du procès, un étrange personnage vient cogner à sa porte et va bouleverser sa vie bien rangée, en lui faisant vivre une journée sans fin, dingue et absurde où les mêmes événements se répètent jusqu’au délire ! Des pieds qui se prennent dans le tapis, des cigares qui disparaissent, des crayons qui se planquent et un cochon qui se fait la malle, Pierre deviendrait-il complètement fou? Mise en scène: Édith Patenaude. Avec: Samuel Corbeil, Israël Gamache, Linda Laplante, Joanie Lehoux, Nicolas Létourneau et Edith Patenaude. (Informations .)

Mercredi, jeudi et samedi (17, 18 et 20 aout 2016)
Musée Louis Hémon, 14h
(Dernière chance!)

Dans le cadre du centenaire de la publication de Maria Chapdeleine, le Musée Louis Hémon présente Maria Chapdeleine: Mission intemporelle, un concept original de Mathieu Savard et Christian Laprise. Suivez les aventures loufoques de deux espions qui tentent d’accomplir une mission bien spéciale qui se déroule dans le passé.(Information .)

Jeudi et vendredi (11 et 12 août 2016)
Au Météor (Dolbeau-Mistassini), 20h45
(Dernière chance!)

Jimmy Doucet présente Retour à Cayo Banano (La route des légendes). Venez vivre de toutes nouvelles aventures à l’hôtel de Cayo Banano. Venez rire en compagnie de nos voyageurs colorés, vous divertir en vivant avec eux des excursions plutôt dangereuses et surtout passer une semaine de rêve à boire, manger et vous faire bronzer…(Informations .)

Jeudi et vendredi (18 et 19 août 2016)
Maison coupée en deux (St-Fulgence), 19h30
(Dernière chance!)

La Maison coupée en deux présente Contes et légendes du Saguenay-Lac-Saint-Jean de Jimmy Doucet. Cette année, assistez à un tout nouveau spectacle! Notre région a elle aussi ses contes et légendes et nous vous proposons de venir les découvrir à travers un spectacle humoristique différent de tout ce que vous avez vu jusqu’à présent. Pour découvrir le Saguenay-Lac-Saint-Jean d’une façon très originale, nous vous invitons à voyager à travers nos histoires étranges et imaginaires. Mise en scène: Jimmy Doucet. Avec (notamment... parce que je ne trouve pas la distribution complète): Alexis Gagnon, Pierre Turcotte, Maxim St-Pierre et Christian Ouellet. (Informations .)

Vendredi et samedi (19 et 20 août 2016)
Moulin des pionniers (La Doré), 13h30
(Dernière chance!)

Jimmy Doucet présente Les aventuriers du passé (La route des légendes). Aidez nos voyageurs du temps à retourner à leur époque tout en les protégeant des dangers des années 2000. Venez vivre une aventure humoristique à travers le temps en compagnie de personnages marquants qui ont contribué au développement de la municipalité de La Doré. (Informations .)

samedi 13 août 2016

Un bout de «Chat en poche»


Je suis un fan fini des pièces de vaudevilles et de théâtre de boulevard qui ont fait la belle époque du théâtre de la fin du XIXième et du début du XXième siècle. Et j'ai, dans ma bibliothèque, les collections presque complètes du quatuor fétiche: Labiche, Courteline, Guitry et Feydeau.

D'alleurs, j'ai lu beaucoup dernièrement les pièces de celui-ci, en vue d'une éventuelle production estivale en 2017.

J'aime bien cette écriture vive. Ce ton toujours un peu caustique... parfois même virulent, sombre, noir... mais toujours très drôle. 

Voici le début de l'une de ses premières oeuvres, Chat en poche (1888), où il est d'abord question d'héberger un supposé chanteur d'opéra pour finir en une histoire rocambolesque d'adultère... Tout y est. Les jeux de mots, les quiproquos, les remarques narquoises.

Tous sont assis à table.
Pacarel. — Excellent, ce canard !

Marthe. — La recette est du docteur Landernau.

Landernau. — Eh ! parbleu, c’est le canard à la Rouennaise ! Tout le mystère est dans la façon de le tuer… C’est très simple… au moyen d’une constriction exercée de la main contre le cou du canard, n’est-ce pas, l’air ne pénétrant plus dans le thorax, l’hématose se fait incomplètement, ce qui amène des extravasations sanguines dans le tissu cellulaire qui sépare les muscles sus-hyoïdiens, et sous-hyoïdiens, par conséquent…

Pacarel. — Oui, enfin, vous lui tordez le cou… Ces médecins, ça ne peut rien dire comme les autres… Eh ! bien, c’est excellent. 
[...] (À Tiburce.) Apportez-nous le champagne.

Tiburce remonte chercher le champagne sur le buffet pendant que la bonne enlève les verres à vin et la carafe.

Amandine. — Ah ! je l’adore… mais mon mari, le docteur, me le défend… il dit que ça m’excite trop ! Il ne me le permet que pour mes bains.

Tiburce, à part. — Ah ! pauvre chatte !

Pacarel. — Allons ! tendez vos verres… et vous savez, c’est du vin ! Je ne vous dis que ça… il me vient de Troyes, ville aussi célèbre par son champagne que par le cheval de ce nom.

Julie. — Mais non papa, le cheval et le champagne, ça n’a aucun rapport. Ça ne s’écrit même pas la même chose.

Pacarel. — Pardon ! ai-je dit que… cheval et champagne, ça s’écrit la même chose ?

Julie. — Je ne te dis pas !… Mais il y a Troie et Troyes…ce qui fait deux.

Landernau. — Permettez… trois et trois font six.

Pacarel. — Ah ! très drôle ! Messieurs… Mesdames… Je demande la parole…

Il se lève.

Amandine. — Laissez parler M. Pacarel,

Marthe. — Parle !… Mon mari était fait pour être tribun,

Pacarel. — Messieurs… Mesdames… on ne pourra pas nier.

Marthe. — Ah ! à propos de panier, ma chère Amandine, j’ai retrouvé le vôtre, votre panier à ouvrage

Amandine. — Mon panier, ah ! moi qui le cherchais !

Pacarel. — Allez-vous bientôt me laisser parler ?

Marthe. — Va, mon ami. (À Amandine.) Vous me ferez penser à vous le rendre tout à l’heure.

Pacarel. — Messieurs et Mesdames… et surtout toi, ma fille… je vous ménage une surprise (À Tiburce.) Apportez-nous les rince-bouche.

Marthe. — C’est ça ta surprise?

Pacarel. — Non, ce n’est qu’une interruption… Je veux m’habituer pour si jamais je suis député… (À Tiburce.) Eh ! bien, vous n’entendez pas ? J’ai demandé que vous m’apportassiez les rince-bouche.

Tiburce. — Voilà ! Je vais vous l’apportasser !

Pacarel. — D’abord on dit apporter… On ne dit pas apportasser.

Tiburce. — Ah ! je pensais faire plaisir à Monsieur… comme Monsieur vient de le dire… Oh ! les maîtres !…

Il sort.

Amandine. — Monsieur Pacarel… vous avez la parole…

Tous. — La surprise !… La surprise !…

Pacarel. — Voilà… Je serai bref… Julie… tu t’es illustrée dans ta famille par la confection d’un opéra… tu as refait Faust après Gounod… Gounod était né avant toi, il était tout naturel qu’il eût pris les devants. Ton Faust, j’ai résolu de le faire jouer à l’Opéra même…


Et à partir de là, la machine s'emballe.

Bien entendu, cette pièce, toute drôle soit-elle, ne fait pas partie de la sélection qui repose sur ma table. Mais elle donne bien le ton des pièces à venir!

vendredi 12 août 2016

«Le comédien et les femmes»

J.-S. Archambault, dit Palmieri

Le théâtre, au Québec, dans les premières années du XXième siècle, réunit toute une galerie d'interprètes flamboyants. Malheureusement, avec un art aussi éphémère, ces hautes personnalités sombrent inéluctablement dans l'oubli. Par chance, certains ont pris la plume pour consigner leurs souvenirs, leurs opinions.

Et c'est toujours intéressant de faire une telle incursion dans une pratique à l'orée du professionnalisme des années 30-40. 

Par exemple, voici un long extrait de Mes Souvenirs de Théâtre, par Palmieri (publié en 1944), vedette de l'époque. Cet extrait - savoureux s'il en est... et légèrement prétentieux! - décrit, en termes fleuris, selon lui, la façon dont le comédien est perçu par les femmes: 

Mon stylo frémit d'émotion en évoquant ce titre: La Femme et le Comédien. Deux âmes où le mirage de l'amour, des passions, donne à la vie théâtrale des splendeurs d'oasis, où les êtres voyagent sur des lacs, transparents miroirs de volupté. Que se passe-t-il au tréfonds de toutes ces charmantes spectatrices regardant le comédien avec leur coeur? L'ambiance théâtrale donne à la femme l'illusion d'un temple où se chante l'éternel cantique de l'amour. La femme entre toute émue dans cette salle de spectacles qui, durant quelques heures, va lui sembler un mur l'isolant des sombres réalités de la vie. 
Son coeur, son âme, son intelligence, ses pensées ne vivront plus que dans l'âme du comédien d'où jaillira l'harmonie des grandes sentimentalités humaines. Pour la femme, l'acteur est un dieu dont la voix céleste, pénétrant tout son être, fera passer en elle tous les grands frissons d'une heure de vie humaine que l'on voudrait toujours revivre.

La femme, au théâtre, voit toujours l'acteur non pas tel qu'il est réellement, mais d'après le personnage qu'il représente. Elle aime avec lui, elle hait avec lui, elle pleure, elle rit, et c'est dans une extase qu'elle contemple le comédien. [...]

[...] La femme couronne d'une auréole divine le front de l'acteur, pour elle le comédien n'appartient plus au monde, à la terre, il n'est plus qu'une superbe irradiation des grandeurs psychologiques. Au sortir du théâtre, l'âme encore ravie, la femme ne peut plus détacher son regard de ce dieu qui la suit, elle le contemple, elle voudrait se fondre dans la lumière qui l'auréole, et le petit dieu devenu homme, l'abordant tout à coup, fera passer en elle une ivresse inconnue. Le dieu lui parle, il lui ouvre son coeur où brille la lumière du feu sacré qui le dévore. [...] La femme dont l'âme est encore sous le charme de l'extase enveloppe le dieu d'un regard d'amour et d'adoration, elle l'élève jusqu'à son coeur comme un ostensoir, et le dieu, au sommet de l'Olympe, laisse tomber des rayons de béatitude sur cet être ravi et heureux. [...]

[...] Créée pour l'amour et la tendresse, la femme entre au théâtre comme en un temple où son âme goûtera aux célestes félicités, et sous cette voûte où les passions vont dérouler devant elle le film merveilleux de leurs fortes réactions, son âme s'envolera aussitêt vers la stratosphère des grandes émotions divines et humaines.

Les temps changent. Les temps changent.

mardi 9 août 2016

Du dépouillement... jusqu'à l'essentiel


Plus les années passent et le plus j'ai l'impression de chercher à dépouiller mon travail de metteur en scène pour centrer celui-ci sur le jeu du comédien. Il faut dire, par ailleurs, que je n'ai jamais vraiment été un grand partisan de la technique, de la technologie ou encore des grands espaces scénographiques. 

Pour moi, l'esthétique de la scène passe majoritairement par le corps, sa plasticité, son rythme, sa chorégraphie. Une quête de précision. Une recherche d'efficacité sémiologique confiée prioritairement à l'acteur. 

C'est peut-être l'une des raisons qui me font apprécier les écrits (surtout ceux esthétiques) de Jean Vilar (initiateur du Festival d'Avignon)... comme ces passages extraits de son petit essai De la tradition théâtrale publié quand même en 1955:

Ici, il s'agit de simplifier, de dépouiller. [...] Pour qu'une réalisation possède son plein pouvoir de suggestion, il n'est pas nécessaire que telle scène dite de mouvements soit en mouvement (avec entrechats, boxe, bagarres, poursuites plus ou moins réalistes ou plus ou moins symbolisées). Il suffit d'un ou deux gestes et du texte. Mais il faut que le texte et le gestes soient justes.

Un peu plus loin, il ajoute (un passage que j'ai déjà publié ici en 2009, mais que je reprends parce que je le trouve toujours aussi parlant!): 

Réduire le spectacle à sa plus simple et difficile expression, qui est le jeu scénique ou plus exactement le jeu des acteurs. Et donc, éviter de faire du plateau un carrefour où se rencontrent tous les arts majeurs et mineurs (peinture, architecture, électromanie, musicomanie, machinerie, etc...).

Remettre le décorateur à son rang qui est de résoudre le problème des découvertes, des frises et de réaliser la construction des éléments scéniques (meubles ou accessoires) strictement indispensables au jeu des acteurs.

Laisser au music-hall et au cirque l'utilisation immodérée des projecteurs, des casseroles et du mercure.

Donner à la partie musicale le seul rôle d'ouverture ou de liaisons entre deux tableaux. Ne l'utiliser qu'aux seuls endroits où le texte indique formellement l'intervention d'une musique lointaine ou proche, d'une chanson, d'un divertissement musical.

En résumé, éliminer tous les moyens d'expression qui sont extérieurs aux lois pures et spartiates de la scène et réduire le spectacle à l'expression du corps et de l'âme de l'acteur. 

Bon. C'est un peu radical, il est vrai... mais il n'en demeure pas moins que cette vision du théâtre repose sur sa composante essentielle: le travail de l'interprète. 


lundi 8 août 2016

L'oeuvre comme un iceberg


L'un des sujets fréquemment abordé sur ce blogue - depuis juillet 2007! - est la place, l'état et la fonction de l'espace critique dans le milieu théâtral (et culturel, bien entendu).  De ce rôle majeur du retour sur une oeuvre qui se réduit de plus en plus en simple chronique culturelle... voire en simple évocation dans les diverses tribunes médiatiques. (À preuve, cette suite de billets.)

En relisant l'essai plus qu'intéressant de Catherine Voyer-Léger (Métier critique - pour une vitalité de la critique culturelle publié en 2014 chez Septentrion), je suis retombé sur cette description (pp.97-98) de ce que devrait être l'objectif de toute bonne critique:

[...] L'objectif de la critique - qu'elle soit journalistique ou universitaire, d'ailleurs - devrait être de dévoiler quelque chose, de mettre en lumière, d'ouvrir l'oeuvre pour la faire voir autrement, à défaut de pouvoir la faire comprendre. Mais mettre en lumière, c'est toujours laisser autre chose dans l'ombre. [...] Dans le même sens, l'écrivaine française Christine Montalbetti explique [dans son article Dans le jardins de son voisin publié dans le 672ième numéro de la revue Les temps modernes, janvier-mars 2013] que si l'oeuvre est comprise comme un iceberg, le critique peut très bien se contenter de ce qui est visible, «varapper ses parois» et mettre en lumière ce «qui est concerté». Mais elle ajoute: «Il est également capable, mystérieusement, d'endosser sa tenue de plongée et d'aller voir en dessous. Alors il attrape au bout de son harpon des thèmes qu'on a brassés sans les reconnaître, des hantises que dans le faisceau de sa lampe frontale il repère, des fantômes dont il devine la présence et qu'on a cru pouvoir ignorer.» Un tel travail de dévoilement peut être perçu comme une violence, surtout par l'artiste qui a oeuvré pour offrir quelque chose qui soit au moins un peu fini, fermé, complet. Mais ça peut aussi être constructif.

Pour espérer atteindre ces profondeurs, la critique culturelle exige du temps et de l'espace, histoire de remplir sa mission avec toutes les nuances qui s'imposent, temps et espace qu'on ne lui accorde plus vraiment. [...­]

À l'époque de la lecture - et encore aujourd'hui - j'avais bien aimé cette image de l'oeuvre comme iceberg...


dimanche 7 août 2016

Au théâtre, cette semaine! (Du 7 au 13 août 2016.)


Voici aussi le retour du calendrier théâtral hebdomadaire couvrant l'ensemble de la région. Il se peut, toutefois, qu'il me manque des informations... il y en a tant à colliger!

Dimanche à mardi (du 7 au 9 août 2016)
Salle Lionel-Villeneuve (Roberval), 20h
(Deuxième semaine sur quatre)

Le Théâtre du 2X4 présente La Suite Logique de Maxime Champagne. À la suite d’une consultation chez le voyant Zanzor, Régis se fait prédire que toute sa vie sera chamboulée et qu’il provoquera une réaction en chaîne. La vie des gens qui l’entourent prendra de nouvelles avenues spectaculaires et loufoques. Mise en scène: Jean Belzil-Gascon. Avec Benoit Arcand, Jérémie Desbiens, Laurence Régnier et Édith Arvisais. (Informations .)

Mardi et mercredi (9 et 10 août 2016)
Église de Saint-Eugène d'Argentenay, 19h30

Jimmy Doucet présente Pour le meilleur et pour le pire (La route des légendes). Vous aimeriez revivre les années 80 le temps d’un mariage? Vous êtes cordialement invité à célébrer l’union de Richard et Guylaine à l’église de Saint-Eugène d’Argentenay cet été. Un voyage dans le temps humoristique que vous n’oublierez jamais! (Informations .)

Mardi et mercredi (9 et 10 août 2016)
Bâtiment 1912 (Pulperie de Chicoutimi), 20h30
(Sixième semaine sur huit)

Le Théâtre 100 Masques présente son trio de farces médiévales (La Farce du Pâté et de la Tarte, La Farce du cuvier, La Farce du pet)... une incursion dans une dramaturgie datant d'il y a six siècles et prouvant que la bêtise humaine ne change pas! Mise en scène: Dario Larouche. Avec: Mélanie Potvin, Éric Chalifour, Gervais Arcand et Sophie Larouche. (Informations .)

Mardi à jeudi et samedi (9 au 11 et 13 août 2016)
Site de la Nouvelle-France (St-Félix-d'Otis), 11h

Le Site de la Nouvelle France présente Les Filles de la forêt - un conte équin (les textes sont de Martin Giguère), de la compagnie Luna Caballera. Mise en scène: Éric Chalifour. Avec: Patrice Leblanc, Valérie Villeneuve, Marie-Claude Bouillon, Christina Albers, Pamela Paradis. (Informations .)

Mardi, jeudi et vendredi (9, 11 et 12 août 2016)
Centre touristique de Vauvert, 20h

Le duo Jacob Lévesque et Mélanie St-Germain présente leur création, Donne-moi ta bouche. (Informations .)

Mardi au samedi (10 au 13 août 2016)
Complexe touristique de la Dam-en-terre (Alma), 20h30

Le Dream Team présente Hier est un autre jour de Sylvain Meyniac et Jean-François Cros. Cette pièce raconte l'histoire de Pierre Maillard, avocat rigide et bourré de tocs qui prépare le procès de sa vie! Il est persuadé d’avoir la promotion qu’il mérite et ne se méfie pas une seconde de son patron et collègue. À quelques heures du procès, un étrange personnage vient cogner à sa porte et va bouleverser sa vie bien rangée, en lui faisant vivre une journée sans fin, dingue et absurde où les mêmes événements se répètent jusqu’au délire ! Des pieds qui se prennent dans le tapis, des cigares qui disparaissent, des crayons qui se planquent et un cochon qui se fait la malle, Pierre deviendrait-il complètement fou? Mise en scène: Édith Patenaude. Avec: Samuel Corbeil, Israël Gamache, Linda Laplante, Joanie Lehoux, Nicolas Létourneau et Edith Patenaude. (Informations .)

Mercredi, jeudi et samedi (10, 11 et 13 aout 2016)
Musée Louis Hémon, 14h


Dans le cadre du centenaire de la publication de Maria Chapdeleine, le Musée Louis Hémon présente Maria Chapdeleine: Mission intemporelle, un concept original de Mathieu Savard et Christian Laprise. Suivez les aventures loufoques de deux espions qui tentent d’accomplir une mission bien spéciale qui se déroule dans le passé. (Information .)


Jeudi et vendredi (11 et 12 août 2016)
Au Météor (Dolbeau-Mistassini), 20h45

Jimmy Doucet présente Retour à Cayo Banano (La route des légendes). Venez vivre de toutes nouvelles aventures à l’hôtel de Cayo Banano. Venez rire en compagnie de nos voyageurs colorés, vous divertir en vivant avec eux des excursions plutôt dangereuses et surtout passer une semaine de rêve à boire, manger et vous faire bronzer… (Informations .)

Jeudi et vendredi (11 et 12 août 2016)
Maison coupée en deux (St-Fulgence), 19h30

La Maison coupée en deux présente Contes et légendes du Saguenay-Lac-Saint-Jean de Jimmy Doucet. Cette année, assistez à un tout nouveau spectacle! Notre région a elle aussi ses contes et légendes et nous vous proposons de venir les découvrir à travers un spectacle humoristique différent de tout ce que vous avez vu jusqu’à présent. Pour découvrir le Saguenay-Lac-Saint-Jean d’une façon très originale, nous vous invitons à voyager à travers nos histoires étranges et imaginaires. Mise en scène: Jimmy Doucet. Avec (notamment... parce que je ne trouve pas la distribution complète): Alexis Gagnon, Pierre Turcotte, Christian Ouellet et Marilyne Renaud. (Informations .)

Vendredi et samedi (12 et 13 août 2016)
Moulin des pionniers (La Doré), 13h30

Jimmy Doucet présente Les aventuriers du passé (La route des légendes). Aidez nos voyageurs du temps à retourner à leur époque tout en les protégeant des dangers des années 2000. Venez vivre une aventure humoristique à travers le temps en compagnie de personnages marquants qui ont contribué au développement de la municipalité de La Doré. (Informations .)

samedi 6 août 2016

«Pas de théâtre dans ma ville!»


Je me plais, sur ce blogue, à illustrer les difficultés rencontrées par le théâtre (qu'elles soient d'ordre financières, logistiques ou - surtout! - morales) dans ses multiples tentatives d'implantation sur le territoire québécois. Une histoire bien compliquée... surtout quand les puissants dirigeants religieux s'élèvent contre cet art.

Dans un temps pas si lointain (la fin du XIXième siècle), un petit journal catholique, L'Écho du cabinet de lecture paroissial de Montréal (publié entre 1859 et 1874... et dont il a été question ), s'est évertué, par la plume de ses divers auteurs, à ramener les brebis égarées dans le droit chemin... 

La prémisse de l'extrait est suivant (paru dans le numéro du 21 juin 1860) est le fait que beaucoup de gens, à l'époque, appellent à la création d'un grand théâtre dans la métropole: 

Mais pourtant, direz-vous encore, il y a des théâtres, des comédies dans toutes les grandes villes du monde! Oui, il y en a; mais sachons-le bien, il y en a pour le malheur de la jeunesse qui s’y pervertit; il y en a pour le malheur des âmes innocentes qui s’y souillent, pour le malheur des faibles qui s’y laissent corrompre, pour le malheur de ces millions de libertins qui s’y enfoncent de plus en plu s dans l’infamie et l’ordure. Oui, il y a des théâtres, comme il y a des courtisanes pour le malheur des familles; comme il y a partout des voleurs et des fornicateurs. Il y a des théâtres dans les grandes villes; mais aussi qu’y voyez-vous dans ces villes? une impiété déplorable, une dépravation presque universelle: tels sont les fruits empoisonnés de cet arbre de mort.

Il y a des théâtres; mais il y a aussi des temples qui retentissent d’anathèmes contre eux; il y a des âmes justes et craignant Dieu qui gémissent en secret sur leur existence; il y a des orateurs chrétiens qui fulminent de justes anathèmes de la part de l’Eglise contre ces théâtres. [...] Ne soyons donc plus surpris d'entendre dans toutes les parties du monde catholique le même cri d'anathème et d'exécration contre les spectacles. 

Un petit morceau de littérature bien intense avec une virulente rhétorique qui n'hésite pas à utiliser des images comme je les aime!