jeudi 21 mai 2020

Une définition du metteur en scène


Alors que la plus que grande majorité des activités théâtrales est au point mort, il ne reste (mais c'est en soi tout un programme!) que la lecture... et la conception de multiples projets qui demanderont trois vies lors de la reprise! 

Mais je reviens à la lecture. 

Parfois, en grappillant de livres en livres dans ma bibliothèque, je retombe sur des passages que j'avais noté, que j'avais marqué parce qu'ils me parlent. Comme ce survol (tiré du petit bouquin qui illustre ce billet) de ce qu'est faire de la mise en scène:

Mon travail de metteur en scène est identifiable. Je poursuis une écriture de spectacle en spectacle depuis trente ans. Je me suis constitué un vocabulaire, que j'approfondis ou diversifie. Je reprends parfois un chapitre abandonné quelques années plus tôt pour le traduire d'une autre manière. J'enrichis le tableau de nuances différentes et , quelques fois, tenté par de nouvelles expériences, je déborde littéralement du cadre pour «peindre dans l'air», mais toujours à partir d'une palette de couleur fondamentale. 

[...] C'est uniquement sur la longue durée qu'un socle commun à chaque spectacle peut se constituer. C'est en travaillant sur le long terme avec les mêmes acteurs que des principes ont été fixés, que des techniques ont été élaborées et qu'un langage est né, dans et par la constitution de cette communauté de travail.

[...] Le metteur en scène s'apparente [au peintre, à l'écrivain, au chorégraphe] comme il emprunte aussi au géographe et au guide de montagne: il a cartographié un territoire inconnu dont il conduit l'exploration en traçant le chemin, au besoin, par son propre corps. Ce n'est pas une voix cachée dans le noir, mais un débroussailleur, un démineur. Au coeur d'un territoire parfois hostile, il prépare le feu, ou plutôt, il est aussi ce feu qui se consume tout en éclairant les autres. Il incarne cette incandescence, ce foyer toujours brûlant auprès duquel les acteurs viennent se réchauffer et se nourrir. Susciter le désir d'incandescence implique d'être soi-même incandescent. Lors de ce voyage où il entraîne les acteurs, le metteur en scène apprend à voir à la fois de loin et de près et, parfois, il lui faut devenir aveugle pour mieux entendre. Il ne tend pas seulement l'oreille pour atteindre la justesse du texte, mais pour percevoir tout ce qui se passe autour: des comédiens qui parlent depuis les loges ou les coulisses, tout bruit anodin susceptible d'être bénéfique ou néfaste pour le travail. Pour se faire entendre de sa troupe, il incombe aussi au metteur en scène de trouver les gestes et la langue. Cet apprentissage de la parole et des gestes destinés à l'autre est probablement la plus difficile des tâches.

J'aime bien cette définition de Lacascade: le long terme, la constitution d'un vocabulaire propre qui s'approfondit, l'idée de la communauté de travail...

Il faudrait, un jour, que je relise mon mémoire de maîtrise (qui était un précis de mise en scène) et que je refasse, comme un temps d'arrêt sur l'image, l'exercice de définir ma propre vision, mon mode de fonctionnement, mes objectifs...