mercredi 19 janvier 2011

Un édito tout théâtral dans le VOIR de demain...

Voici le texte-édito publié aujourd'hui (ici sur le site web et demain dans le journal papier) dans le VOIR Saguenay-Alma par Joël Martel, Dans la vie comme au théâtre... un texte à lequel il y a peu à rajouter... ou trop!

Vous êtes assis bien confortablement sur votre chaise à regarder une pièce de théâtre. Les comédiens se démènent comme des diables sur la scène. Soudainement, dans un bref moment d'égarement, vous vous surprenez à vous imaginer sur les planches. Du coup, vous constatez que votre vie serait si différente si vous aviez choisi cette voie. Vous n'occuperiez pas votre boulot qui vous apparaît de plus en plus routinier. Vous seriez comme ces bons vivants qui jouent devant vos yeux. Vous auriez du temps. Vous seriez libre.

D'ailleurs, c'est là une des illusions les plus frappantes auxquelles nous nous laissons prendre en tant que public. Trop souvent, on croit à tort que le travail d'un artiste se limite aux instants où il se trouve sur scène. Naturellement, en adoptant cette ligne de pensée plutôt erronée, nul besoin d'être un as des mathématiques pour voir là l'horaire idéal. À raison de quatre spectacles de deux heures par semaine, c'est une vraie mine d'or de temps libre.

Toutefois, la réalité est tout autre. D'abord, bien que vous l'ayez vu sur des centaines d'affiches disséminées un peu partout dans la ville, le comédien qui est devant vous ne mène pas le train de vie de Brad Pitt. Certes, c'est probablement l'un des comédiens les plus hallucinants que vous ayez eu la chance de voir performer, mais le théâtre, ce n'est pas comme les garages. Même le pire des mécaniciens peut travailler à longueur d'année car il y aura toujours des gens qui seront prêts à obtenir un service de moindre qualité pour épargner quelques dollars. Mais ironiquement, dans un monde comme le théâtre en région, même le meilleur des comédiens peut ne pas se trouver de travail pendant toute une année. C'est que les facteurs pouvant jouer en sa défaveur ne manquent pas du tout.

Avec les moyens financiers qui se font de plus en plus rares pour le domaine du théâtre, le nombre de productions locales souffre énormément. Pourtant - et au plus grand bonheur des dirigeants de ce monde, qui excellent en matière de compressions -, les artistes du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne baissent jamais la tête et contre-attaquent habilement en faisant toujours plus avec moins. Seulement, il arrive souvent que des comédiens, des auteurs ou même des metteurs en scène sacrifient une grande partie de leur cachet afin de pouvoir donner vie à leur production.

Imaginez que vous deviez remettre la moitié de votre salaire à votre employeur afin de pouvoir continuer à travailler. Je suppose que vous seriez nombreux à quitter rapidement le navire dans de telles conditions.

Ce que bien des gens ignorent, c'est que la majorité des artisans de l'univers théâtral ne vivent pas de leur art. En d'autres mots, ils ont des jobs. Ils travaillent dans des épiceries, des restaurants, des boîtes de sondage ou des écoles. Pendant 30 ou 40 heures par semaine, ils font ce boulot qu'ils n'aiment pas vraiment et, à la fin de la semaine, tout comme vous, ils sont crevés. Et le comble dans tout ça, c'est que lorsqu'ils travaillent sur une production théâtrale, ils mettent parfois en péril cet emploi purement alimentaire afin d'avoir quelques soirs de libres dans le but de répéter et de jouer.

Le mythe du comédien qui se la coule douce au rythme de quelques représentations par semaine se doit d'être déboulonné. Il est temps que le public sache ce qu'il en est vraiment. Ainsi, la prochaine fois que vous verrez des politiciens se forger un capital de sympathie en médiatisant une aide financière versée au milieu, vous saurez que cet argent est bien loin d'être une forme de BS de luxe. Ne perdez jamais de vue que la plupart du temps, c'est le minimum syndical qui est versé.

C'est quand même drôle car, bien que le théâtre professionnel soit loin d'être profitable du point de vue financier pour ses artisans, il s'agit là d'un domaine qui nous enrichit tous en tant que collectivité. Nous avons besoin de ces histoires qui nous font réfléchir, rire, et qui parfois nous déstabilisent tout simplement.

Alors la prochaine fois que vous serez prisonnier d'une discussion "radio-ixienne" à propos des "zartisses" qui sont gras durs, ne partez pas en courant, les mains sur les oreilles. Au contraire, profitez-en pour rappeler que lorsqu'un homme de théâtre est au volant d'une Cadillac, un cigare en or dans la bouche et un chapeau du bonhomme de Monopoly sur la tête, c'est qu'il est sur scène.

Dans la vraie vie, il marche.

Je suis fatigué...



D'horaires et d'autres....

J'ai un fantasme théâtral...

Celui de me libérer des calendriers, des horaires, des contingences qui chamboulent les répétitions prévues pour me consacrer à un travail avec une troupe permanente... où chaque jour, quoiqu'il arrive, les gens se rencontrent dans un local exclusivement réservé. Au menu: ateliers de perfectionnement, répétitions d'une nouvelle production, révision de certaines scènes d'une pièce en cours, discussions ou échanges sur des sujets théoriques...

Bien entendu, ce mode de fonctionnement signifierait le fait de ne plus payer les comédiens au contrat ou au cachet mais plutôt de les rendre salariés.

Un véritable travail sans qu'un acteur se souvienne de rendez-vous oubliés... sans qu'un conflit d'horaire oblige à un compromis... sans que la gestion de l'agenda devienne un casse-tête qui nécessite alors de ne se concentrer que sur l'essentiel (essentiel dans le sens de plus pressant et non pas d'âme...) et ne résulte des conditions de répétitions déficientes. Un véritable travail qui garde pourtant les interprètes frais et dispos parce qu'ils ne conjuguent pas cette recherche artistique avec un emploi alimentaire. Un véritable travail qui devient un véritable engagement.

Pas nécessairement pour partager la vie courante... la commune n'était pas mon fort... mais bien la définition d'une vision, d'un but, d'un objectif. Un creuset de recherche.

Il fait bon, parfois, de rêver.


Du (faux) sentiment à la vérité...



Petit extrait du Comédien désincarné de Louis Jouvet... où il est question d'un truc qui me plaît bien au théâtre (et qui, en fait, compose, d'une certaine façon, ma vision du théâtre): le refus du sentimentalisme, de cette couche d'illusion du jeu dans laquelle le comédien se drape parfois...

L'erreur que vous commettez tous, c'est que vous croyez qu'on a besoin de votre sentiment pour voir le personnage. [...] Tu n'as pas le droit, tu n'as pas besoin de mettre de sentiment. [...] Le texte ne doit pas être pris comme un réceptacle pour les sentiments du comédien, mais comme le réceptacle d'un sentiment qui doit venir tout seul, si le texte est dit comme il doit l'être. La première des choses, au théâtre, c'est le texte et non pas ce qu'on en fait. Quand on répète bien un texte, on finit par éprouver le sentiment, par trouver la clé de la scène. Seulement, nous voulons toujours aller trop vite. [...] L'acteur commence toujours trop tôt par le sentiment. Tout n'est d'abord que physique. Un texte est d'abord un indice, un graphique respiratoire, où sont liées la diction, l'articulation.

J'aime bien ce côté rationnel et arithmétique: le personnage est d'abord une partition écrite de rythme, de respiration, de diction. Et c'est dans ces trois éléments seulement (et un peu avec le talent des comédiens, tout de même) que résident la tragédie, le drame, la comédie... bref, la tension dramatique.