Huile sur toile 260 cm x 325 cm
Les coupures fédérales - et les récriminations des artistes et artisans sur la place publique - sont la source d'une vague d'opinion assez généralisée venant de la population: les artistes sont des enfants gâtés qui se permettent des voyages sur le bras des contribuables, qui gaspillent l'argent public pour des oeuvres qui ne sont ni compréhensibles, ni accessibles, ni jolies, qui n'ont qu'à faire comme tout le monde et travailler. Du moins, c'est ce qu'on peut lire ad nauseam dans sur les blogues journalistiques (voir celui-ci du Quotidien), dans les lettres ouvertes et les billets d'opinions (voir celui de Richard Martineau).
C'est assez désolant... et c'est nier aussi un fait indéniable: les montants accordés à chaque artiste et organisme ne sont pas dû au hasard - et encore moins sont-ils une manne tombée du ciel! Ils sont étudiés, validés par un jury de pairs. C'est un processus long (qui, de la demande de subvention à la réponse, peut s'étaler sur plusieurs mois) et complexe (pour la dite demande de subvention même) qui s'appuie sur une démarche artistique soutenue, un projet cohérent et original, des objectifs précis, un montage financier sans faille, un nom et, oui, un barème de statistiques parfois contraignantes (parlez-en aux Têtes Heureuses pour qui se dernier point fut un écueil imparable au cours de leur dernière évaluation!).
Les artistes et organismes deviennent, en quelques sortes, une micro-entreprise qui, bien que subventionnée (parfois!) par les gouvernements, n'en demeure pas moins une structure encadrée (et transparente) par un projet déjà fixé à l'avance, qui fournit de l'emploi à des concepteurs, des techniciens, des comédiens, des diffuseurs, etc. L'argent reçu n'est pas un cadeau, mais bien un outil de création... et participe à l'économie de marché. Outil qui souvent, malheureusement, entrave pourtant le travail:
La société a changé. Elle a profondément modifié son système de fonctionnement en s'appuyant sur la seule économie de marché comme référent. Avoir le pouvoir artistique impose désormais des exigences de bonne gouvernance, donc de gestion financière, ainsi qu'une justification de l'utilisation des fonds alloués. Ce qui est tout à fait normal, mais l'économie de marché attend d'autres résultats que ceux non-quantifiables, de l'éducation des populations, de l'avancée de la pensée, du plaisir de côtoyer une oeuvre d'art. Elle préfère s'atteler à soutenir les loisirs rémunérateurs, calculer la quantité de personnes touchées, et elle s'appuie sur des critères commerciaux de marketing et d'images dont les gens de culture sont bien loin.
(François Campana, Pouvoir de création ou pouvoir de production)
Le pouvoir de création que revendique les artistes et les organismes subventionnés n'est pas carte blanche... C'est une liberté qui se gagne et qui se mérite...