samedi 18 février 2023

La mise en scène... d'après Robert Wilson

 

«Je pense avec les yeux», dit le metteur en scène. En d'autre termes, il donne à voir ce qu'il voit d'abord en lui. Et ce qu'il voit imprime en retour une profonde unité visuelle à la scène, une vive tension aux forces qui la composent, palpitantes comme dans un champ d'énergie. Symétrie, équilibre plastique, ou bien rupture harmonique, dissonance et hétérogénéité: il joue des rapports entre les corps et les objets, entre les couleurs, les formes et les lumières, entre la surface et la profondeur, le fond et la figure, les lignes verticales et horizontales, la tentation du monumentalisme et le souci du détail qui intrigue. Expression d'une syntaxe visuelle fortement structurée, l'image crée l'espace.

C'est là, je trouve, une belle description de ce qu'est la mise en scène... de ce que sont ses enjeux esthétiques. Cette description se rapporte au travail du grand metteur en scène formaliste américain Robert Wilson (tirée de Robert Wilson - Le temps pour voir, l'espace pour écouter de Frédéric Maurin, paru en 2010 chez Actes-Sud).

vendredi 17 février 2023

Un problème de toujours...

Ah, le spectateur!

Élément essentiel au théâtre... mais parfois - pas souvent, mais quand ça arrive, on s'en souvient! - ô combien frustrant! Et la chose n'est pas nouvelle, si on en croit cet article publié dans le journal La Patrie, ce lundi 30 septembre 1912!


jeudi 16 février 2023

À la défense du théâtre

 


Il est si rare de trouver des déclarations pro-théâtre dans les vieux journaux que je ne pouvais pas passer à côté de celle-ci, tirée de La Gazette de Québec du jeudi, 20 janvier 1791...

Dommage que ce bref petit récit ne donne pas plus de détails sur la pièce qui fut présentée et qui a pu irriter ledit correspondant... 

mardi 14 février 2023

Enfin le Petit cercle de craie!



Il m'en a fallu, du temps, avant de voir Le Petit cercle de craie de la Tortue Noire qui vient de franchir le cap de la centième représentation! Ce spectacle a été créé en 2015 et a depuis sillonné les routes du Québec et de la France.

Un beau spectacle, adaptation intimiste du Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht (écrit en 1945), qui en met plein la vue! Un théâtre d'objet de haut calibre qui sait émerveiller, émouvoir, faire rire, intriguer, s'identifier en quelques manipulations en apparence toutes simples! Les images se succèdent à un rythme soutenu qui cède volontairement le pas à l'ingéniosité! Et le récit, loin de s'alourdir, s'anime avec un plaisir contagieux! 

Qu'ils sortent d'un dessous de caisse, d'un coffre d'amas hétéroclite, d'une poche ou même de nulle part, les objets prennent vie grâce au talent des deux interprètes co-créateurs - Sara Moisan et Christian Ouellet - de ce petit bijou scénique. 

Une démonstration plus que convaincante de ce que peut faire le théâtre!

jeudi 9 février 2023

Au coeur du clan...


Petit passage au Petit Théâtre de l'UQAC, en ce jeudi soir, pour voir la première du spectacle La Faute à Ève, projet de fin de baccalauréat (interdisciplinaire en art) de Marilou Guay Deschênes.

Sur la scène, une longue robe en tissu brut conçue par Hélène Soucy et un banc composent l'essentiel d'une esthétique minimaliste.

Sculptural dans la lumière d'Alexandre Nadeau, le vêtement s'anime peu à peu pendant qu'une voix automatisée déploie objectivement un arbre généalogique. Un arbre tout féminin. Un clan. Un clan de femmes. Un clan qui sera le personnage principal d'un récit personnel. D'un récit confidence. D'un récit quasi expiatoire pour la comédienne, elle-même partie prenante de cette histoire. 

Pendant quarante-cinq minutes, il sera question de sa famille. Sa matière. 

Car oui, ce spectacle - proche du docu-fiction - a un pied dans le monde de l'art et un pied dans l'omniprésente réalité, rappelée par des extraits sonores de cette lignée qui s'insèrent dans les interstices du jeu pour se dire, s'affirmer, se questionner sur la vie.

Un véritable théâtre de l'intimité s'ébauche, redonnant l'atmosphère d'une famille tissée serrée, d'un passé houleux, d'un drame en cours. C'est courageux. Authentique.

Porté par une voix solide et une interprétation pleine de nuances, ce théâtre surpasse un pathos qui aurait pu s'installer par un engagement sensible et une force scénique qui ramène finalement le tout vers un vibrant hommage à ce petit monde de femmes. 

C'est beau, touchant, triste et, en quelque sorte, lumineux. Une belle proposition théâtrale à voir!

jeudi 2 février 2023

La fin d'une époque


Il y a 11 ans (à l'automne 2012), pour célébrer les 30 ans des Têtes Heureuses, des textes avaient été demandés à certains collaborateurs, dont moi:

Automne d’un dimanche après-midi de novembre. Froid mais ensoleillé. Peut-être en 2000… à moins que ça ne soit en 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 ou 2008… et hier soir se tenait – traditionnellement sous la première neige, il va sans dire! - la première officielle des Têtes Heureuses.

On y joue Wilde… à moins, encore là, que ce ne soit Molière, Shakespeare, Tchekhov, Claudel, Giguère, Gauthier, Norén ou Büchner. Les univers sont nombreux et le mien s’y confond à chaque fois… dans un espace qui déborde de la scène et des questions esthétiques… qui les précède, en quelque sorte.

Au pavillon des arts, dans l’odeur des bouquets de fleurs qui ornent le guichet, une certaine fatigue flotte: la réception bien arrosée qui a suivi la représentation s’est terminée tard. Pendant quelques minutes, elle est quelque peu égratignée par les grincements des chaises et des tables qui doivent reprendre leur place.

Une douce léthargie règne en cette première matinée.

Dans l’atelier, les coupes et les restes de toutes sortes s’empilent sur le comptoir attendant quelques minutes de liberté (qui viendront bientôt) pour se voir remplacer par un ordre relatif, à travers les outils et les accessoires de répétition qui jonchent encore la place.

Les comédiens arrivent et se dirigent vers les loges, armés, pour la plupart, d’un café pour repousser le manque de sommeil et animer les discussions qui reprennent dès que celui-ci croise celui-là. Dernier jour avant une première pause… la première depuis fort longtemps alors qu’ont été enchaînées les ultimes répétitions, l’installation des lumières, les générales. Pendant qu’ils se préparent, Rodrigue passe les saluer et commenter ce qu’il a vu, la veille.

Dans le hall, notre scène, nous nous installons, Hélène et moi, pour accueillir les spectateurs qui seront relativement peu nombreux en ce premier dimanche. Encore une fois – comme à toutes les fois – ils recueilleront, avec étonnement et interrogation le petit jeton de métal (une décoration d’armoire) que nous leur tendons pour compter les places. Les tâches sont bien définies par le temps et l’habitude. Presque une chorégraphie. Une main droite qui fait confiance à la gauche… et vice-versa.

Le public arrive, s’égrenant. Quelques chuchotements s’élèvent jusqu’à ce que s’ouvrent les portes de la salle.

Puis c’est l’attente. Un moment indescriptible. Précieux.

Tant d’heures passées, assis à une petite table ronde, à préserver un silence théâtral, à compter la caisse, à faire le premier dépôt, à sourire devant un comédien qui passe en courant pour son entrée, à relire les quelques journaux qui se trouvent là par hasard, à se perdre le regard dehors en vivant, de souvenir, le déroulement du spectacle, à tendre l’oreille pour savourer les réactions.

De l’autre côté de la fenêtre, dans l’autre pavillon, un étudiant travaille sur son projet de session. Ses déplacements, ses gestes hypnotisent... À quelques reprises, il ira fumer.

De fois en fois s'accentue ma connaissance intime de ce lieu. Je connais par cœur la configuration de l’espace. L’escalier rouge. Le son des portes que l’on entrouvre discrètement pour vérifier l’approche du moment où il faudra s’activer pour offrir un bar à l’entracte. Le son des souliers sur le béton du plancher. Le bruit de la caisse de bière glissée sous le mobilier. La revue pliée en deux qui retient la porte extérieure le temps d’une cigarette. Les discussions sur tout et sur rien.

Pour moi, ce fut aussi ça, les Têtes Heureuses. Une attente attentive. Reposante. Une odeur. Une lumière. De celles qui, immanquablement, procurent une nostalgie à chaque année lors de la première neige qui vient, plus souvent qu’autrement, au début du mois de novembre.

Onze ans plus tard, le rideau tombe définitivement sur cette compagnie majeure du Saguenay laissant, derrière elle, de nombreux souvenirs et émotions artistiques. 

Pour les étudiants du BIA que nous fûmes...

Pour les artistes que nous deviendrions...

Pour les spectateurs que nous serions...

Les Têtes Heureuses auront été plus qu'une école pour beaucoup d'entre nous. Elles auront été une façon de concevoir le théâtre, le texte, la mise en scène. Une philosophie, en quelques sortes... Une exigence. Elles auront été une signature visuelle sans compromis. 

Elles auront été un creuset exceptionnel de collaborateurs expérimentés, de rencontres stimulantes, de projets fous. Une petite société avec de chaleureuses retrouvailles où les heures passaient à discuter, à inventer, à faire.

Elles auront été, enfin, une tribune imposante - par leurs colloques notamment - pour la réflexion, le questionnement, l'intellectualisation de la pratique, le développement d'une pensée artistique transversale. Une rigueur théâtrale pétrie d'intelligence et de connaissances.

Les Têtes Heureuses auront été une époque. Une grande époque de notre histoire théâtrale. Et si elles entrent dans le domaine du souvenir et des archives, elles perdureront encore dans nombre de praticiens actuels qui font toujours aujourd'hui notre milieu...