vendredi 5 juin 2020

Quand Meyerhold est arrêté...


Vsevolod Meyerhold est un grand metteur en scène russe des 40 premières années du XXième siècle. Un audacieux artiste sans compromis. Un créateur original à la puissante théâtralité. Il fut l'objet de ma maîtrise et le point de départ d'un doctorat qui n'aura pas abouti. 

De tous les praticiens/théoriciens de la mise en scène, c'est, je trouve, le plus inspirant: sortir du cadre; briser les conventions pour en créer de nouvelles; utiliser le texte comme un matériel rythmique (jusqu'à le remodeler au besoin); considérer l'interprète comme un créateur virtuose; maîtriser l'espace et les objets en tant qu'éléments dynamiques. Un travail éminemment théâtral. Performatif. 

Encore aujourd'hui, si j'avais à définir ma pratique, je la qualifierais sans hésiter d'obédience meyerholdienne.

Sa carrière s'est brusquement heurtée au récif stalinien de l'U.R.S.S. de la fin des années 30. Accusé de formalisme (il devra faire une autocritique sévère devant tous les gens de théâtre), de rejet du réalisme soviétique, d'ennemi du peuple, d'espion à la solde des puissances occidentales, il sera arrêté, torturé, jugé et fusillé au début de 1940 (sa mort ne sera confirmée qu'en 1968). Sa mémoire sera aussi condamnée et son oeuvre et ses écrits seront détruits en partie (mais heureusement, Eisenstein en cachera une bonne partie tout au long de sa vie). Il sera juridiquement pardonné en 1955 et complètement réhabilité quelques années plus tard. 

Voilà pour la synthèse biographique. 

Je ne m'étais jamais demandé si, de son vivant, son nom était déjà apparu dans les journaux québécois... s'il avait eu un certain rayonnement. Parce que oui, il faut dire que le théâtre russe de cette époque est plus que fascinant avec les Stanislawski, Vakthangov, Taïrov et tant d'autres! Les yeux (surtout européens) sont tournés vers ce creuset d'expérimentations de toutes sortes. 

Alors, on en parlait au Québec? Il y a bien quelques références au cours des années '30. Mais surtout, il y a ce petit article, en première page du journal Le Droit, le 24 juin 1939 (et plusieurs autres journaux le mentionneront):


Peut-être que la très grande majorité des lecteurs ignorait de qui il était question... mais il est quand même émouvant de voir que son arrestation arbitraire a dépassé les frontières soviétiques jusqu'ici...