mardi 9 août 2016

Du dépouillement... jusqu'à l'essentiel


Plus les années passent et le plus j'ai l'impression de chercher à dépouiller mon travail de metteur en scène pour centrer celui-ci sur le jeu du comédien. Il faut dire, par ailleurs, que je n'ai jamais vraiment été un grand partisan de la technique, de la technologie ou encore des grands espaces scénographiques. 

Pour moi, l'esthétique de la scène passe majoritairement par le corps, sa plasticité, son rythme, sa chorégraphie. Une quête de précision. Une recherche d'efficacité sémiologique confiée prioritairement à l'acteur. 

C'est peut-être l'une des raisons qui me font apprécier les écrits (surtout ceux esthétiques) de Jean Vilar (initiateur du Festival d'Avignon)... comme ces passages extraits de son petit essai De la tradition théâtrale publié quand même en 1955:

Ici, il s'agit de simplifier, de dépouiller. [...] Pour qu'une réalisation possède son plein pouvoir de suggestion, il n'est pas nécessaire que telle scène dite de mouvements soit en mouvement (avec entrechats, boxe, bagarres, poursuites plus ou moins réalistes ou plus ou moins symbolisées). Il suffit d'un ou deux gestes et du texte. Mais il faut que le texte et le gestes soient justes.

Un peu plus loin, il ajoute (un passage que j'ai déjà publié ici en 2009, mais que je reprends parce que je le trouve toujours aussi parlant!): 

Réduire le spectacle à sa plus simple et difficile expression, qui est le jeu scénique ou plus exactement le jeu des acteurs. Et donc, éviter de faire du plateau un carrefour où se rencontrent tous les arts majeurs et mineurs (peinture, architecture, électromanie, musicomanie, machinerie, etc...).

Remettre le décorateur à son rang qui est de résoudre le problème des découvertes, des frises et de réaliser la construction des éléments scéniques (meubles ou accessoires) strictement indispensables au jeu des acteurs.

Laisser au music-hall et au cirque l'utilisation immodérée des projecteurs, des casseroles et du mercure.

Donner à la partie musicale le seul rôle d'ouverture ou de liaisons entre deux tableaux. Ne l'utiliser qu'aux seuls endroits où le texte indique formellement l'intervention d'une musique lointaine ou proche, d'une chanson, d'un divertissement musical.

En résumé, éliminer tous les moyens d'expression qui sont extérieurs aux lois pures et spartiates de la scène et réduire le spectacle à l'expression du corps et de l'âme de l'acteur. 

Bon. C'est un peu radical, il est vrai... mais il n'en demeure pas moins que cette vision du théâtre repose sur sa composante essentielle: le travail de l'interprète.