The United Artists Theatre, Détroit (Ryan Southen Photography)
L'image est un peu macabre, il est vrai. Mais j'en cherchais une d'une scène tombée en désuétude, qui n'a pas traversé le temps. D'une scène opulente qui s'est atrophiée. Tout ça pour aborder une autre tradition théâtrale, elle aussi s'étant effritée au fil des époques: les emplois!
Cette époque où les comédiens pouvaient être mis dans des cases. Où les rôles étaient imposés en fonction de la fonction de chacun. Cette époque où prédominaient les egos en tous genres (sont-ils seulement disparus?). Il fallait donc savoir ménager les susceptibilités!
Voici donc l'aberrante hiérarchie des rôles... édictées par Jean Sarment en page 43 de sa biographie de Charles Dullin (fort intéressante, par ailleurs!) parue en 1950 chez Calmann-Lévy.
Ah l'atmosphère, si particulière, si perdue aujourd'hui, de ces théâtres de répertoire et de ''troupe'' [...] qui offraient alors quelque chose de particulier qui était entre ''l'héroïque" et le "militaire".
Une corporation de bohèmes, où les plus anciens étaient devenus, sinon grands seigneurs et maîtres, du moins des espèces de prévôts d'armes. Je pense aux grands piaffants premiers rôles en tous genres, je pense aux grands premiers comiques ou aux premières rondeurs.
Car il y avait du premier à tous les échelons de ces troupes dramatiques. Le troisième rôle lui-même étant premier couteau ou premier poignard.
Toute l'ambition et l'émulation d'une carrière poussaient le comédien de ce temps à passer d'un premier à un autre, emploi par emploi.
On avait débuté premier amoureux des seconds, ou second jeune premier, puis premier jeune premier des jeunes, puis jeune premier tout court.
Là, une orientation s'imposait.
On obliquait, si les moyens physiques, un manque de charme, par exemple, un port de voix particulier le voulaient, vers les traîtres, premiers couteaux. Ou alors c'était la marche triomphale vers le grand jeune premier rôle, le premier rôle des seconds, le grand premier rôle en tous genres, roi de la scène, quasiment maître du plateau après Dieu, mais généralement avant son directeur.
Et cette gradation ne représentait alors qu'une colonne de la hiérarchie professionnelle. Celle des jeunes gens élégants, bien bâtis, des fringants, des ''brigands des coeurs''.
À côté, non moins importante, s'échelonnait ''la composition''. De l'humble grande utilité, en passant par les grimes, les manteaux, les financiers, les rondeurs, toujours premier à son échelon (ou second des premiers quand le régiment était assez riche pour s'offrir un lieutenant près du capitaine, un lieutenant-colonel près du père du régiment), en passant par les rôles de demi ou de grand caractère, on montant jusqu'au grand premier comique! En tous genres lui aussi.
Les premières rondeurs... Je n'avais jamais entendu parlé. J'ai bien tenté d'en trouver une bonne définition mais j'ai abandonné après quelques recherches infructueuses. J'imagine, que ce sont les gros personnages de la troupe: la nounou, le cuisinier, le bourgeois parvenu Sancho Pancha, etc.?
En terminant, voici un lien Wikipédia pour compléter le tableau.