Alfred de Musset, en son temps (et je prends ici quelques raccourcis, parce que là n'est pas l'objet de mon billet), écrivait des pièces réputées injouables - qui se heurtèrent, comme Les nuits vénitiennes, à l'échec - ou ambigües, complexes, comme son Lorenzaccio (écrit en 1834 mais joué qu'en 1896...) .
Toujours est-il que l'orgueilleux dramaturge, désenchanté par la chose théâtrale, mets une croix sur la scène et, au lieu de faire jouer ses pièces, les publie dans un recueil sous le titre Un spectacle dans un fauteuil.
Voici comment, dans un sonnet savoureux, il règle son cas au théâtre:
Au lecteur du «Spectacle dans un fauteuil»
Figure-toi, lecteur, que ton mauvais génie
T'a fait prendre ce soir un billet d'Opéra.
Te voilà devenu parterre ou galerie,
Et tu ne sais pas trop ce qu'on te chantera.
Il se peut qu'on t'amuse, il se peut qu'on t'ennuie;
Il se peut que l'on pleure, à moins que l'on ne rie;
Et le terme moyen, c'est que l'on bâillera.
Qu'importe? c'est la mode, et le temps passera.
Mon livre, ami lecteur, t'offre une chance égale.
Il te coûte à peu près ce que coûte une stalle:
Ouvre-le sans colère, et lis-le d'un bon œil.
Qu'il te déplaise ou non, ferme-le sans rancune;
Un spectacle ennuyeux est chose assez commune.
Et tu verras le mien sans quitter ton fauteuil.