mardi 31 mars 2009

Profession de foi Guitry-esque


Ce n'est pas une raison parce que vous ne comprenez pas...
pour que cela ne signifie rien.
Mais ce n'est pas une raison non plus...
pour que cela signifie quelque chose.
Sacha Guitry

En cliquant sur ce lien, vous pourrez entendre Sacha Guitry dans une charge à fond de train contre la critique qui n'eût de cesse de le décrier, de le mépriser, de le fouetter... ses Adieux à la critique. De grand Guitry... L'esprit de Paris à son paroxysme, brillant sous le couvert de l'attaque!

J'avoue, j'ai un parti pris important pour cet homme... monument du Boulevard. J'y reviens sans cesse depuis quelques années. J'aime, de un, son histoire rocambolesque entre St-Pétersbourg et Paris, entre le Tsar et Sarah Bernardht, entre le théâtre et le cinéma, entre ses quatre épouses et son père illustre, entre la vie et la fiction. De deux, j'adore son cynisme, son ironie, sa légèreté acidulée: Bien des personnes aiment à dire qu'elles ont une prédilection marquée pour les choses «profondes». Or je me demande si ces personnes ne commettent pas parfois bien des erreurs en prenant souvent pour profondes des choses qui sont creuses. Enfin, sa vie est la meilleure illustration de ce qu'est vivre de théâtre... La vocation: Tout ce que je fais tourne en littérature. C'est une roue qui m'entraîne... qui m'entraîne... Si un jour j'avais de puces, je ferais une pièce sur les puces.

Guitry fils, c'est le plaisir, le bonheur de vivre, l'amour du théâtre. C'est une célébration de la langue française, de ses mots, de son humour.

lundi 30 mars 2009

Derrière la sémantique...


Travailler avec des acteurs oblige le metteur en scène à se commettre et à tenter de nommer leur champ d'action, avec un vocabulaire qui frise parfois l'ésotérisme: présence, force en jeu, énergie... tous des termes si vagues qu'ils englobent finalement une infinité de notions pourtant plus concrètes.

Voici, en quelques mots (brillants!), ce qu'en dit Jean Asselin, fondateur et directeur artistique de la troupe Omnibus, spécialisée dans le mime et le théâtre gestuel (FÉRAL Josette, Mise en scène et jeu de l'acteur, Tome 2, Éd. Jeu/Lansman, Montréal, 2001):

Le mot «énergie» est on ne peut plus galvaudé. C'est l'exemple typique du mot qui ne veut rien dire à force de vouloir tout dire. [...]

Je préconise donc l'infinité des rapports de vitesse, de force et de temps plutôt que cette notion d'énergie qui n'est qu'un palliatif à tout ce qu'on est incapable de nommer; parce que cela nous arrange de ne pas nommer, parce que c'est moins fatiguant de ne pas savoir. Cela donne plus de champ à la fumisterie et au charlatanisme.

Quant à la «présence», je dirais qu'elle se définit par son contraire: la répression de l'ego, l'absence du soi. Le personnage est un sursoi, un soi collectif aussi. C'est quand ce jeu est graphique et abstrait que tous s'y retrouvent. Je dirais que l'interprète est présent lorsque je peux m'y projeter comme sur un écran. Il est potentiellement mon corps et virtuellement mon esprit. C'est dire à quel point je n'aime pas l'individualité de l'acteur, tous ces tics et ces lieux communs du comportement qui n'ont rien à voir avec le personnage et qui m'en distraient!

Personnellement, je préfère parler d'actions, de réactions.

dimanche 29 mars 2009

La Noël de Gruntilda II - La Nativité

Petite séquence de la seconde version de ce spectacle de Noël qui, dans une interprétation caustique, revoit les grands thèmes de la Nativité - monologues, cantiques, légendes, traditions. En vedette, Gruntilda, personnage grotesque apparu sur la scène de Théâtre 100 Masques à l'été 2007... Cette année, aurons-nous droit à la troisième version déjà intitulée La Noël de Gruntilda III - Quand viennent les boules et les grelots? À suivre...

Au revoir

(photographie trouvée sur Cyberpresse.ca)

Ce matin, dans le Progrès-Dimanche, Madame Christiane Laforge, journaliste culturelle, chef de la section des Arts, signe son dernier billet après 38 ans de couverture du milieu artistique. Une grande perte. Est venu le temps, pour elle, de prendre son temps. Bonne retraite!

Notez que l'on peut retrouver Madame Laforge et lire encore ses opinions sur son blogue personnel : Orage sur Océan...

La semaine théâtrale

Il semble que ce début d'avril sera marqué par l'action...

Mardi - 31 mars 2009 / Auditorium d'Alma, 20h
De mercredi à vendredi - 1er au 3 avril 200
Auditorium-Dufour (Chicoutimi), 20h



Le spectacle québécois ayant réussi à entrer dans le Livre Guiness des Records avec le spectacle ayant joué le plus grand nombre de représentations avec la même distribution, Broue, s'arrête un soir à Alma (complet!) et trois à Chicoutimi (complet!). Pour ceux qui ne connaissent pas ce spectacle, un petit tour sur leur site...

De mardi au ? - du 31 mars au ? (jusqu'au 18 avril)
Théâtre Prospero (Montréal), à 20h


Le Théâtre La Rubrique (en co-production avec le Théâtre du Double-signe de Sherbrooke) bifurque, pour les semaines à venir, vers Montréal - au Théâtre Prospero - pour présenter sa production de l'hiver 2007, Je ne pensais pas que ce serait sucré, un texte de Catherine Cyr mis en scène par Patrick Quintal.

De mercredi à dimanche - du 1er au 5 avril 2009
Salle Pierrette-Gaudreault (Jonquière), à 20h
(14h le dimanche)



La Société d'art lyrique du Royaume présente La vie parisienne, une opérette de Jacques Offenbach, une mise en scène d'Éric Chalifour (quasi metteur en scène attitré de cet organisme): Un baron russe, sa femme, ainsi qu'un riche Brésilien débarquent à Paris, avides d'en goûter tous les plaisirs. Raoul de Gardefeu, patron du théâtre le Moulin Rose, Aidé par son compère Bobinet, s'improvise guide pour séduire la baronne et profiter lui aussi de la Vie parisienne qui bat son plein au début du siècle dernier... Les comédiens du théâtre s'improvisent gens de la haute société pour distraire le baron, pendant que Gardefeu tente de séduire la baronne (pour plus de détails, visitez le site de la SALR).

De jeudi à samedi - du 2 au 4 avril 2009
Salle Lionel-Villeneuve (Roberval), à 20h

Le Théâtre Mic Mac présente , de Serge Boucher, dans une mise en scène de Christian Ouellet (qui y a déjà monté Pour faire une histoire courte en 2003): , c'est l’histoire de François qui se retrouve dans le restaurant de son enfance. Le bâtiment sera démoli pour faire place à une pharmacie. Tous les habitués sont réunis pour festoyer. Malgré cet événement joyeux, François, lui, est habité d'un trouble indescriptible, parce qu'évidemment, même si on détruit un lieu et qu'on y reconstruit des murs, on ne peut effacer les souvenirs qu'on a vécus là. Ce trouble de François tient du malaise qui balaie les souvenirs, la nostalgie, les aspirations, les doutes… Une multitude de personnages attachants défilent et évoluent dans cette pièce qui se déroule entre les années 1971, 1998 et 2005. (L'Étoile du Lac)

Voilà!

samedi 28 mars 2009

Retour sur un «cri du choeur»...


Pourquoi souligner la Journée Mondiale du Théâtre? Et surtout, comment? Telles seraient les questions à se poser après l'événement d'hier soir... une initiative - à saluer avec respect! - du Théâtre C.R.I. qui a le mérite de prendre le taureau par les cornes... Mais parfois, ce n'est pas assez...

Avant que de ne poursuivre, j'avise que je suis parfaitement conscient qu'il suffisait de s'impliquer, de donner un coup de main, d'être là... Malgré tout, je crois qu'il faut tout de même être capable de faire les constats qui s'imposent en vue d'autres événements du genre.

Les objectifs de cette manifestation (manifestation qui a, par ailleurs, bénéficié d'une couverture radiophonique sans précédent!) étaient de se rapprocher du public, démontrer le dynamisme de notre milieu et, enfin, faire entendre le texte officiel écrit pour cette occasion (et qui, je le rappelle, devait être lu dans tous les théâtres avant le début des représentations...).

À l'aune de ceux-ci (les objectifs), comment s'est déroulé cette (mini!) soirée?

Le public? Outre les quelques travailleurs culturels (et amis de ceux-ci) présents, peu de badauds. Étrangement, malgré la couverture médiatique mentionnée plus haut et en plein centre du centre d'achat, le désert... Est-ce l'heure? Est-ce le lieu? Est-ce l'atmosphère un peu bizarre de cette bande de personnes qui crient des vivats au théâtre et qui semblent tous se connaître qui répulse les vrais visés? Toujours est-il que malgré les excentricités des Hélène (Dallaire et Bergeron), malgré l'immense banderole qui fit le tour du mail et de François Tremblay qui distribuait des tracts derrière elles, peu (très peu, devrais-je dire) de nouveaux venus... Faut dire que la durée du truc (5 minutes?) ne laissait pas de chances aux retardataires!

Le milieu théâtral d'ici? Quelques logos (inconnus pour la majorité silencieuse) sur une banderole, quelques artisans... et c'est tout... ne permettent malheureusement pas de mesurer le dynamisme de notre milieu. Pas de mise en contexte. Pas de liens entre les gens. Pas de présentation. Du coup, pour les non-initiés, qui sommes-nous? Et pourquoi auraient-ils porté attention à nous et nos déclamations? Journée Mondiale du Théâtre? Encore faut-il que l'on sache qu'il y ait du théâtre ici... n'en déplaise à ceux qui pensent que le théâtre se porte bien.

Qui plus est, le lieu choisi (le même que l'an dernier, avec le même problème acoustique!) ne permet pas (et là c'est presque un euphémisme!) de faire entendre le texte lu... Malgré tout le talent des participants, malgré l'effort, le message ne passe pas. Concrètement. On n'entend rien. Le texte n'est pas audible... Et ici serait ma plus grande réserve: pourquoi avoir privilégié de lire le texte québécois de la Journée Mondiale au lieu du texte officiel traduit pour tous les pays? Pourquoi cet écart? Pourquoi rejeter Boal (voir son texte dans le billet antérieur) pour Lise Vaillancourt (voir son texte magnifique par ailleurs...)? Pourquoi célébrer la mondialisation du théâtre en omettant le principal outil qui devrait unir tous les artisans partout dans le monde? À tout le moins, les deux auraient pu être lus...

En conclusion, qu'a apporté l'événement d'hier? À qui? Les Journées Mondiales du Théâtre demandent une meilleure participation de tous, moi inclus (de un!), un meilleur standing, plus de décorum (pour l'image et la force de celle-ci!), bref, plus de, non pas de préparation, mais plutôt de caractère officiel...

vendredi 27 mars 2009

Journée mondiale du théâtre

En ce jour où, partout dans le monde, le théâtre est mis à l'honneur (voir ici l'historique de la Journée Mondiale du Théâtre, une journée pour tous les praticiens, tous les artisans de la scène!), prenons quelques temps, ici, sur nos scènes régionales, pour célébrer, nous aussi, l'art dramatique.

Qu'il prenne les allures têtesheureusiennes ou rubriquiennes, qu'il se construise entre 100 masques, un faux coffre ou des amis de chiffon, qu'il pousse un cri à Jonquière ou un micmac à Roberval notre théâtre mérite qu'on s'y attache!
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Voici le message international qui sera lu avant chacune des représentations, un peu partout sur la planète, message qui est signé, cette année, par Augusto Boal, éminent metteur en scène brésilien qui a défini le théâtre de l'opprimé:

Image de Boal et de son théâtre de l'opprimé trouvé sur le site Nealo.com

Toutes les sociétés humaines sont spectaculaires dans leur quotidien et produisent des spectacles pour des occasions particulières. Elles sont spectaculaires en tant que mode d’organisation sociale, et produisent des spectacles comme celui que vous êtes venus voir.

Même si nous n’en avons pas conscience, les relations humaines sont structurées de façon théâtrale : l’utilisation de l’espace, le langage du corps, le choix des mots et la modulation de la voix, la confrontation des idées et des passions, tout ce que nous faisons sur les planches, nous le faisons dans notre vie : nous sommes le Théâtre !

Non seulement les noces et les funérailles sont des spectacles, mais le sont aussi les rituels quotidiens si familiers qu’ils n’affleurent pas à notre conscience. Non seulement les grandes pompes, mais aussi le café du matin et les bonjours échangés, les amours timides et les grands conflits passionnels, une séance du sénat ou une réunion diplomatique- tout est théâtre.

L’une des principales fonctions de notre art est de porter à notre conscience les spectacles de la vie quotidienne dont les acteurs sont également les spectateurs, dont la scène et le parterre se confondent. Nous sommes tous des artistes : en faisant du théâtre, nous apprenons à voir ce qui nous saute aux yeux, mais que nous sommes incapables de voir tant nous sommes seulement habitués à regarder. Ce qui nous est familier nous devient invisible : faire du théâtre, c’est éclairer la scène de notre vie quotidienne.

Au mois de septembre dernier, nous avons été surpris par une révélation théâtrale : nous qui pensions vivre dans un monde sûr, malgré les guerres, les génocides, les hécatombes et les tortures qui, certes, se déroulaient mais loin de nous dans des contrées lointaines et sauvages, nous qui vivions en sécurité avec notre argent placé dans une banque respectable ou dans les mains d’un honnête courtier en bourse, on nous a dit que cet argent n’existait pas, qu’il était virtuel, fiction de mauvais goût de quelques économistes qui eux n’étaient pas fictifs, ni sûrs, ni respectables. Tout cela n’était que du mauvais théâtre, une sombre intrigue dans laquelle quelques-uns gagnaient beaucoup et où beaucoup perdaient tout. Des politiciens des pays riches ont tenu des réunions secrètes d’où ils sont sortis avec des solutions magiques. Nous, victimes de leurs décisions, nous sommes restés spectateurs assis au dernier rang du balcon.

Il y a vingt ans, je montais Phèdre de Racine à Rio de Janeiro. Les décors étaient pauvres : des peaux de vache au sol, des bambous autour. Avant chaque représentation, je disais à mes acteurs : « la fiction que nous avons créée au jour le jour est finie. Quand vous aurez franchi ces bambous, aucun de vous n’aura le droit de mentir. Le Théâtre, c’est la Vérité Cachée ».

Quand nous regardons au-delà des apparences, nous voyons des oppresseurs et des opprimés, dans toutes les sociétés, les ethnies, les sexes, les classes et les castes ; nous voyons un monde injuste et cruel. Nous devons inventer un autre monde parce que nous savons qu’un autre monde est possible. Mais il nous appartient de le construire de nos mains en entrant en scène, sur les planches et dans notre vie.

Venez assister au spectacle qui va commencer; de retour chez vous, avec vos amis, jouez vos propres pièces et voyez ce que vous n’avez jamais pu voir : ce qui saute aux yeux. Le théâtre n’est pas seulement un événement, c’est un mode de vie !

Nous sommes tous des acteurs : être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer.

Augusto Boal
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Dans le même ordre d'idée, rendez-vous ce soir, à 19h, près de la fontaine à Place du Royaume pour entendre une dizaine de comédiens lire des extraits de pièces aux badauds... une initiative du Théâtre C.R.I..

jeudi 26 mars 2009

Une bonne pièce...

Une bonne pièce, comme un bon roman,
ça doit se raconter en trois minutes.
Une minute pour le sujet.
Une minute pour l'action et l'intrigue.
Une minute pour le dénouement.

Toy theater

Du théâtre dans une boîte!

Un cours de théâtre

Petit film documentaire tourné en 1943 au Conservatoire de Paris... Petite mise en contexte: à cette époque, Stanislawski n'est encore qu'un murmure, Brecht un lointain écho... et n'ont pas encore régné les Ionesco, Giraudoux et autres grands auteurs d'après-guerre... Il s'agit d'une classe (probablement de diction...) de Georges Le Roy, auteur, entres autres, d'un Traité pratique de la diction française.

mercredi 25 mars 2009

Le théâtre, droit de cité?


Dans l'imaginaire un peu surfait du monde occidental, le théâtre antique était résolument lié à la cité duquel il émergeait. Ces représentations qu'on dit avoir été données deux fois par an (en l'honneur de Dionysos) réunissaient tous les citoyens venus chercher au théâtre l'écho des questions politiques ou métaphysiques qu'ils se posaient (M.-C. Hubert, Le Théâtre).

Quelques années plus tard (un peu moins d'un millénaire plus tard), dans le tout aussi surfait Moyen Âge, le théâtre était encore et toujours affaire de cités entières qui mettaient à profit tous leurs corps de métiers pour présenter les grands mystères religieux qui se jouaient parfois sur plusieurs jours: Plus que le roman, la poésie, le théâtre est la chose du peuple. Il est oeuvre collective (Robert Pignarre, Histoire du théâtre) Son oeuvre était didactique et constituait (un peu comme lors de la révolution russe du début du XXième siècle), le principal médium de masse...

Puis le théâtre devint aux époques renaissante, classique et moderne, affaire de classe, affaire de philosophie, affaire de combats et d'affirmation, affaire enfin de tous les ismes qui se sont succédés (réalisme, naturalisme, surréalisme, etc.) à la recherche (et pour la dispersion) d'un public toujours plus absent, tout occupé qu'il était par les diverses et nouvelles sollicitations (cinéma, internet, etc.) qu'il subissait.

Encore quelques années plus tard et cet art aboutit ici, sur les rives du Saguenay (et du fleuve Saint-Laurent)... tributaire d'une tradition nord-américaine axée davantage sur le loisir et le divertissement. Pire! Axée sur la rentabilité et l'économie. D'où le malaise ressenti lorsque ces questions se bousculent entre deux créations: pourquoi le théâtre? pour qui?

Si dans cette ville (et cette province) c'est par la culture que ça se passe, nous sommes pourtant loin du théâtre service public tel que préconisé par Vilar dans les années 50 en France. Ici, le théâtre n'est pas service public... mais produit culturel... et produit économique quand avec une piasse, les artistes en font dix! Ici, on ne s'adresse pas tant à une masse populaire mais à une jauge de salle qu'il ferait bon remplir pour le plaisir des subventionnaires. Ici, le théâtre n'a d'autres ambitions qu'être. D'où le retour de ce malaise lorsque ces questions se bousculent entre deux créations: pourquoi le théâtre? pour qui? À laquelle s'ajoute celle-ci: et que doit y tirer la Ville (ou la province, ou le pays)?

mardi 24 mars 2009

Nouveau théâtre saguenéen

Émerge de la masse et de la nouveauté le Théâtre À Bout Portant, animé par Vicky Côté, qui roule sa bosse un peu partout dans le monde... Petite vidéo de présentation:

Le rôle de l'acteur

Marcel Moore, Portrait of Georges et Ludmilla Pitoëff, Paris
(Extrait du site Acting Out, Claude Cahun and Marcel Moore)

Décidément, ce recueil de textes sur le théâtre colligé par Odette Aslan (L'Art du théâtre, éditions Seghers, 1963, Paris) est une fort belle trouvaille qui devrait se trouver dans toute bonne bibliothèques... par la quantité de textes divers provenant de tout autant d'auteurs différents (auteurs, théoriciens, philosophes, comédiens, metteurs en scène, etc.), de toutes les époques de l'histoire dramatique, de tous les styles possibles et de tous les courants... Un tour d'horizon théâtral condensé qui ratisse très large en quelques chapitres:

- Définition du théâtre, esthétique, moralité
- Arts poétiques, témoignages d'auteurs
- Les interprètes
- Techniques, décor, mise en scène...

Autre exemple de ce qu'on y trouve d'intéressant (après avoir y avoir fait référence à de nombreuses reprises au cours des derniers billets!)... concernant cette fois Georges Pitoeff, metteur en scène né en Russie mais dont la carrière s'est développée en France, et sa conception du rôle de l'acteur. Une conception - sur papier! - qui me semble proche de la mienne...

Dénué de tout accessoire et abandonné à lui-même, l'acteur jouera quand même et il y aura interprétation scénique, imparfaite; supprimez l'acteur et gardez le reste et il n'y aura pas d'interprétation scénique du tout.

Transposer, dépasser la vie, c'est pour notre art la grande question.

Dans un décor épuré, l'acteur supportant le texte devient roi. Il rejette le décor à son rôle de décor: écran placé derrière l'acteur pour le faire valoir, et à travers lui, faire valoir le mot. Le monarque du théâtre est l'acteur, ce porteur des paroles de l'auteur, c'est lui seul qui replace les paroles écrites en ce lieu où elles sont nées, c'est-à-dire la personne, l'âme, l'inconscient, le corps, qui les font renaître. C'est une grande tâche qui n'a que faire des éléments inférieurs, parasites du théâtre.

(Notre théâtre)

Je retourne à ce volume...

lundi 23 mars 2009

Quelques livres...


Bon. Je donne ma liste (non-exhaustive...) de livres, d'essais, de biographies qui me servent continuellement dans ce monde théorique et théâtral... la plupart étant relativement facile à aborder...

OUVRAGES DE RÉFÉRENCES
Dictionnaire encyclopédique du théâtre, (Michel Corvin, éd. Larousse, 1998)
Dictionnaire du théâtre (Patrice Pavis, éd. Dunod, 1996)

OUVRAGES GÉNÉRAUX
Meyerhold ou l'invention de la mise en scène (Gérald Abensour, éd. Fayard, 1998)
Écrits sur le théâtre (Roland Barthes, éd. Points, 2002)
Le Théâtre (dirigé par Daniel Couty, éd. Bordas, 1996)
L'analyse de spectacles (Patrice Pavis, éd. Nathan, 1996)
Les termes clés de l'analyse du théâtre (Anne Ubersfeld, éd. Le Seuil, 1996)
Poétique du drame moderne et contemporain (dirigé par Jean-Pierre Sarrazac, 2002)
L'Art du théâtre (Odette Aslan, éd. Seghers, 1963)
L'Acteur au XXième siècle (Odette Aslans, éd. L'Entretemps, 1974-2005)
Mise en scène et jeu de l'Acteur (Josette Féral, éd. Jeu, 2001)
Le personnage théâtral contemporain (Jean-Pierre Ryngaert, éd. Théâtrales, 2006)
Vsevolod Meyerhold (dirigé par Béatrice Picon-Vallin, éd. Actes Sud, 2005)

OUVRAGES SPÉCIFIQUES
Le théatre et son double (Antonin Artaud)
Écrits sur le théâtre (Bertolt Brecht)
Petit organon pour le théâtre (Bertolt Brecht)
Le diable c'est l'ennui (Peter Brook)
L'espace vide (Peter Brook)
Points de suspension (Peter Brook)
Les pélerins de la matière (Romeo Castelluci)
Registres (I à IV) (Jacques Copeau)
De l'inutilité du théâtre au théâtre (Alfred Jarry)
Le théâtre de la mort (Tadeusz Kantor)
Sur le théâtre de marionnette (Heinrich Von Kleist)
Le théâtre post-dramatique (Hans-Thies Lehmann)
L'éternel éphémère (Daniel Mesguish)
Écrits sur le théâtre (vol. 1 à 3) (Vsevolod Meyerhold)
Le théâtre théâtral (Vsevolod Meyerhold)
Théâtre au Bauhaus (Éric Michaud)
Espaces perdus (Claude Régy)
Théâtre et abstraction (Oskar Schlemmer)
La formation de l'acteur (Constantin Stanislawski)
Le théâtre libéré (Alxandre Taïrov)
Écrits sur le théâtre (vol. I à IV) (Antoine Vitez)
Le théâtre des idées (Antoine Vitez)

Mes Mémoires minuscules... 10


2005... fin d'une étape!

Les premiers mois de 2005 me servent essentiellement à terminer l'écriture de mon mémoire qui définit le concept de néo-maniérisme meyerholdien à travers l'articulation et la mise en scène d'Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée d'Alfred de Musset. Cette définition se fait principalement selon trois axes: 1- le texte comme structure, base matérielle de l'univers théâtral, 2- le corps en tant que médium artistique, comment le corps devient sculpture sur la scène, 3- la scène comme support physique. Après plusieurs versions, ratures, corrections, remaniements, lectures critiques de mon directeur de recherche, Rodrigue Villeneuve, j'en arrive à une version dite finale que l'on peut lire grâce à ce lien.

Au même moment, je termine la mise en scène définitive de mon projet (nommé plus haut) avec Marc-André Perrier et Isabelle Boivin devant être présenté les 16, 17 et 18 mars 2005... le jury devant se réunir le soir de la deuxième représentation, après qu'une première ait permis d'ajuster quelques trucs. Malheureusement, cette première est annulée le 15, suite à la décision de l'Asso-Art de tenir une journée de débrayage le lendemain pour protester contre les coupures libérales dans le programme de prêts et bourses (débrayage qui préludera la grande grève quelques semaines plus tard).

Le jury se tient donc sous le double signe du stress (première représentation et soutenance). Rodrigue Villeneuve et Denis Bellemare de l'UQAC ainsi que Madame Irène Roy de l'Université Laval forment celui-ci et posent questions sur questions pour vérifier la cohérence de mon propos, de mes écrits, de ma création... avec le résultat que je suis reçu avec excellence, sans modification... et suis, par le fait même, le premier diplômé de la Maîtrise en art de l'UQAC avec un profil théâtre.

Première expérience avec le C.R.I.

C'est aussi en 2005 que je suis embauché (je ne me souviens plus dans le cadre de quel programme, ni de la période de l'année à laquelle je fais ici référence) par le Théâtre C.R.I. pour mettre en place sa soirée bénéfice. Ainsi naît le Casino-Théâtre: divers jeux de hasard qui permettent, aux gagnants, de tirer au sort pour savoir quel comédien parmi la douzaine présente, leur livrera, dans l'intimité, quelque part dans le C.N.E., un monologue théâtral issue d'une production antérieure... Projet intéressant qu'il serait bien de peaufiner dans un cadre encore plus précis...

Second sortie du TCM

Quelques mots sur le Théâtre 100 Masques... depuis quelques semaines, nous travaillons, avec Dany Lefrançois, à l'établissement d'un nouveau projet: un spectacle cirquesque érotico-théâtral... un spectacle d'ambiance à lequel je dois participer. Mais vite le projet prend, malgré mes réserves, la tangente cabaret, avec une suite de numéros disparates qui deviendra la première version des Soirées du Grand Écart, pour lequel, finalement, je ferai les costumes des garçons et qui voyagera de l'Hôtel Chicoutimi, au défunt Bistrot des Anges, au Côté-Cour.

Pendant ce temps, un projet ambitieux, utopique et franchement casse-gueule est sur la table et devient source de tensions perpétuelles et au sein de l'équipe et au sein d'une bonne frange du milieu: créer un Festival de théâtre émergent avec une subvention aux Projets novateurs (obtenue en concertation avec les autres compagnies)... qui servira finalement à produire un événement dans le cadre du premier Entre-Deux Maniganses... C'est donc sur se fond quelque peu embrouillé que je quitte pour la seconde fois cette compagnie (compagnie qui bifurquera de sa mission première au cours des mois qui suivent en se fusionnant avec l'Atelier de Théâtre L'Eau Vive qui lui permettra désormais d'offrir des ateliers de formation).

Tentative collective


L'été pointant rapidement, avec quelques amis, il nous prend envie de se constituer un collectif pour créer un spectacle ambulant, un théâtre de rue autour des textes de Courteline, auteur de pièces en un acte incisives. Le Collectif de la Courtepointe (Alexandre Larouche, Isabelle Boivin et Marc-André Perrier avec qui je voulais faire autre chose que mon projet de maîtrise, Carolyne Tremblay et moi) présente donc Courteline ou les pétunias de la bêtise. Répertoire que je connais et que j'explore de plus en plus...Une première représentation a lieu au Café Cambio deChicoutimi... avec un certain succès. La seconde se tient dans un restaurant d'Hébertville (pour ne pas dire une cave de restaurant!) devant huit personnes - ma famille! - qui assistent à un condensé de tout ce qui peut arriver sur scène: explosion d'une ampoule, noyade d'un comédien, fous rires, décors qui tombent, etc. Deux autres représentations sont prévues dans le cadre de l'événement Médium:Marge (?) où nous jouons dehors, dans un vent d'ouragan qui, outre le fait d'assourdir nos voix, menace à tout instant d'emporter notre toile de fond et à l'intérieur où personne n'écoute. Enfin, la dernière a lieu au Studio-Théâtre pour l'ouverture de la session de l'automne... et met aussi un terme au Collectif.. qui s'avère être dans les faits, un duo qui doit prendre toutes les responsabilités...

Petit automne peinard...

L'automne apparaît dès lors relativement tranquille.

Encore une fois (et depuis quelques années et de plus en plus), je travaille sur la production des Têtes Heureuses, Le Misanthrope, comme homme à tout faire.

Enfin, c'est à cette période que débute l'écriture d'une nouvelle pièce qui deviendra, en quelques sortes, un manifeste théâtral: Madame...
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Cette année-là, en 2005, La Rubrique présente Toilette de soirée, le C.R.I. présente L'Opération de Martin Giguère, le Théâtre Mic Mac fête les 150 ans de Roberval en présentant L'Île de la demoiselle d'Anne Hébert, Les Têtes Heureuses présentent Le Misanthrope de Molière, le Théâtre 100 Masques présente Les soirées du Grand Écart II et le 24h-Théâtre et le Faux Coffre naît avec La Farce de Maître Pathelin.

dimanche 22 mars 2009

Ennio Marchetto au Royal Variety (1998)

Petite vidéo d'Ennio Marchetto et de son Living Cartoon... dont l'intérêt réside dans les costumes en carton de ce personnificateur...



Bon dimanche!

La semaine théâtrale

Bon, bon, bon... Quoi de neuf sur nos scènes saguenéennes en cette première semaine du printemps...

Vendredi - 27 mars 2009
Place du Royaume (près de la fontaine), 19h


En ce jour de la Journée Mondiale du Théâtre, le Théâtre C.R.I. vous convie (de même que toute la population) à venir célébrer le théâtre en assistant, à une lecture de textes par une équipe de 10 comédiens: Guylaine Rivard, Patrice Leblanc, Josée Gagnon, Josée Laporte, Marie-Noelle Lapointe, Mélanie Potvin, Serge Potvin, Patrick Simard, Sara Moisan et Maryline Renaud.

Et c'est tout... ?!

samedi 21 mars 2009

«Lettre à une jeune comédienne» par Gaston Baty


Voici une lettre parue (trouvée dans L'Art du théâtre d'Odette Aslan) en 1953 par Gaston Baty - grand metteur en scène français membre du fameux Cartel qui a réformé l'art dramatique en France - qui, tout en s'adressant à une jeune femme intéressée par la scène, n'en demeure pas moins une grande illustration de ce qu'implique une vie théâtrale...

Petite mademoiselle,

Votre mère était mon amie d'enfance, vous vous souvenez de m'avoir vu quand vous étiez toute petite, et là-dessus vous me témoignez d'emblée une confiance qui m'embarrasse autant qu'elle me touche. Je ne la mériterai qu'en vous répondant comme je l'aurais fait à votre mère, sans hésiter à risquer de vous faire quelque peine.

Vous avez joué Esther au Sacré-Coeur, Les Romanesques chez les Ligier-Deschamps et La Bergère au pays des loups pour les oeuvres de Mme de Sibeins; vous avez pris des leçons de diction avec le brave père Montorgueil, «ex-artiste des théâtres de Paris»; la société de notre petite ville vous reconnaît du talent et le nom «d'artiste» ne lui cause plus l'horreur que je lui ai connue quand je l'ai quittée il y a quelque quarante ans; vous avez lu tous les classiques de la bibliothèque et la Petite Illustration; vous avez rêvé les plus belles représentations du monde. Il est normal que vous soyez intoxiquée et ne pensiez plus qu'au théâtre.

Il n'est pas carrière plus incertaine. Je ne crois guère au génie méconnu. Un écrivain, un menuisier, un peintre sont seuls devant leur tâche: leur oeuvre ne dépend que d'eux-mêmes. Mais le comédien dépend des autres, il faut qu'il soit distribué pour avoir la possibilité de s'affirmer; il faut ensuite que le metteur en scène ne se trompe pas sur lui, ne l'aiguille pas à tort vers un emploi auquel, s'il y était simplement convenable, il resterait condamné. Il y a peut-être des acteurs inconnus qui avaient autant de talent que les plus illustres et n'ont jamais pu le montrer. Le hasard joue chez nous, plus souvent qu'ailleurs, un rôle assez affreux.

Vous n'avez pas peur, bien sûr, et vous êtes prêtes à courir votre chance? Voyons un peu ce qu'est cette «chance» là.

Vous êtes de trop bonne souche pour être attirée par quelque désir, même inconscient, d'exhibitionnisme. Vous êtes trop cultivée - et les poèmes que vous m'envoyez prouvent trop de dons littéraires - pour que vous n'ayez pas d'autres moyens de vous exprimer que de jouer la comédie. C'est donc un troisième mobile qui vous pousse, le plus authentique et celui qui fait les plus grands: vous vous sentez trop au large dans votre peau et vous avez besoin de vous ajouter des personnages imaginaires: trop-plein de sensibilité dans une personnalité déficiente.

Supposons que tout aille pour le mieux. Vous jouez très vite des rôles important et qui vous conviennent. Vous voilà en pleine euphorie. Mais à chaque création nouvelle, votre personnalité déjà bien mince s'amenuise chaque fois davantage. Vos créatures vivent de vous, et plus votre talent est vrai, plus complètement vous vous donnez à elles! Joyeusement d'abord. Puis pour avoir trop joué de scènes d'amour, vous serez incapable d'aimer dans la vie; si vous vous y appliquez, ce ne sera qu'un rôle encore, votre moins bon sans doute, et vous ne l'ignorerez pas. Quand vous aurez conscience que vos personnages vous auront absorbée vous serez prise de panique: les vedettes ont souvent mauvais caractère parce qu'elles croient affirmer ainsi une personnalité, qu'elles savent bien ne plus avoir. Leurs exigences saugrenues, leurs volontés toujours changeantes et toujours impératives, camouflent leur indécision; autoritaires et inconstantes, leur vanité n'est qu'un aveu qu'elles ne peuvent plus avoir d'orgueil. On les trouve odieuses ou ridicules; au vrai, elles sont pitoyables.

L'âge viendra vite. Vos rôles les plus jeunes ne serons pas longs à ne plus vouloir de vous. Le public, qui va perdant en qualité ce qu'il gagne en nombre - le plus élégant est le plus grossier, et le plus cérébral le moins sensible - a de cruelles exigences que lui a données le cinéma. Mlle Mars jouait Agnès, la soixantaine passée; une salle d'aujourd'hui emboîterait Mlle Mars. Un soir, on rira parce qu'une réplique dira que vous avez vingt ans. Un rôle mort. Une autre soir, une plaisanterie fusera parce qu'une réplique dira que vous êtes belle. Un autre rôle mort. Un autre, un autre, un autre. Et quand vous serez une grosse dame alourdie de graisse ou une maigre - tête de momie sur faisceau de tendons - quand vos rôles qui vous tenaient lieu de vous-même, vous auront tous abandonnée, vous ne serez pas seulement seule, vous ne serez plus personne.

Réalisez bien cela, petite Mademoiselle. Se vouer au théâtre - si l'on n'est pas seulement une employée, un rouage, mais une vocation - c'est accepter cette fin-là. Ce qu'on appelle une «bête de théâtre», c'est une victime marquée pour le sacrifice.

Cela dit comme je le devais, si, sachant bien ce que vous faites, vous décidez de le faire, comptez que je vous aiderai de mon mieux à monter à l'autel.

Disposez de votre vieil ami.
Gaston Baty

P.S. - Je me relis e tout n'est que trop vrai. Une vie au théâtre, surtout d'une femme, va vers cette fin-là. Mais en dehors du théâtre, est-il une vie?

Paroles, paroles...


Petite citation de Charles Gounod (trouvée dans le recueil d'Aslan, L'Art du théâtre dont j'ai déjà parlé), compositeur français (1818-1893) et auteur de nombreux opéras... et qui s'y connaît donc en expression vocale... base de l'opéra comme du théâtre!

L'articulation est la forme extérieure et sensible du mot; la prononciation en est la forme intérieure et intelligible. C'est l'oreille qui perçoit le mot articulé; c'est l'esprit qui perçoit le mot prononcé. Il est facile, par là, de comprendre tout ce que la négligence en matière de prononciation enlève d'expression et, par conséquent, d'intérêt à une phrase musicale. En un mot, l'articulation est le squelette de la parole, c'est la prononciation qui en est l'âme et la vie.
(Mémoires d'un artiste)

Petit hommage à ce compositeur avec cette version de 1950, par Mark Osipovich Reizen, de son Faust (Acte II) composé en 1859...

vendredi 20 mars 2009

Intention de recherche pour les études doctorales (présentée - et en attente! - à l'Université Laval)


NÉO-MANIÉRISME MEYERHOLDIEN : conjugaison de la théâtralité et de la performativité pour répondre aux questions soulevées par la mise en scène de l’écriture actuelle

Problématique de recherche

Le bouleversement qu’a connu le théâtre de la fin du XIXième siècle remodela le visage de la dramaturgie de l’époque par la mise en crise de tous les éléments constitutifs du drame absolu[1] – fables, actions, personnages – et posa nombre de questions aux praticiens de ce temps :

- Comment aborder le texte «nouveau» ?
- Comment celui-ci doit-il ou saura-t-il entraîner un renouvellement de la pratique ?
- Comment le faire entendre ?
- Comment lui donner un sens, une portée forte ?
- Comment le rattacher à la scène ?
- Comment former l’acteur pour atteindre de tels objectifs ?
- Comment concevoir le travail de tous les artisans d’un spectacle régi par cette nouvelle écriture ?
- Comment, finalement, combler le gouffre qui sépare le texte de sa réalisation scénique ?

Ces fluctuations dramatiques s’accélérèrent et se bousculèrent tout au long du XXième siècle (réalisme, naturalisme, symbolisme, absurde, etc.) jusqu’à aujourd’hui, où le texte, complètement décloisonné, semble subir et/ou tirer sa force d’un éclatement radical de chacune de ses composantes – alliant désintégration et recomposition des personnages[2], de la fable, de l’action[3] – ce qui place les metteurs en scène contemporains devant la même problématique que leurs prédécesseurs : comment transposer ces «décombres» littéraires dans une réalité scénique cohérente ou, à tout le moins, sémiologique?

Et reprend la ronde des questions…

L’une des réponses possibles réside, selon moi – et ici s’inscrit mon champ de recherche pour les études doctorales (tant pratique que théorique) – en une formalisation scénique systématique de l’argument écrit, en l’exacerbation signifiante et concrète de la théâtralité et de la performativité.

Théâtralité versus performativité

La théâtralité… Barthes la définit ainsi : «C’est le théâtre moins le texte, c’est une épaisseur de signes et de sensations qui s’édifie sur la scène à partir de l’argument écrit[4]

En d’autres termes, c’est le langage concret de la scène. C’est le discours visible qui s’élabore en mimétisme, en complémentarité, en parallèle ou en opposition avec le discours audible. Elle englobe un grand nombre de vecteurs différents[5] concentrés en un même lieu pour une stylisation de la vérité scénique.

Enfin, «on peut aussi parler de théâtralité à propos de la présence, dans la représentation, de signes qui disent clairement la présence du théâtre[6]».

D’autre part, dès que la scène fait place à la présence de l’acteur, la performativité – qu’on pourrait minimalement définir par la réalisation d’une idée par les sens – prend le pas. L’acte performatif s’inscrit contre la théâtralité qui crée des systèmes, du sens et renvoie à la mémoire. Là où la théâtralité est davantage liée au drame, à la structure narrative, à la fiction, à l’illusion scénique qui l’éloigne du réel, la performativité (et le théâtre performatif) insiste davantage sur l’aspect ludique du discours sous les multiples formes visuelles ou verbales. […] Elle impose le dialogue le dialogue des corps, des gestes et touche la densité de la matière.[7]

Il s’agit donc, par cette intention de recherche, de concilier les deux notions en une structure scénique simple, forte et efficace.

Position personnelle dans l’espace de la pratique actuelle

C’est dans une perspective de formalisation radicale - soutenant le passage du texte contemporain à sa mise en scène performative - que ma pratique s’élabore, prenant principalement appui sur les écrits et les conceptions artistiques de Vsevolod Emilievitch Meyerhold.

S’insurgeant contre ce qu’il considérait, à l’époque, comme un cul-de-sac artistique, soit le naturalisme, il s’est attaché à rehausser la performativité de l’acteur[8] et à jeter les bases d’un théâtre de la convention consciente pour redonner à la scène ce qu’elle avait délibérément mis de côté : sa théâtralité.

Il peut donc être question, dans ce cas, de maniérisme : une recherche formelle avec exacerbation de la réalité, de la couleur, de l’effet.

Et si les notions de ce praticien, valables dans les années du symbolisme et de ses suites (1920-1930), étaient toujours des réponses convenables aux problèmes dramatiques actuels ? Et si ce que je considère être l’une des réponses possibles à la pratique contemporaine puisait sa source dans ce passé bouillonnant ? Et s’il s’agissait de néo-maniérisme meyerholdien ?

Le néo-maniérisme meyerholdien

Le néo-maniérisme meyerholdien devrait être, en quelques sortes, un renouvellement et/ou un dépassement des théories d’avant-garde du metteur en scène russe.

Bien que tous les éléments scéniques traditionnels devraient s’y retrouver, ceux-ci seraient tout d’abord au service du plateau, de la forme, de la plasticité, de l’effet (c’est-à-dire de signe et non pas d’illusionnisme) créateur de sens… à partir essentiellement de l’argument textuel et d’un nouveau rapport performatif de l’acteur.

Il reviendrait globalement, à l’instar de sa source, à concevoir le texte contemporain comme tissu émotif générateur de théâtralité, le corps et l’acteur comme principaux émetteurs et exécuteurs de celle-ci (donc soutenus par la performativité) et la scène comme support physique servant à les mettre en valeur.

Mais où se situe alors le glissement, le dépassement, le renouvellement qu’on est en droit d’attendre de celui qui s’inscrit dans un courant vieux de cent ans ?

Contrairement à un déploiement de tous les artifices susceptibles de provoquer la théâtralité, le néo-maniérisme meyerholdien tend, selon moi, en cette ère de mutation technologique et d’interdisciplinarité des arts, vers une recherche de pureté, un fondamentalisme artistique. Être néo-maniériste, dans mon cas, c’est marquer et imprimer à la représentation la présence constante et créatrice de la théâtralité simple (articulée par le comédien-performateur) et efficace, amplificatrice de la littéralité. En d’autres mots, le recours aux spécificités du théâtre (comme par exemple, la maîtrise du jeu corporel, du jeu choral, de la diction, du corps dans l’espace, de sa plasticité) comme canevas pour le texte contemporain permet à ce dernier de se faire entendre sans autre distorsion provoquée par les «arts annexes» (musique, vidéo, peinture, danse, photographie, cinéma, infographie, etc.), de passer directement de la scène au spectateur.

Le néo-maniérisme meyerholdien c’est, en quelques sortes, une réduction à l’essentiel qui passe par une élaboration du vide.

Notez que néo-maniérisme peut se rapprocher (et se rapprochera sûrement !) d’un concept plus actuel[9], plus contemporain, celui de théâtre post-dramatique que Hans-Thuies Lehmann définit ainsi : «Le théâtre post-dramatique, au lieu de représenter une histoire avec des personnages qui apparaissent et disparaissent en fonction de la psychologie de la narration, combine des styles disparates, fragmentaires. Il s’inscrit dans une dynamique de la transgression des genres.[10]»

Même engouement pour la plastique de la scène et des corps. Même enthousiasme pour l’éclatement, la reconstruction, l’emprunt et l’unification de systèmes de conventions disparates. Même passion pour la recherche de solutions physiques qui donnent un souffle scénique au texte contemporain. Toutefois, si le théâtre post-dramatique se veut être une quête de l’absolu de l’être dans la foulée d’Antonin Artaud, une mise en scène des pulsions, une «combustion de la chair et des phantasmes», le néo-maniérisme meyerholdien se trouve encore résolument ancré dans le champ dramatique (et en cela peut-être plus proche du concept de théâtre performatif tel que définit par Féral), de la mise en scène des forces en action, de mécanismes internes du théâtre. Si l’un est porté vers l’intériorité, l’autre s’extériorise pour s’offrir au spectateur.

Avant-projet de recherche-création

Avec la constitution d’une troupe permanente rompue à la recherche et à l’exploration et par le biais de la production de trois spectacles à partir de textes contemporains[11] (et d’une thèse s’y adjoignant), j’approfondirai et jetterai les bases de ce néo-maniérisme meyerholdien – qui sous-tend possiblement une nouvelle dénomination, le maniérisme pouvant, à la longue, subir un glissement sémantique qui lui serait défavorable – et je démontrerai son articulation et les réponses qu’il apporte pour la mise en scène de l’écriture actuelle par l’exploration/exploitation des mécanismes de la théâtralité et de la performativité.

Chacune de ces productions illustrera, à leur manière, une façon de poser le néo-maniérisme meyerholdien pour la création des textes contemporains. Ainsi, les champs de spécialisation de ce doctorat pourraient se définir de la sorte : le texte contemporain, la mise en scène, la théorie.

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Notes:
[1] Tel que défini par Jean-Pierre Sarrazac in Poétique du drame moderne et contemporain, Études théâtrales no.22.
[2] Ryngaert, Jean-Pierre (et Julie Sermon), Le personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, Éditions théâtrales, Paris, 2006.
[3] Comme par exemple, dans les textes de F.-Xaver Kroetz, de Sarah Kane, de Howard Barker, de Jean-Luc Lagarce, de Jan Fabre, etc.
[4] Cité dans Les termes clé de l’analyse du théâtre, Mémo Seuil, Paris, 1996, p.83.
[5] Nous y retrouvons, entres autres, la mise en scène, les types de jeu, la scénographie, les éclairages, la musique, les accessoires, les costumes, etc.
[6] Ubersfeld, Anne, Les termes clé de l’analyse du théâtre, Mémo Seuil, Paris, 1996, p.83.
[7] Féral, Josette, Entre performance et théâtralité, le théâtre performatif in Théâtre/Public no.190, automne 2008.
[8] La biomécanique (entraînement pour l’acteur) en est l’exemple le plus frappant.
[9] Il peut également, outre sa source originelle, se nourrir de écrits de différents praticiens contemporains comme les Kantor, Castelluci, Barba, Régy, etc.
[10] Lehmann, Hans-Thuies, Le théâtre post-dramatique, L’Arche, Paris, 2001, p.5.
[11] Pour le moment, quelques auteurs sont retenus pour la complexité de leur écriture comme Edward Bond (Naître, 2006), Daniel Keane (Moitié-moitié, 2003), Gao Xingjian (Quatre quatuors pour un week-end, 1999).

mercredi 18 mars 2009

Seconde étape

Appris à travers les branches virtuelles (soit par MSN et/ou par FaceBook!): Alexandre Larouche et Jérémie Desbiens (les deux messieurs qui illustrent ce billet et qui ont fait leur audition ensemble) ont été retenus pour la seconde audition de l'École Nationale de Théâtre qui aura lieu ce samedi-ci, en après-midi... Bonne chance à eux!
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Par ailleurs, une pensée pour toutes celles qui ont tenté aussi le coup (et dont je suis sans nouvelle): Valérie, Émilie, Geneviève, Catherine...

Le Grand-Guignol... du sang et des cris!


Je vogue depuis quelques jours dans l'exploration d'un genre fort particulier, le Grand-Guignol (désolé, mais ce site - le plus intéressant! - est en anglais)... à la recherche d'un sujet, d'un style théâtral, d'une façon de faire pour la prochaine année...

Ce genre - bien inscrit dans ce début provocateur et plein de promesses du XXième siècle - est aussi connu sous le nom de théâtre de l'épouvante (certains parlent plutôt d'un théâtre érotique sous le couvert de la frayeur)... et dont le succès des pièces était mesuré à l'aune des évanouissements dans la salle! Il s'agit donc d'un théâtre des peurs de l'époque: la peur de l'autre, de la contagion, de la science, de la folie. En cela, il pourrait toujours résonner efficacement de nos jours. Sans compter qu'il s'agit là, à l'instar d'un certain théâtre contemporain, d'une mécanique qui, avec la déhiérarchisation du texte, met l'emphase sur le corps et l'acteur (la présence!) et sur la mise en scène et les effets (la théâtralité!).

Le Grand-Guignol est caractéristique à plusieurs égards: brièveté des pièces (donc juxtaposition de plusieurs textes entrecoupés de comédies - de Courteline! - pour préparer au drame), peu de dialogues au profit d'un véritable corps à corps (yeux révulsés, contorsions, démarches lentes, etc.), exiguïté des espaces...

Malheureusement, les pièces que je lis (pour le moment, du moins) n'ont pas la force dramatique qu'exigerait un passage à la scène fort et troublant. Je recherche toujours, dans ce répertoire de l'impasse Chaptal (Paris), des textes sur lesquels élaborer un projet complet!

Dommage...
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Quelques titres pour donner une idée du genre:

LE SYSTÈME DU DOCTEUR GOUDRON ET DU PROFESSEUR PLUME
LA DERNIÈRE TORTURE
LA MASCARADE INTERROMPUE
LE CHIRURGIEN DE SERVICE
UN CONCERT CHEZ LES FOUS
L'HORRIBLE EXPÉRIENCE
L'ALOUETTE SANGLANTE
LE LABORATOIRE DES HALLUCINATIONS
L'ATROCE VOLUPTÉ
L'AMANT DE LA MORTE
et LE JARDIN DES SUPPLICES

lundi 16 mars 2009

Programmation 2009-2010


Je commence à préparer la programmation 2009-2010 du Théâtre 100 Masques... Pour le coup, je me relance, avec délices!, dans mes livres à la recherche de la perle rare, du sujet, du texte qui me feront craquer... Qu'est-ce qu'il nous serait intéressant de porter à la scène? Comment? Pourquoi?

Je me replonge également dans mes notes, mes questionnements, mes réflexions pour me donner une ligne claire, une piste de travail... pour ne pas dire un cadre structurel!

Par le fait même, je tente surtout de raffermir notre direction artistique autour de projets solides et porteurs d'une certaine idéologie.

Donc, de quoi sera composé la prochaine saison? Je l'ignore encore... même si déjà, j'ai une bonne idée de là où se dirige la compagnie. Si tout se place comme je l'espère, nous aurons une année fort remplie!

dimanche 15 mars 2009

La semaine théâtrale

Lesquels théâtres et comédies se déploieront sur les scènes du Royaume cette semaine? Voici un petit tour d'horizon:

Mardi - 17 mars 2009
Salle François-Brassard (Cégep de Jonquière), 19h30



Le Théâtre du Faux Coffre présente son Barabbas dans la Passion, les origines du premier clown noir. Il en coûte toujours 16$ pour les adultes, 11$ pour les étudiants... et cette fois-ci, 8$ pour les étudiants dudit Cégep! Pour d'autres informations, consulter le site de cette compagnie au www.fauxcoffre.ca!

Mardi et mercredi, 17 et 18 mars 2009
Auditorium d'Alma, 20h

Bonne chance aux intéressés! Fred Pellerin est de passage dans la région, à Alma, avec son nouveau spectacle, L'arracheuse de temps... S'il reste des billets... (Il sera à Chicoutimi ce samedi et ce dimanche... mais c'est complet depuis belle lurette!)

Samedi - 21 mars 2009
Salle Pierrette-Gaudreault, 20h

Photographie: Dominique Chartrand

Le Théâtre La Rubrique présente Je voudrais me déposer la tête de Jonathan Harnois, une production du Théâtre Pàp. Voici un spectacle traitant du sujet délicat du suicide avec beaucoup de sensibilité. On y raconte la mort précipitée de Félix et tous les sentiments qui se bousculeront pendant des semaines dans la tête et le coeur de son bon ami, Ludovic.Une mise en scène de Claude Poissant.

Euh... Je pense que c'est tout... S'il y a autre chose, qu'on me le fasse savoir...

Je rappelle à tous, en terminant, que c'est ce vendredi, 20 mars 2009, la date limite pour le dépôt des demandes de subventions aux Projets spéciaux du CAS!

samedi 14 mars 2009

Le risque au théâtre...

Le risque cultive le décloisonnement ENTRE les arts.
La révolte engage dans le mouvement VERS.
Georges Banu

Le monde est au risque.
Le monde sera demain à qui risquera le plus,
prendra plus fermement son risque.
George Bernanos

Le problème, c'est que si l'on ne prend pas de risque,
on risque encore davantage.
Erica Jong

Pour beaucoup, le théâtre contemporain et les arts en général ne peuvent se faire sans «risque,» sans qu'il n'y ait une perte potentielle, identifiée et quantifiable (Wikipédia) pour l'artiste. La création doit se faire sans filet, dans le doute, le questionnement, la torture intérieure... La valeur de la production contemporaine doit se mesurer à l'aune de ce «risque». Peut-être...

Je n'ai rien contre cette notion risquée... en autant qu'elle soit une amorce au travail de recherche/exploration... et non pas une fin en soit!

Mais comment doit-on se poser cette question épineuse du «risque»?

Voici, tirées du no.85-86 d'Alternatives Théâtrales (été 2005), quelques axes de réflexion interrogeant sur les enjeux de l'épreuve du risque... dont les plus intéressantes, à mon avis, concerne les questions 3 à 6:

1. La notion de risque vous semble-t-elle présente ou non sur les scènes [théâtrales contemporaines]?

2. Est-ce que la notion de risque occupe un rôle particulier dans votre pratique actuelle?

3. Est-ce que, pour vous, la prise de risque s'inscrit d'emblée dans l'élaboration et la production du spectacle?

4. En prenant des risques, quelle liberté prend-on? Par rapport à soi et son image? Par rapport au public? Par rapport à l'institution?

5. Par la prise de risque, que voulez-vous briser? Que voulez-vous atteindre?

6. Le renouvellement de la forme passe-t-il forcément par la prise de risque?

7. Le risque est-il un acte de rupture? Peut-il se pérenniser?

8. Est-ce que la prise de risque répond à une pulsion?

9. La prise de risque s'opère-t-elle de manière différente dans un art collectif?


vendredi 13 mars 2009

Image de contemporanéité


Le théâtre contemporain doit-il nécessairement être post-dramatique? Bon... quelques mots sur ce concept de Lehmann qui n'obtient pas l'unanimité:

Le théâtre post-dramatique, au lieu de représenter une histoire avec des personnages qui apparaissent et disparaissent en fonction de la psychologie de la narration, combine des styles disparates, fragmentaires. Il s'inscrit dans une dynamique de la transgression des genres.
(LEHMAN Hans Thuies, Le Théâtre Post-dramatique, L'arche, Paris, 2001)

Ce théâtre post-post-moderne en est un de présence, d'énergie, d'interdisciplinarité. C'est le règne de la recherche, de la performance sur scène... C'est, pour beaucoup, LE théâtre du XXIième siècle. Fi donc des textes (dits dramatiques) des conventions, des règles dramatiques, de la représentation telle qu'elle est codifiée depuis des millénaires.

Alors, le théâtre contemporain doit-il nécessairement être post-dramatique? Personnellement, je crois que non. Il peut encore (et mon dogmatisme ambiant me ferait dire «doit encore!») s'ancrer dans la théâtralité dramatique sans pour autant devenir archéologique! Le théâtre conventionnel - tout aussi performatif soit-il! - a encore un rôle à jouer et peut-être est-il, au fond, le véritable gardien de cet art éphémère...

Pourquoi notre langue est-elle celle «de Molière»


Je suis entrain de lire un livre (puisque je suis désormais membre de la Bibliothèque municipale de Chicoutimi... après 12 ans!) fort intéressant: Molière et le roi, l'affaire Tartuffe (ed. du Seuil, Paris, 2007) écrit sous forme de dialogues entre François Rey, moliériste intrépide (et aussi metteur en scène?) et Jean Lacouture, écrivain et biographe internationalement reconnu... selon la quatrième de couverture...

Dans le prologue, les deux hommes font un tour d'horizon de l'auteur dont le nom imagera la langue française, et s'arrête sur les raisons possibles de ce surnom qui a quasi relégué aux oubliettes Jean-Baptiste Poquelin...

[...] F.R.: Certains comédiens non nobles (car il y en avait aussi beaucoup d'autehntique noblesse) ajoutaient à leur patronyme bourgeaois un nom aux allures de fief qui leur servait de nom de scène. On trouve ainsi, parmi les fondateurs de l'Illustre-Théâtre, Joseph Béjart sieur de la Broderie, Germain Clérin sieur de Villabé et Georges Pinel dit La Couture. [...] D'autes sont plus célèbres: Bellerose, Montfleury, Montdory, Floridor, du Parc... Ce pourrait être le cas de «Molière», qui est le nom de beaucoup de villages ou lieux-dits situés à proximité d'une «carrière à pierre dure d'où on tire les meules de moulin» (nda: dictionnaire de Furetière, article
molière). Bien des hypothèses ont été émises pour expliquer le choix de ce pseudonyme, dont celle que je crois être la bonne, mais à laquelle peu d'historiens se sont arrêtés, par une étrange indifférence à la signification possible d'un tel choix.

En 1644, l'année même où le jeune Poquelin signe pour la première fois, semble-t-il, «De Molière», deux des principaux libraires de Paris mettent en vente une nouvelle édition (la quatrième édition depuis 1623) d'un roman-fleuve dans le goût de
L'Astrée, publié chaque fois sous le même titre: La Polyxène de Molière. On y trouve un prince Alceste, d'une jalousie morbide, un Philinte, un fleuve Oronte, et cette Polyxène à qui la «spirituelle» Magdelon des Précieuses ridicules empruntera son nom.

L'auteur, François de Molière, sieur d'Essertines, est mort vingt ans plus tôt exactement, assassiné à l'âge de vongt-quatre ans. Poète, romancier, traducteur, épistolier, son style, d'une grande beauté, est donné en modèle dans les recueils de lettres qui fleurissent à l'époque. [...] Dans ses
Mémoires posthumes, le père Garasse appelle Molière d'Essertines «un vrai diable incarné, tant il avançait de propositions contre la sacrée humanité de Jéss-Christ». Trente ans plus tard, un autre prêtre fanatique dénoncera dans l'auteur du Tartuffe «un démon vêtu de chair et habillé en homme». [...]

J.L.: Il est curieux que le jeune Poquelin, qui va se faire comédien de campagne, se mette à l'enseigne d'un romancier-essayiste plutôt que d'un homme de théâtre.

F.R.: C'est un des paradoxes du personnage, modèle de tous les comédiens français, que sa vie professionnelle ait été entièrement vouée au théâtre, alors que ses amitiés, ses attachements, ses goûts, ses intérêts intellectuels, pour ce qu'on en sait, le portaient vers les salons et les compagnies savantes, vers des poètes, des traducteurs, des philosophes, des médecins, des physiciens, des voyageurs...

Voilà... Si j'écris dans la langue «de Molière», je le dois, en quelques sortes, à un aujourd'hui obscur auteur du début du XVIIième siècle.