Toujours dans ce début du XXième siècle - que je revisite sans cesse parce qu'il est, tant ici au Québec qu'ailleurs dans le monde, d'une richesse et d'une fécondité inimaginables... période de métamorphoses et de grands bouleversements - un genre s'impose au Québec: le burlesque.
La formule générale d'un spectacle burlesque ressemblait à ça: grande ouverture musicale, petit drame, numéros de variétés [magie, chansons, saynètes, danses], grosse comédie de fermeture avec finale élaborée. Le tout entre une séance de vues animées (dessins animés et nouvelles) et d'une projection d'un grand film.
De grands noms sont passés à la postérité: Juliette et Arthur Pétrie, Olivier Guimond (père et fils), Juliette Béliveau, Jean Grimaldi et, bien sûr, Rose Ouellette dite La Poune, dont les citations de ce billet sont le fait (tirées de sa biographie - La Poune - écrite en 1978 par Philippe Laframboise).
Une époque où le théâtre atteint un certain âge d'or... et particulièrement le burlesque - genre par ailleurs snobé par l'élite - par sa capacité à s'inviter et s'incruster dans la culture populaire. La Poune y acquerra le statut de vedette populaire et son théâtre, Le National (qu'elle tiendra de 1936 à 1953), va devenir LE lieu de rendez-vous par excellence du peuple: Tous les records de longévité, d'assistance et de popularité furent battus, du moins dans le genre. [...] Rue Sainte-Catherine, comme dans tout Montréal d'ailleurs, les tramways circulaient encore du nord au sud, et de l'est à l'ouest, ou dans l'autre sens selon vos préférences. Quand le tramway approchait du National, le conducteur claironnait d'une voix forte: ''Chez la Poune, terminus, tout l'monde descend!'' Et il fallait voir la foule se presser, se mettre en ligne jusqu'à la rue Beaudry.
Pour devenir un incontournable, ce théâtre - et bien d'autres, dans ce Montréal d'alors - s'astreint à un régime de production aujourd'hui insensé: Comme nous jouions en matinée et en soirée, sept jours sur sept [note de moi-même: et que l'affiche changeait chaque samedi, donc un nouveau spectacle par semaine!], les répétitions avaient lieu les mardis et jeudis, vers minuit, soit après le grand film suivant le spectacle sur scène. Mes artistes regardaient parfois le film, et quand la salle était vide, nous travaillions souvent jusqu'à trois heures du matin. Mais il faut dire que j'avais la collaboration de toute la troupe. Je soumettais des idées. Parfois une comédienne ou un artiste me disait: ''Rose, Madame Ouellette, ça, je ne le sens pas.'' Je répondais alors: ''Eh bien, fais-le à ta façon, comme tu le vois!'' Et ça allait toujours.
Toutes les semaines, il fallait mettre au point la grande ouverture musicale à laquelle participait toute la troupe, chanteurs et danseurs. J'imaginais un décor et chacun se toilettait en fonction de ce même décor. Juliette Pétrie était, entres autres, une couturière de premier plan. Et ces messieurs rivalisaient d'élégance. Les meubles, de très beaux meubles, étaients fournis par une maison spécialisée existant alors juste en face du théâtre.
Ensuite, il y avait le drame. On pigeait dans le répertoire ou selon les idées de base des uns et des autres. Enfin, il y avait la grande comédie finale. Les drames étaients touts appris. La comédie, elle, demeurait ad lib. Il y avait l'idée initiale et le punch de la fin. Le reste était improvisé.
En plus, j'avais toujours, en supplément des actes de vaudeville, de nouveautés, ainsi que des numéros de spécialité: chanteuses, chanteurs, instrumentistes, acrobates, danseurs, prestidigitateurs.
Voilà. Une vie dévouée à la scène. Un rythme effréné, difficile à imaginer, qui force l'admiration.