mardi 31 mai 2011

L'Affaire de la rue Lourcine [Carnet de mise en scène]


La bonne gestion scénique des objets et des accessoires de cette production est primordiale. Ils sont nombreux... et malgré leur nombre, aucun ne doit être fortuit. Il faut, en quelque sorte, que chacun devienne le prolongement du comédien. Il revient à ce dernier de les mettre en valeur.

Voici, en ce sens, une partie de la description de l'objet de Anne Ubersfled dans Les termes clés de l'analyse du théâtre:

La fonction esthétique de l'objet est double: a) l'objet figure matériellement sur scène et fait partie de tableaux dans lesquels il a par sa forme et sa couleur une valeur; b) en tant que lexème il est un élément du texte. Et en tant que tel, il peut être une figure de rhétorique, métaphore, symbole... Il est doublement élément d'une poétique de la représentation. Mais parfois sa complexité est assez grande pour qu'on l'analyse comme un texte organisé.

Si la caractéristique de l'objet est d'être manipulable, il a donc des rapports essentiels avec les acteurs: les objets peuvent être liés à un personnage (éléments de costume ou d'activité ou de goût), ou au contraire être la cause ou l'occasion de rapports entre les comédiens; enfin ils peuvent être, et sont le plus souvent, à l'origine de jeux: la fonction ludique de l'objet est fondamentale au théâtre.

Bouger avec Meyerhold

Détail d'un portrait de Meyerhold peint par Boris Grigoriev en 1916...
portrait qui illustre, par ailleurs, la couverture de la biographie du Maître écrite par Gérard Abensour.


Ce qui pourrait n'être qu'un titre d'émission de conditionnement physique sur un canal communautaire renvoie plutôt à la philosophie du jeu, du geste et du mouvement chez l'acteur meyerholdien, tout coloré de biomécanique et de conventions conscientes.

La description est de Béatrice Piccon-Vallin - spécialiste meyerholdienne s'il en est une! - dans l'un des tomes de la collection Les voies de la création théâtrale (une collection plus qu'excellente) consacré à Vsevolod Emilievitch Meyerhold, en page 54.

L'essentiel de son jeu [ndr: en parlant de l'acteur] passe par le travail du corps, mais ce n'est pas un corps naturel, le corps utilitaire ou instinctif de la vie, c'est d'abord un corps libre et inventif qui défie les lois du quotidien, multiplie les prouesses [...]. Le corps-défi et le corps qui pose, «le geste inventé qui ne convient qu'au théâtre», l'exclamation joyeuse et la «diction théâtrale artificielle» qu'il crée à partir d'un registre de «mille intonations différentes». Le terme décoratif qu'emploie Meyerhold peut se comprendre à trois niveaux. Décoratif parce que graphique: l'acteur connaît la force du dessin de son corps dans l'espace. Décoratif parce qu'artificiel, modelé, poli par l'habileté humaine et non par la nature: corps artificiel opposé à l'«homme vivant». Décoratif enfin, comme projet artistique d'ensemble auquel le moindre mouvement doit participer [...].

C'est, à quelques mots près, ce que j'essaie d'appliquer dans mon travail avec les acteurs... sans encore pourtant avoir atteint des résultats probants. Maîtriser avant d'aller plus loin ou ailleurs... tel est mon mot d'ordre.