Il y a parfois des projets qui semblent sortis de nulle part. Comme cette création du Théâtre 100 Masques qui prendra l'affiche dans un peu plus d'un mois.
Depuis quelques années, je caresse le projet de travailler sur une production de Phèdre. Oui... la version de Racine. Mais aussi - et surtout pour le projet en question - celle d'Euripide, centrée sur la version du beau-fils: Hyppolite porte-couronne (écrite en -428 avant JC).
J'ai élaboré, en 2016-2017, à partir de diverses traductions et une bonne part de réécriture, une partition pour deux comédiens: Les morts sacrilèges, qui fait s'entremêler les voix des différents protagonistes (Phèdre, Hyppolite, Thésée, les déesses, Théramène, la servante) en de longs récits. Ce texte est, je crois, intéressant... mais en même temps, il lui manque encore un quelque chose.
J'ai alors cherché de nombreux textes autour de ce mythe... principalement dans les textes antiques.
Et le projet a peu à peu bifurqué.
En lisant sur tout et rien, je me suis attardé aux grandes figures d'autorité dans l'Antiquité... jusqu'à l'empereur Néron... Fascinant personnage. Une courte phrase me revenait toujours en tête: Brûle mon empire, brûle. Plutôt anodine et en même temps bien rythmée. Puis je me suis mis à écrire un monologue dit par le tyran... plus ou moins convaincant. Je l'ai abandonné... vite entré dans le cul-de-sac historique. Mais de lui, resta l'envie de décrire la déchéance d'un empire (!) jusqu'à sa destruction par le feu. Et pas nécessairement l'empire romain.
Après avoir écrit une première ébauche de quelques pages, je me suis fait un plan. Détaillé. Et c'est comme ça que l'écriture a pris son envol, assez rapidement, à l'été 2018, fortement inspirée par l'actualité mondiale d'alors: catastrophes naturelles, humanitaires, épidémiques, politiques... de quoi décourager, foutre le cafard, l'angoisse et l'anxiété à n'importe qui. Le ton était donné.
En résulte donc un long récit. Une chaîne irréversibles d'engrenages malsains et apocalyptiques. Une suite de fatalités de plus en plus catastrophiques. Une conséquence de choix arbitraires. Une extinction. Puis une autre voix s'est insérée pour faire un contrepoint. Un regard extérieur, supérieur. Insensible. Aveuglé par sa suffisance et son ambition.
En tout, il y a eu 4 versions en quelques semaines. Chacune apportant son lot de modifications (parfois importantes!), de ratures, de réécritures, de modifications substantielles à la rythmique du texte, au vocabulaire, au style.
Une première création devait être faite l'an dernier. Mais d'autres projets m'ont contraint à le repousser. Et entretemps, j'ai revu la forme. Le texte est passé de deux voix distinctives (qui imposait une relation trop claire et manichéenne) à trois voix interchangeables, liées et en compétition, avec, comme champ de bataille, une cité et un peuple otage de décrets tous plus insensés les uns que les autres, au profit d'une économie dominatrice et dévastatrice.
De Phèdre, plus rien... mais ce n'est que partie remise.
Voici donc comment est arrivé Empire. Comme une recherche. Comme un défoulement.