samedi 25 mai 2024

La crise en crise

Voici un petit regard en arrière, avec le Radiomonde et Télémonde de ce 14 novembre 1959:


Inspirant non? Même si (je l'ai déjà dit il y a quelque temps) c'est quand même épuisant de vivre perpétuellement en mode crise

Depuis quelques semaines, quelques mois (depuis la pandémie), depuis le dépôt de la demande pluriannuelle au CALQ, depuis les budgets provinciaux et fédéraux, le milieu culturel (et plein d'autres milieux, soit dit en passant) est en transe: il y a une crise

Le nombre de demandes augmentent, mais les enveloppes ne suivent pas. Les compagnies et les artistes - toujours plus nombreux - sont à bout de souffle.

Qu'est-ce qui attend le milieu théâtral (et culturel)? L'hécatombe ou la survie

Depuis quelques mois, donc, tous les intervenants en appellent à la mobilisation: le théâtre est en crise. Encore... si on se fie à l'article illustrant ce billet.

Vrai que les visions gouvernementales, en matière d'art et de culture, ne sont peut-être pas adéquates. Vrai qu'elles sont peut-être trop versées dans le clientélisme, les considérations statistiques et économiques. Vrai qu'elles sont peut-être engoncées dans un mode de fonctionnement - ébauché des décennies auparavant - qui a beaucoup de sable dans l'engrenage. Vrai qu'elles sont insuffisantes.

Il faut plus d'argent. Oui. Mais ça ne sera jamais assez.

Parce que le théâtre en crise? Ben oui. Comme toujours. 

Mais c'est aussi peut-être par sa faute, par sa faute, par sa très grande faute. 

Parce qu'il n'est pas capable de se sortir des ornières qui se creusent de plus en plus, depuis si longtemps. Des habitudes qui sont longues à transformer. Parce qu'il est peu capable, dans le contexte dans lequel il évolue, d'accueillir les nouveaux venus dans les structures déjà existantes. D'où la multiplication d'organismes et collectifs aux côtés de compagnies bien établies et de chasses gardées. Parce qu'il s'est notamment laissé entraîné vers une professionnalisation aussi normée que bureaucratique. Alors qu'il est, historiquement, chaotique, intense, il s'est laissé harnaché jusqu'à l'extrême dépendance, dans un mode de gouvernance qui, bien qu'efficace et utile, draine les fonds accordés. 

Bref, dans ce jeu des subventions et des programmes, c'est dommage, mais il y aura toujours plus de perdants que de gagnants. C'est ça, la crise?

C'est ça la game: ou le théâtre se fait selon les subventionnaires et les grandes associations (et c'est là que le projet doit être incontournable avec un dossier béton) ou il se fait à son propre compte (par conviction et acharnement) ou il ne se fait tout simplement pas si l'énergie ou la capacité de le faire passer sur papier pour obtenir de l'argent manquent.

Et si tout ça était normal? 

Tous les projets, toutes les compagnies, tous les artistes ne pourront jamais être tous soutenus. C'est la sélection naturelle d'un milieu qui doit se réguler d'une façon ou d'une autre. Et c'est normal. Frustrant plus souvent qu'autrement, mais normal. 

Il faut espérer, à tout le moins, que les choix se fassent sur de bons critères et que la qualité des dossiers et des démarches l'emporte sur d'autres considérations moins artistiques.

Et oui, tout ça va faire mal, parce que tous avons notre petite chasse gardée et du mérite autant que notre prochain...