jeudi 15 décembre 2011

«L'obscur pressentiment»

Voici comment Peter Brook définit, dans Points de suspension, son travail créateur. Il s'agit là d'un bel exercice que de tenter de définir sa création. De tenter de mettre des mots sur une méthode qui intimement liée à sa propre vision du théâtre.


Quand je commence à travailler sur une pièce, je pars d'un pressentiment obscur et profond, semblable à une odeur, à une couleur ou une ombre. C'est la base de mon travail, mon rôle - c'est ainsi que je me prépare aux répétitions, quelle que soit la pièce que je monte. Cet obscur pressentiment, c'est ma relation avec la pièce. [...] Je ne dispose d'aucun système pour monter une pièce, car c'est à partir de ce sentiment sommaire et informel que je commence à préparer.

Préparer signifie cheminer vers cette idée. Je commence à fabriquer un décor, je le casse, je le fabrique, je le casse, j'y réfléchis. Quel genre de costumes? Quelles couleurs? Tout cela constitue un langage qui sert à concrétiser quelque peu ce pressentiment. Jusqu'à ce que, petit à petit, en sorte la forme, une forme destinée à être modifiée, mise à l'épreuve, mais néanmoins une forme. [...]

La répétition doit créer un climat qui rende les acteurs libres de proposer tout ce qu'ils peuvent apporter à la pièce. C'est pour ça qu'au premier stade, tout est ouvert. [...]

Mis en présence de cette masse de matériau, l'obscur pressentiment se révèle le facteur prédominant face auquel certaines idées ne tiennent pas la route. Tout commence à se clarifier. [...]