mardi 31 décembre 2024

Sur nos scènes (et dans le milieu), en 2024!


Outre les différentes productions qui ont parsemé l'année qui vient de s'écouler (qu'on peut apprécier dans le billet précédent), voici quelques autres éléments (de mon point de vue, il va sans dire!) qui ont animé notre milieu théâtral.
 
JANVIER

8 janvier - C'est mon entrée officielle au Théâtre Les Amis de Chiffon à titre de directeur général et artistique, prenant la succession de Marie-Pierre Fleury qui se redirige vers l'enseignement. (Voir ici.) 

Au national, deux grands noms annoncent leur départ: Lorraine Pintal (qui dirige le TNM depuis 32 ans) et Ginette Noiseux (à la barre de l'Espace Go depuis 40 ans).

FÉVRIER

1er février - Nombre d'organismes culturels (et donc théâtraux, pour ce billet) déposent leur demande de Soutien à la mission auprès du CALQ en se croisant les doigts pour que les réponses soient à la hauteur des attentes. (C'est la première opportunité depuis 2017, date du dernier exercice.)

MARS

23 mars - Le Théâtre Mic Mac annonce ses nominations au Gala des Arlequins, organisé par la FQTA: Prix du jury et Meilleur comédien pour Tu te souviendras de moi, Innovation théatrale pour Le parc DesIllusions). Le Théâtre des 4 planches reçoit une nomination pour Meilleure courte apparition pour Arlequin serviteur de deux maîtres. La Troupe du Vieux Couvent de St-Prime est nommé dans les catégories Prix du jury et Meilleure courte apparition pour Couples.

AVRIL 

4 avril- Ian Gailer (la firme Gailer & co. ayant été mandatée par le groupe de compétence en théâtre de Culture SLSJ et Ville Saguenay) présente, après plusieurs mois de travail l'étude Développement du milieu théâtral de Saguenay et des environs - Saguenay en scène: Dynamiser le milieu théâtral de la Ville.

MAI 

2 mai -  Le Théâtre La Rubrique (pour le FIAMS) est mis en nomination, au Gala des Dubuc 2024 (organisé par la Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le Fjord), dans la catégorie Tourisme et Événement de l'année.

29 mai - Fumer sur scène? C'est le retour d'une possibilité après quelques années d'interdiction! (Voir ici.)

JUIN 

En juin, la Salle Murdock reçoit un peu d'amour... et elle en avait grandement besoin! C'est comme ça qu'elle a reçu et une bonne couche de peinture noire et un nouveau plancher résilient.

13 juin - Ville de Saguenay désigne le foyer à l'étage du Centre culturel du Mont-Jacob du nom de Salon Michel-Dumont, en hommage au grand comédien disparu. (Voir ici.)

25 juin - Ville d'Alma annonce la réalisation d'une fresque en hommage au comédien Michel Côté, disparu (qui a participé, dans les années 60, au rayonnement  du TPA). (Voir ici.)

JUILLET

8 juillet - Les réponses du CALQ entrent dans les boîtes courriel des organismes qui ont déposé des demandes au programme Soutien à la mission. De façon générale, partout dans le milieu culturel (et théâtral), celles-ci sont accueillies froidement. Un gros mélange de déceptions, d'incompréhensions, de colères, de soulagements. (Très) Rares sont ceux et celles qui jubilent.

AOÛT

22 août - Le milieu théâtral professionnel est convié au BaP pour un 4@7 théâtral dans le but de discuter de mobilisation et de concertation. Une trentaine de participants de réunissent. Mais quelle suite? (Le 12 décembre, Culture SLSJ envoie un courriel général pour annoncer une grande réflexion sur la concertation et les groupes de compétences.)

27 août - Un projet de mutualisation autour du Centre des arts et de la Culture de Chicoutimi réunit les compagnies en résidence: Théâtre Les Amis de Chiffon, Tortue Noire, Théâtre 100 Masques, Théâtre du Mortier, Théâtre À Bout portant, Théâtre du Faux Coffre et Imprévu Improvisation.

OCTOBRE

11 octobre - L'Imprévu Improvisation lance la concentration artistique Improvisation théâtrale et arts vivants qui prendra son envol en 2025-2026, à l'École Lafontaine.

samedi 28 décembre 2024

Mnouchkine: «Il n'y a pas de recettes, mais des lois.»


Ariane Mnouchkine - une grande parmi les grands - qui explique ici, dans L'Art du présent (Babel-Essai, 2016), une partie de son travail lors de stages avec différents groupes, qu'ils soient artistes professionnels, amateurs, étudiants:

Ce que nous essayons d'enseigner? Qu'il n'y a pas de recettes, mais des lois. Écouter - tout vient de l'autre -, recevoir avant de faire quoi que ce soit, d'ailleurs ne jamais rien faire, ne jamais fabriquer.

Et quelques règles toutes simples. Par exemple: donner une âme complète à son personnage, qu'il puisse être à un moment Einstein, ou Desdémone, ou un gros bébé, ou la reine d'Angleterre, ne pas froisser irrémédiablement la page avant d'être entré sur le plateau, ne pas préjuger d'un personnage. Ne pas composer non plus, mais déplier chaque passion, chercher le petit pour trouver le grand: Dieu est dans les détails. Trouver l'état, le sentiment, comme disait Jouvet. Écouter les nouvelles venues de l'intérieur de soi, comme dit Eschyle. Écouter les nouvelles venues de l'intérieur de l'autre. Ne pas orner. Savoir qu'il n'y a pas de mouvement sans arrêt, aller d'une immobilité à une autre, comme les danseurs qui s'arrêtent, même en l'air, regardez-les! Il n'y a pas musique sans silence. Pas de force sans calme. Pas d'océan qui soit borné par un rivage. Écouter. Tout est vrai, tout se passe à l'instant même, jamais plus tard, jamais avant, jouer au présent, une seule chose à la fois. Oublier complètement l'état précédent pour pouvoir jouer le présenté Écouter. Savoir abandonner, s'abandonner à la versatilité des états. Écouter. Voir ce qui se passe en soi certes, mais aussi se voir dans l'Histoire, ne jamais laisser l'imagination se refermer. Le beau stage est celui où, tous, nous découvrons, nous entendons ce qui, depuis toujours, était là. Masqué par le tohu-bohu.

Et bien sûr, discipline, travail, économie, pas avarice. L'économie, c'est ne pas faire ce qui est inutile comme déplacement, comme geste, comme mots. L'avarice, c'est se contenter d'un vide sec, ne pas faire l'effort pour trouver à l'intérieur de soi ce vide fertile, plein de virtualités.

J'admire cette capacité à définir son propre travail, à savoir y réfléchir, s'y questionner, se positionner avec humilité... positionnement envers soi-même d'abord puis envers l'autre, envers la scène pour aller, collectivement, vers une quête artistique.

vendredi 27 décembre 2024

Teichoscopie!?


Comme quoi je suis - et le resterai sans doute - toujours en mode apprentissage!

Ce matin, en feuilletant le Dictionnaire du théâtre de Patrice Pavis (Dunod, 1996), je suis tombé sur ce terme... TEICHOSCOPIE... à la consonance complexe, ancienne, lointaine. Encore une théorie obscure difficilement applicable? Eh bien non. C'est un truc tout à fait usuel - presque quotidien pour qui lit beaucoup de pièces de répertoire - d'une parfaite simplicité! 

Qu'est-ce donc?

TEICHOSCOPIE (Du grec teichoskopia, vision à travers le mur.) - [...] Moyen dramaturgique pour faire décrire par un personnage ce qui se passe en coulisse dans l'instant même où l'observateur en fait le récit (hors scène). On évite ainsi de représenter des actions violentes ou inconvenantes, tout en donnant au spectateur l'illusion qu'elles se passent réellement et qu'il y assiste par personne interposée. Semblable au reportage radiophonique (d'une compétition sportive par exemple), la teichoscopie est une technique épique: elle renonce au support visuel, tout en focalisant sur l'énonciateur et en ménageant une tension peut-être encore plus vive que si l'événement était visible. Elle élargit le lieu scénique, met en rapport diverses scènes, ce qui renforce la véracité du lieu proprement visible à partir duquel s'effectue le reportage.

C'est un beau mot dont j'ignorais tout simplement l'existence. Et pourtant! C'est là un procédé archi-omniprésent... du théâtre antique au théâtre classique en passant par le théâtre shakespearien et tant et tant d'autres répertoires. Tous ces grands récits - particulièrement dans les tragédies et les drames - qui décrivent l'horreur (vengeances, morts sacrilèges, suicides, infanticides, etc.) sans jamais la montrer.

C'est pour ça que je suis un boulimique de la lecture théâtrale! Le creuset de connaissances à acquérir est si vaste...

jeudi 26 décembre 2024

Une approche meyerholdienne du jeu


Tout mon travail, comme metteur en scène, en répétition, est profondément marqué par l’approche meyerholdienne du théâtre. Il importe alors, pour l’interprète, de la saisir pour mieux aborder le texte, la pièce, la scène, le jeu. Et de l'assimiler rapidement pour évoluer efficacement dans ces paramètres qui peuvent dérouter.

Que serait alors une schématisation du jeu meyerholdien? Bien sûr, il y a, associé au grand metteur en scène, les principes de la biomécanique, mais celle-ci pourrait se poser en d’autres termes tel que l'illustre l'image ci-haut.

Que dit-il, ce schéma? Et bien c’est simple (en apparence!): le jeu part d’un stimulus qui excite le comédien en scène et qui agit comme un catalyseur, un activateur de réaction qui oblige l’interprète à se commettre complètement dans une action pour répondre à ce stimulus et à attendre – une attente dynamique, il va sans dire! – le prochain stimulus qui l’entraînera dans une autre réaction, etc.

Cette effet de causalité prend sa source dans un stimulus originel (un stimulus zéro) qui embraye cette mécanique et qui fait s’incorporer les chaînes de jeu les unes dans les autres: la réponse de l’un à un stimulus devient stimulus de l’autre, etc.

C’est approche dynamique implique donc un va-et-vient constant entre l'action et la conséquence (l’action-réaction). Ce qui me fait privilégier un type de jeu résolument séquentiel : une chose à la fois, dans un ordre et un rythme précis, qui s’imbriquera dans celui du partenaire et vice-versa.

Dans ce type de jeu, deux choses sont fondamentales: le comédien doit, d'une part, savoir parfaitement ce qu’il a à faire sans se fier sur personne, sans être à la traîne, sans ralentir l'action ni la rendre brouillonne. D’autre part (et simultanément, pour être plus exact), il doit être capable de coordonner ses faits et gestes dans l'ensemble, dans un rapport constant à l'autre, à l'objet, à l'espace. Une parfaite maîtrise gestuelle dans une écoute collaborative. Bref, il lui faut être autonome dans un tout exigeant.

Une dichotomie nécessaire tout comme le fait de posséder sur le bout des doigts mots et actions au point où, pendant l'interprétation, une mécanique interne – la mémoire du corps – portera le spectacle: le mot appelle le geste qui appelle le mot qui appelle le geste, qui appelle etc.

Ce jeu séquentiel, pour bien fonctionner, ne supporte aucune hésitation, aucun doute. Une fois qu’il est lancé, rien ne peut l’arrêter. C’est un jeu qui ne pardonne pas et qui comporte la faille de sa force : un réel risque de se figer dans une exécution vide.

mardi 24 décembre 2024

Menace ou canular?

Parmi les théâtres métropolitains du début du XXième siècle, le Théâtre Royal a, pour plusieurs, des relents de soufre et de vices (j'en ai déjà parlé ici). Au point où fréquenter cet établissement vous appose l'infâme étiquette d'immoralité. 

Mais dans l'ombre, on veille sur la vertu. 

Voici un tout petit entrefilet publié dans L'Avenir du Nord, le vendredi 3 janvier 1908:


Difficile de me positionner: est-ce une blague ou pas? Après de multiples séances d'exploration des archives, je serais porté à donner du crédit à cet avertissement publié, il est vrai, sous le couvert d'une ironie menaçante. Message sous-entendu: le Royal n'est pas votre place.

lundi 23 décembre 2024

De l'importance du radio-théâtre au Québec dans les années '40


Le radio-théâtre, c'est au Québec l'unique salle de spectacles qui, à côté des cinémas, ouvre ses portes 365 jours par année. Le même jour, et souvent le même soir, il tient lieu, tour à tour, de Comédie-Française, de Vieux-Colombier, d'Ambigu, de Grand-Guignol, etc. C'est Radio-Collège, plus que le livre, qui a répandu l'Hamlet de Gide et le Macbeth de Maeterlinck. Quelle troupe du Canada ou d'ailleurs se risquerait à présenter d'affilée Zaïre, Le légataire universel, Le jeu de l'amour et du hasard, Turcadet et Crispin, rival de son maître? [...]

Spectacle permanent, ce théâtre intéresse le paysan, l'ouvrier, le bourgeois, l'intellectuel, comme nous l'avons vu dans un autre chapitre. C'est avec le cinéma le véritable théâtre collectif pour la masse du public auquel il s'adresse: «Théâtre pour le grand nombre, accessible à tous par la nature de son répertoire et le bon marché de ses places.» Il s'est centralisé à Montréal, comme l'était le théâtre. Mais il s'est répandu grâce au pouvoir magique des ondes, à travers toute la province. rejoignant même certains centres où les troupes ne s'étaient jamais donné la peine de s'arrêter. Sans lui, combien d'habitants de certaines petites villes et des villages éloignés des grands centres, ne connaitraient pas autre chose que le théâtre des conteurs?

C'est là un extrait de la thèse de doctorat de Jacques Beauchamp-Forget, Radio et civilisation au Canada Français, soutenue en 1948 à l'Université de Paris... extrait lui-même extrait du dossier Le théâtre à la radio du 9ième numéro de l'Annuaire Théâtral, 1991. 

Un dossier passionnant sur ce pan de la pratique théâtrale québécoise que fut le radiothéâtre, qu'il soit sur le mode du radioroman ou de la dramatique par épisodes.

Voici, en terminant, un tableau explicite de son importance (que j'ai déjà publié ici, tiré de l'Annuaire théâtral, no. 5-6, 1988):





dimanche 22 décembre 2024

Sur nos scènes, en 2024!


Voici, en ordre d'apparition au calendrier, les différents rendez-vous théâtraux locaux, faits ici par des gens d'ici, qui ont parsemé l'année qui vient de s'écouler, sur l'ensemble de notre territoire régional. S'y retrouvent, pêle-mêle, les productions professionnelles, les productions en théâtre de loisir d'envergure (entendre ici par des organismes structurés), les productions académiques (collégiales et universitaires), les autres projets à caractère scéniques (laboratoires, lectures, etc.). J'ai placé à la fin de cette liste les différents projets qui sont sortis de la région également. À tenter d'être le plus exhaustif possible, il se peut que certains trucs ne se soient pas rendus à ma vigilance. Il sera possible des les ajouter en commentaire.

Dans cette liste, j'ai omis volontairement toute production théâtrale venue de l'extérieur en diffusion (parce qu'à tous nos efforts pour dynamiser ce milieu s'ajoutent ceux de nos collègues diffuseurs spécialisés et pluridisciplinaires).

Ce qu'on peut en retenir? Plus de soixante (60!) occurrences. Plusieurs centaines de représentations (j'en compte au moins 400!). De tous les styles, allant du répertoire à la recherche, en passant par la création et la marionnette. Nous possédons, au SLSJ, un écosystème théâtral imposant et fort actif qui réunit plusieurs (plusieurs!) dizaines de gens bien impliqués. Une force sans pareille malgré ses défis et ses obstacles sur laquelle il nous faut capitaliser.
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JANVIER 2024

Un gamin au jardin en reprise par La Tortue Noire 

FÉVRIER 2024

Laboratoire - Dispositif humain, par Josée Gagnon, collectif Baba Yaga

Boomerang Boréal en reprise par le Théâtre du Mortier 

Baluchon en reprise par le Théâtre Les Amis de Chiffon 

Ribambelles marionnettes - spécial hivernal en reprise par le Théâtre Les Amis de Chiffon 

Willy Wonka par la Troupe de comédie musicale du Cégep de Jonquière 
 
Pour la vie par le Théâtre À Bout Portant 

Laboratoire - Le potentiel créatif du mouvement authentique, par Marilyne Renaud, collectif Baba Yaga

MARS 2024

Comtesse par le Théâtre 100 Masques 

Les lectures de Diogène en reprise, par le Théâtre du Faux Coffre 

Surréaliste par le Théâtre La Rubrique 

A tous les toutous par la Troupe de théâtre Les Mal-Avenants (Cégep de Chicoutimi) 

AVRIL 2024

La bête fantastique, par Mylène Leboeuf-Gagné  

Ainsi passe la chair en reprise - par La Tortue Noire 

Le Faiseur par le Théâtre Mic Mac 

La farce de Maître Pathelin (ou Ce n'est pas une farce), par la Troupe du Cégep de St-Félicien 

Le terminus par La TETU (UQAC) 

Couples par la Troupe Orange Bleue (Cégep de Jonquière) 

Laboratoire - Archives sonores et gestes, par Eugénie Capel, collectif Baba Yaga 

Discussions bancales par le Théâtre Les-Uns-Formels 

Passion à la bleuetière par Martin Giguère/Marilou Guay Deschesnes

Laboratoire - Tournage d'un court-métrage expérimental par Alexandre Thériault, collectif Baba Yaga 

MAI 2024

Château miroir, par Keven Girard (en collaboration avec La Tortue Noire

Le gars de Québec par la Troupe de théâtre du Vieux Couvent de St-Prime

Les Loups-Garous de Thiercelieux par le Théâtre du Mortier 

JUIN 2024

Trajet théâtral comico-historico-surréaliste pour le 175e d'Hébertville

George Dandin par le Théâtre 100 Masques 

Défricheurs par le Théâtre du Mortier (et le Musée du Fjord) 
 
Sortie de secours en reprise, par le Théâtre À Bout Portant 

Pygmalion: Rameau dans la rue par l'Opéra du Royaume 
 
JUILLET 2024

La Fabuleuse histoire d'un Royaume par Diffusion Saguenay

Cavale, dynamite et pépites d'or par La Route des légendes 

Bonnie & Claud par la Troupe de théâtre Les Zanimés

Le cabaret Chasse & Pêche par La Route des légendes 

Les secrets d'un vieux moulin par la Route des légendes 

Trouille et vadrouille par La Route des légendes 

Ficelles et Marionnettes par Les Anipluches 

Grande Baie en reprise par le Théâtre du Mortier 

Histoires d'un soir! en reprise par le Théâtre des 4 planches

Monsieur Rançon par le Théyâtre du ben beau

AOÛT 2024

Arlequin - en reprise par le Théâtre des 4 Planches

Parc DésIllusion - en reprise par le Mic Mac

SEPTEMBRE 2024

George Dandin en reprise, par le Théâtre 100 Masques 

La Librairie en lecture par le Théâtre Mic-Mac 

Une histoire fantastique du Lac Pouce par le Théâtre du Faux Coffre

Sur appel, par le Théâtre À Bout Portant 

OCTOBRE 2024

A demain Moïra, par le Théâtre La Rubrique 

Petites Leçons par le Théâtre du Mortier et le Ballet Synergie 

Île à Dumais - en reprise, par Étienne Genest 

Laboratoire - Les stéréotypes, par Guylaine Rivard, collectif Baba Yaga II 

Combler le vide - par Marilyne Renaud/CEM 

La Pyramide des Bêtes obscures par le FIAMS 

NOVEMBRE 2024

Laboratoire - Explorer la frontière entre l'expédition d'aventure et la création par Pierre-Olivier Bouchard/Mia Guertin-Crête, collectif Baba Yaga II 

Un cadavre à l'entracte par le Théâtre des 4 Planches 

Les lectures de Diogène - en reprise, par le Théâtre du Faux Coffre 

Le Dauphin de Piédestal par le Théâtre du Faux Coffre 

La traversée du siècle (extraits) en lecture par le Théâtre Mic-Mac 

DÉCEMBRE 2024

Ésopette ou les fables rapiécées par le Théâtre Les Amis de Chiffon
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Le retour de la petite chose aux allumettes par le Théâtre 100 Masques 

Grande Baie en reprise par le Théâtre du Mortier 

Deux femmes en or en lecture par le Théâtre Mic-Mac 

Ficelles et marionnettes Hivernal par Les Anipluches
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Tout au long de cette année, l'équipe de Dramaturgie sonore (UQAC) a tenu de nombreux laboratoires avec son projet de Co-Paysages, a participé à quelques colloques.

Tout au long de cette année aussi, l'équipe de L'Imprévu Improvisation a donné de nombreuses soirées improvisées un peu partout sur le territoire.
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Et il y a, enfin, les sorties extrarégionales de nos différents projets:

Un gamin au jardin par La Tortue noire à plein d'endroits 

Les mains anonymes de Dario Larouche en lecture-spectacle, Centre Weils, Bruxelles  

Ainsi passe la chair par La Tortue Noire à plein d'endroits

Mashinikan (Le Livre) par le Théâtre La Rubrique/Production Menuentakuan, Les Écuries

L'Autre dans la Cité par La Tortue Noire à plein d'endroits (dont Cuba, Roumanie, Côte-d'Ivoire)

Sortie de secours par Le Théâtre À Bout Portant (Gatineau)

Faire (co)quai par la Dramaturgie sonore (Québec)

Arlequin par le Théâtre des 4 planches (Mont-Laurier)

Aisselles et Bretelles par Guylaine Rivard/CRI (Mont-Laurier)
 
Parc DésIllusions par le Théâtre Mic Mac (Mont-Laurier)

Avec les chèvres - théâtre jeunesse déambulatoire par la Dramaturgie sonore (Saint-Siméon)

Le Grand Oeuvre par la Tortue Noire (Côte-d'Ivoire)

samedi 21 décembre 2024

Un bilan personnel

2024 aurait pu me voir allégrement avec de la broue plein le toupet. Mais heureusement - l'âge aidant! - celui-ci m'est presque devenu inexistant.

J'ai commencé l'année 2024 sur un nouveau chapitre professionnel: après presque huit ans au Côté-Cour et cinq au Festival des musiques de création, le moment était venu de me recentrer sur ma pratique théâtrale. 

C'est comme ça que je me suis retrouvé à la direction du Théâtre Les Amis de Chiffon et que je suis aujourd'hui au terme d'un premier tour de calendrier. Ce fut une année bien chargée avec la prise de repères au sein de l'organisme; le rassemblement et l'absorption des données et des informations; l'analyse du portrait organisationnel; la définition de ma vision (terme un peu pompeux pour décrire ce processus d'enracinement); la mise en place d'un projet de programmation pluriannuelle; la rédaction de la demande de Soutien à la programmation du CALQ (pour 2024-2028) et d'autres de paliers divers; du ménage et encore du ménage (au sens propre - du bureau aux entrepôts en passant par l'atelier - et au niveau de la gouvernance - avec réactualisation de politiques, révision des règlements généraux, adoption d'un plan d'action stratégique, etc.). 

Bref, une année de (ré)organisation.

En janvier et février, au moment même où le tourbillon de la nouveauté m'étourdissait, la médiation allait bon train dans les écoles en vue de la tenue de deux spectacles - en représentations scolaires - au Côté-Cour: Baluchon et Ribambelle marionnettes... mais bien que tout nouveau directeur du TAC, j'ai manqué ces représentations pour assister, en Belgique, aux lectures publiques de mon texte Les mains anonymes.

En mars, tout plein de fébrilité et de hâte, de craintes et de doutes, j'ai remisé un temps - jamais très longtemps - un sournois sentiment d'imposteur qui se développait pour me lancer, avec toute un équipe de collaborateurs, dans un premier spectacle marionnettique destiné aux enfants. Échelonné sur neuf mois, nous avons enchaîné rencontres et séances de travail (collectives et personnelles), laboratoires de validation, blocs de répétitions et d'exploration des manipulations, réécritures, nouvelles consignes, développement d'une esthétique, promotion (eh oui, parce qu'il fallait dès avril, vendre ce projet aux Centres de services scolaires), finalisation des différents volets pour aboutir à cette Ésopette ou les fables rapiécées qui a reçu, récemment, près de 1600 spectateurs.

De quoi occuper son homme! 

Mais en parallèle, le Théâtre 100 Masques m'a aussi gardé bien en forme! 

2024 a été - bien qu'occupée - une année somme toute normale avec cette compagnie à la mécanique bien huilée où j'occupe la direction depuis 2007. Avec mes différentes équipes, nous avons aligné trois productions (Comtesse en mars, George Dandin en juillet et avec une reprise en septembre pour le Cégep de Jonquière, La petite chose aux allumettes en décembre), quatre séries de formations (les ateliers scolaires, les ateliers Tous en scène en collaboration avec le CIUSS et Ste-Justine, les camps de théâtre thématiques et les ateliers réguliers) et deux éditions de L'Heure du théâtre en collaboration avec les Bibliothèques de Saguenay (une sur les mythes associés à Molière et une sur la préhistoire du théâtre au Québec). 
 
2024 se résume finalement en bien peu de mots qui font néanmoins un projet de vie intense: du théâtre, du théâtre et du théâtre!



dimanche 1 septembre 2024

Quand le Progrès du Saguenay veille sur la morale...

En me promenant dans les archives journalistiques de BAnQ, je suis tombé sur ce petit article du Progrès du Saguenay du 28 juillet 1927:


Un tout petit article - écrit dans la même lignée que nombre d'autres articles qui vilipendent sur différents tons l'immoralité du théâtre - qui titille quand même la curiosité. Quelle est cette Troupe française qui a déjoué la morale? Quelle pièce a causé cette commotion? Serait-ce celle-là dont il est question dans la même édition?


Il y aurait donc là un bon contraste entre Chicoutimi et Roberval... Serait-ce celle-là - la même? - qui était annoncée quelques jours auparavant, le 19 juillet 1927?


Eh bien oui. C'est bien cette troupe. Et le problème tient justement au répertoire... comme l'explique cet article, le 21 juillet 1927 (que j'ai déjà publié ici):


Le lendemain (22 juillet 1927), un petit compte-rendu illustre bien comment de troupe attendue elle devenue troupe indésirable:


Et le 27 juillet 1927:


samedi 31 août 2024

«Artourne che-vous!»


Quel accueil faire à Réjane, grande actrice française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (contemporaine de Sarah Bernhardt), quand elle débarque en ce Québec du temps? 

Voici le message passé dans le très conservateur journal La Croix, de ce 14 janvier 1905:


Pour d'autres informations sur cette visite, il est possible de faire de petits détours sur ce blogue, ici et ici


jeudi 25 juillet 2024

Du rapport aux pièces classiques


Les œuvres des auteurs classiques, surtout des tragiques français, ont longtemps souffert d'un mode de présentation qui, sous couleur de respect, leur enlevait toute vie. 

[...] C'est ce qui peut expliquer la singulière légende que les classiques sont ennuyeux. On ne percevait plus l'oeuvre à travers la manière de la jouer.

[...] Mais les prétendus morts n'étaient qu'endormis. 

[...] Il peut paraître tentant, à première vue, de se rapprocher de la représentation originale et d'évoquer - sinon de reconstituer - les conditions dans lesquelles les œuvres ont été créées. [...] De telles reconstitutions, fussent-elles parfaites, ne sont toutefois que des expériences pour les intellectuels: intéressantes, curieuses, pleines d'enseignements. [...] Serait-ce servir la tragédie que de ressusciter ces conditions dans lesquelles elle fut créée? Ne risquerait-on pas plutôt de justifier ainsi sa légende d'ennui, ou de paraître le faire? Ne faut-il pas être infidèle à la matière pour rester fidèle à l'esprit?

Il ne s'agit pas de copier, de reconstituer, de restaurer. Le problème est de suggestionner le spectateur d'aujourd'hui, afin qu'il  retrouve devant le chef-d'œuvre la sensibilité du spectateur d'autrefois. Pour atteindre ce but, tous les moyens seront légitimes. Rendre à l'action son mouvement, sa puissance d'émotion, tout est là. Une pièce classique n'est pas un texte sur lequel on se penche pour le disséquer comme sur un cadavre. C'est un être toujours vivant en qui nous voulons intensifier la palpitation de la vie.

C'est là une longue citation de Gaston Baty (tirée de son ouvrage Rideau Baissé paru en 1949 chez Bordas) qui me parle particulièrement parce qu'elle définit, en un sens, mon propre rapport aux textes du répertoire sur lesquels j'ai travaillé au cours des dernières années. 

J'aime cette idée d'être infidèle à la matière pour en rester fidèle à l'esprit qui place le metteur en scène dans une quête d'efficacité scénique avant une quête de faire entendre un texte. De se laisser porter par la conviction théâtrale avant la conviction littéraire.

mercredi 24 juillet 2024

De l'Église comme protectrice du théâtre

L'un des sujets récurrents de ce blogue est l'opposition de l'Église au théâtre. Cette récurrence occulte pourtant un fait indéniable, beaucoup plus nuancé.

Dans toute l'histoire du théâtre (tant la nôtre que celle universelle), l'Église occupe souvent (et longtemps) un rôle paradoxal: de contemptrice de l'art dramatique à ennemie acharnée contre les jeux et les comédiens n'hésitant pas à lancer les anathèmes et les excommunications, à exercer la mise à l'index et la censure... elle est aussi la précieuse gardienne de la tradition dans les moments chaotiques et les passages à vide (par les guerres, les famines, les bouleversements sociaux) et sait se faire creuset d'un renouveau scénique. 


Gaston Baty - l'un des quatre grand metteur en scène du Cartel français - y va d'une bonne métaphore dans Rideau Baissé, paru chez Bordas en 1949:

Aux nécropoles égyptiennes, pour nourrir l'âme toujours errante, les prêtres ont enseveli près du mort des grains de blé, et dans la nuit des chambres sèches, le blé ne s'est pas corrompu. Lorsque les hommes osèrent violer la paix millénaire des sépulcres, ils brisèrent les vases où dormait la semence et la rendirent à la bonne terre humide sous le soleil. Et le blé deux fois plus vieux que le christianisme est de nouveau monté en épi. Ainsi l'Église, durant les siècles noirs [entre l'Antiquité et le Moyen-Âge], préservait la semence du Drame.

Toujours selon Baty, ce que l'Église à combattu par ses Pères, ce n'est pas le grand répertoire - Eschyle, Euripide, Sophocle, Aristophane et quelques Latins - mais la déchéance de ces genres qui ont mené vers la pantomime grivoise et licencieuse. Sans elle, le théâtre aurait cessé d'exister. Rien de moins.

Puis la terre trembla sous le galop des hordes. [...] Le monde antique avait été submergé sous les invasions barbares, et, pareils aux pêcheurs qui parfois écoutent les cloches de la ville engloutie, quelques clercs gardaient seuls le souvenir confus de ce qui avait été le Drame. Alors, toutes les lumières éteintes, hormis la lampe des sanctuaires, l'Église offrit asile aux débris des antiques civilisations. Elle rangea au long de ses nefs les colonnes des temples ruinés, ouvrit les couvent aux vieux poètes, et recueillit dans la liturgie, le principe essentiel du Théâtre.

C'est par l'Église que viendront les mystères et les jeux. C'est de ses parvis que s'élanceront les farces et le théâtre profane. C'est, à notre niveau, par elle que le germe théâtral continuera dans une Nouvelle-France austère et dans une colonie britannique aux enjeux identitaires. C'est par elle, enfin, que la professionnalisation québécoise prendra ses racines.

mercredi 3 juillet 2024

Quand un maire se dresse contre la censure!

Le journal Le Soleil du 24 mai 1907 rapporte les propos du maire de Montréal (ici Henry Archer Ekers, qui le fut de 1906 à 1908) qui s'oppose à la création d'un comité de censure, tel que demandé par les autorités religieuses:



mardi 2 juillet 2024

Un peuple contre le théâtre!

Tout un peuple contre le théâtre! Rien de moins. Cette thèse idéaliste - et quelque peu rétrograde avec nos yeux bien contemporains - a été publiée dans La Presse, en ce 3 avril 1907:



lundi 1 juillet 2024

La censure et les «idées nouvelles»

Un autre petit morceau de rhétorique contre le théâtre venu cette fois du journal La Vérité du 23 novembre 1907:


Pour en savoir plus sur ledit Arsène Bessette, visitez ce lien.

dimanche 30 juin 2024

Quand la censure est attaquée...

Dans ce beau début du XXième siècle, la moralité et la vertu se battent férocement contre le théâtre, école du vice. Le puritanisme veille. Au point où il attaque même la censure, l'accusant de souplesse et de complicité dans la dépravation des moeurs. 

En témoigne cette réplique du censeur du Théâtre des Nouveautés, publiée dans Le Nationaliste du 19 janvier 1908, qui recadre le débat en donnant une explication de son travail:


Pour en savoir plus sur cet Albert Lozeau, visitez ce lien.


samedi 29 juin 2024

La construction du personnage

Le personnage est, fondamentalement, une dynamique interrelationnelle en ce sens où oui, il vient du comédien... mais il restera incomplet tant que l'autre - partenaire, spectateur - ne participera pas à sa construction par sa façon de réagir à ce personnage, de le rendre (ré)actif, de lui donner une épaisseur de réalité.

C'est pour ça que généralement, comme metteur en scène, je m'intéresse beaucoup plus à la recherche, la mise en place des actions et des réactions (un système essentiel au développement de l'énergie scénique) qu'à la quête individuelle du personnage, à savoir comment il se déplace, comment il bouge, comment il parle. 

Le personnage, au fond, doit être simultanément un émetteur d'impulsions pour l'autre et un catalyseur des impulsions émises par cet autre. C'est de cette dynamique interrelationnelle que l'incarnation s'imposera de plus en plus et que le personnage trouvera une forme efficace.  

dimanche 23 juin 2024

Comédien ou acteur? - une autre nuance!

Pourquoi un tel titre? Parce que que ce fut là le sujet d'un autre billet, sur ce blogue, le 17 avril 2008 (on peut le lire ici).

Voici une autre nuance, apportée par Aristippe Bernier de Maligny dans le Nouveau manuel théâtral théorique et pratique publié en 1854:


samedi 22 juin 2024

État d'âme

On regarde les autres.
On se compare.
Toujours. 
Même s'il n'y a pas d'enjeu.

Pourquoi?
C'est comme ça.

Suis-je trop?
Suis-je pas assez?
Les (remises en) questions se font nombreuses.

Où est-ce que je me situe dans ce milieu?

Je ne donne pas dans l'emphase.
Je ne suis pas expansif.
Je suis plutôt flegmatique.

Ma passion est froide.
Déterminée, oui.
Sans excentricité.

Je ne suis pas un animal grégaire.
Pas un être de groupe.
Pas un être d'amis. 
Je n'ai pas d'entourage à proprement parlé.

Mon théâtre est affaire de collègues.
De professionnels.
De travailleurs. 

Pas de retrouvailles.
Pas d'effusions.
Pas de familiarité. 
Pas de liens personnels.
Pas de collégialité.

Du théâtre.
Par le théâtre.
Pour le théâtre.

Je suis allergique à l'art comme recherche sur moi.
L'art comme quête spirituelle.
L'art comme croissance personnelle.

Ma reconnaissance est dans mon application.
Ma gratitude dans mon engagement. 

Mes salles de répétition n'ont pas à laisser entrer le quotidien.
La séparation est nette en la vie réelle et celle en devenir.

Je suis exigeant.
Toujours.
Avec des attentes élevées.
Intransigeant devant l'incompétence.
Sévère devant la paresse.
Intolérant face aux pertes de temps.
Au je-m'en-foutisme qui apparaît parfois.

Mais.

Avec une patience quasi inépuisable pour le boulot.
Une sensibilité à l'état de mes interprètes.
Une attention au contexte de travail.
Une souplesse pour accommoder mes comédiens.

Parce qu'il y a aussi une vie réelle à côté de celle en devenir.

Mon théâtre n'est pas loisir.
Le plaisir se déploie dans la rigueur.
Le professionnalisme à l'avant-plan.

Dans ce cadre, j'accorde toute ma confiance à mon équipe.
Et mon soutien est entier.
M'assurant que tous arrivent à bon port. 
Avec le plus d'aisance possible.

Pour moi le théâtre n'est pas événement.
N'est pas une fête.
Il n'est pas exceptionnel en ce sens où il est constant.
Omniprésent dans ma vie.

Je suis, je pense, fortement façonné par le théâtre.

C'est un outil de travail.
Un mode d'expression.
Une façon de penser.

Un mode de vie.

Et pour cette raison, une façon d'être.

Le contentement m'est étranger.
Tout comme la satisfaction. 

Parce que le théâtre est mouvant.
Instable. 
Nerveux.
Vivant.

Avec un but à atteindre.

Et c'est pour ça qu'il me plaît autant. 
Et qu'il me désespère.

dimanche 16 juin 2024

Mise en garde!

Voici un extrait d'une lettre publié dans Le bien public, journal trifluvien, en ce 9 avril 1914. Il faut lire avec attention cette mise en garde contre le théâtre qu'un membre de l'ACJC adresse à un ami... d'autant qu'il avoue ne pas fréquenter ce théâtre dont il parle!



samedi 15 juin 2024

Parlons moralité, disent-ils!

Voici un autre petit morceau d'éloquence, tiré du Monde illustré du 30 janvier 1892, qui dépeint le théâtre - ô surprise - comme une école du vice et de l'immoralité (avec, au passage, une diatribe contre la Divine):


Ce que les âmes de l'époque devaient être fragiles...

samedi 8 juin 2024

Les spectacles «de curiosités»


Aux côtés du théâtre, au XIXième siècle, existait un genre vaste et disparate, pour rassembler les  multiples autres manifestations spectaculaires: le spectacle de curiosité

Le spectacle de curiosité, c'était donc les cycloramas (comme le Cyclorama de Jérusalem de Ste-Anne-de-Baupré), les feux d'artifices, les foires et ses exhibitions de toutes sortes (la femme à barbe, l'homme élastique, les monstres, les jongleurs et acrobates, etc.), les lanternes magiques, etc. 

Pour plonger dans ce beau monde étrange et - son nom l'indique bien! - curieux, il y a ce site

mardi 4 juin 2024

De la «réplique» à l'«implique»


On en a marre des répliques qui veulent tirer les vers du nez à une autre réplique au lieu de crier elles-mêmes le secret qu'elles connaissent. Il faut charger toutes les douilles vides avec de l'explosif jusqu'au bord. Il faut contraindre chaque phrase prononcée par un acteur d'être
complète, enfermée sur elle-même. [...] On remplace ici des répliques qui répliquent par des impliques qui s'impliquent en-elles-mêmes et qui ne répliquent plus à personne. [...] Je déteste le dialogue qui permet à n'importe quel crétin d'avoir son mot à dire. [...] Chaque implique se défend solitaire, car elle garde confiance dans la force de celle qui suit. Toute répartie est murée vivante dans son soliloque étroit[...] Chaque implique est le contraire d'un dialogue et non l'élément de sa composition. En additionnant des impliques on n'obtient pas des dialogues, mais des multilogues, des polylogues. 
(Isidore Isou, Oeuvres de spectacles, Gallimard, 1964)

C'est là, je trouve, un concept bien intéressant que celui de l'implique. Particulièrement pour le théâtre dit contemporain. Ça modifie le rapport au texte en ce sens où la parole ne fait plus avancer une action mais est action en soi

(Pour savoir qui est Isidore Isou, dramaturge et poète, c'est ici.)

lundi 3 juin 2024

Traduire la réalité en évitant l'illusion

J'ai vraiment beaucoup de plaisir, ces temps-ci, à lire les Écrits sur le théâtre de Bertolt Brecht, paru chez L'Arche, édition de 1972. J'en achève le premier tome (de deux). 

Brecht, je l'ai toujours lu en dilettante. Parce que c'est un incontournable... mais qu'on ramène (comme bien d'autres de ces immenses théoriciens) systématiquement qu'à deux ou trois éléments qui en deviennent fortement stéréotypés. Dans ce cas-ci, il s'agit du théâtre épique et surtout, du concept de distanciation

Pourtant, sa pensée est d'une richesse impressionnante, développée sur plusieurs décennies de pratique. Et il est étonnant, avec le recul, de constater à quel point elle a percolé dans le théâtre occidental à partir des années '30, '40 et '50.

Avec Brecht, le théâtre doit s'assumer comme théâtre, oeuvre de traduction malléable tout en étant une construction rigoureuse qui n'a pas à chercher l'illusion. Comme dans ce passage:

Bien des décorateurs mettent leur point d'honneur à ce qu'en voyant leur plateau, on se croie en un endroit réel de la vie réelle. Mais ce qu'ils devraient obtenir, c'est qu'on se croie dans un bon théâtre. Ils doivent même obtenir qu'un un endroit réel de la vie réelle on se croie au théâtre. [...] Au théâtre, beaucoup de choses relèvent de l'imitation. Tout comme les comédiens, les décorateurs doivent savoir que l'imitation ne peut qu'être affaire d'imagination, qu'elle doit comporter un élément de transformation. Inversement, la liberté doit impliquer une certaine nécessité. Le théâtre possède ses propres règles du jeu qui, pourvu qu'elle se présentent bien comme telles, peuvent à tout moment être complétées ou révisées. 





dimanche 2 juin 2024

Une bonne pièce...


 Ce petit morceau d'éloquence sur la difficulté de plaire à tous, vient d'un ouvrage publié en 1879, Entre deux spectacles - Esquisses théâtrales, par Justin Bellanger.



vendredi 31 mai 2024

L'exercice du premier enchaînement

Hier soir, avec l'équipe de la production estivale 2024 du Théâtre 100 Masques, nous nous sommes astreints à l'exercice du premier enchaînement. De cette première fois où l'on voit, dans le bon ordre, l'ensemble du spectacle à venir. De cette première fois où s'inscrit, en temps (quasi) réel, le déroulement de la pièce. 

C'est toujours laborieux. Long. Souvent souffrant (mais ce ne fut pas notre cas). Parce que le rythme général est rarement bon. Parce que c'est lourdaud, malhabile. Parce que la disparité entre les scènes est souvent grande. Parce que les liens entre les personnages, leur(s) enjeu(x) et leur(s) action(s)s s'exposent dans un tout jusque là inaccessible (ou accessible que par fragments). Parce que le ton global souffre d'enflures, de manque de vigueur, de surjeu. Parce que le contrôle de l'interprète est encore à consolider.

C'est un passage obligé. Un mal nécessaire. Exigeant. 

Mais malgré tout, ça reste un essentiel des répétitions qui dessine, avec clarté et force, le travail à venir dans les prochains jours, les prochaines semaines. C'est une loupe sur les éléments à revoir, à peaufiner. C'est un indicateur de ce qui fonctionne et ce qui entrave la future représentation. C'est une synthèse qui s'incarne enfin et qui pointe les ajustements tant dans la forme que dans l'interprétation. 

C'est, en d'autres mots, un nouveau point de départ.

mercredi 29 mai 2024

Quand le comédien décroche.


J'imagine que tout le monde a déjà vu un spectacle - comédie ou pas - où, en plein milieu de la représentation, l'interprète décroche de son rôle et se met à rire de façon incontrôlée, entraînant à sa suite ses partenaires et les spectateurs. Ce sont toujours là des moments marquants. Des petits moments de complicité réelle entre la salle et la scène. 

Mais le metteur en scène ne le prend pas toujours de la même manière!

Voici ce qu'en disait un grand metteur en scène russe, Evgueni Vakhtangov, dans son carnet de notes, le 21 novembre 1918 (extrait de ses Écrits sur le théâtre, paru en 2000 chez L'Âge d'Homme, p. 226):

Un fou rire sur scène, si c'est un hasard, c'est encore compréhensible et pardonnable.
S'il se reproduit à la représentation suivante, c'est du laisser-aller.
Mais s'il perdure à la troisième représentation, c'est vulgaire.
Je sais par expérience que le rire sur scène est toujours le fait d'un seul.
Cela signifie que parmi vous quelqu'un se permet des singeries.
Cela signifie encore que vous tous qui vous laissez gagner par le rire exigez trop peu de qui met le pied sur la scène.

Moi je suis de ces metteurs en scène qui vont rire la première fois. Juste une fois. Et qui passera rapidement au regard critique et au rehaussement des exigences. Parce que le spectacle est une construction, un jeu de dynamiques et de rapports entre les partenaires, une question de rythme(s)... qui supporte fort mal les digressions.

dimanche 26 mai 2024

De Boccacio à Molière... ou de Molière à Boccacio


Pour écrire son George Dandin, en 1668...

George Dandin regrette d'avoir épousé Angélique et de sans cesse subir le mépris de cette dernière et de ses parents. Surprenant Lubin sortant de chez lui, il l'interroge et apprend, sans dévoiler son identité, que sa femme entretient une correspondance avec Clitandre, et que Lubin courtise Claudine. Accablé, il se plaint auprès de ses beaux-parents, lesquels fustigent d'entrée son habituel manque de savoir-vivre et sa basse condition.

Plus tard dans la journée, toujours grâce à Lubin, George Dandin apprend que Clitandre est allé rejoindre Angélique chez elle. Il avertit une nouvelle fois ses beaux-parents, qui, en arrivant, surprennent Angélique et Clitandre quittant sa maison. Apercevant ses parents, Angélique feint de se défendre verbalement contre Clitandre et, pour appuyer ses protestations de femme vertueuse, se saisit d’un bâton pour le frapper. Clitandre pousse George Dandin entre eux, et c’est sur lui que tombent les coups de bâton généreusement administrés par Angélique. Les parents, ravis, félicitent leur fille, et il s'en faut de peu que George Dandin ne soit obligé de remercier Angélique de son comportement exemplaire.

Clitandre et Angélique se sont donné rendez-vous de nuit à l’extérieur de la maison. Au bruit de la porte, George Dandin se réveille et aperçoit les deux amants. Certain que sa bonne foi triomphera, il dépêche discrètement à Colin de prévenir ses beaux-parents, tandis qu'il verrouille la porte de leur chambre conjugale, empêchant le retour d'Angélique. Quand Angélique revient, elle trouve porte close et son mari, George Dandin, à la fenêtre. Quand il lui apprend que ses parents vont bientôt venir, elle dit qu’elle préfère se tuer avec le couteau qu’elle possède plutôt que le déshonneur, et elle feint de le faire. La nuit est noire, et Dandin descend pour voir si sa femme s’est vraiment tuée. Celle-ci en profite pour entrer dans la maison et verrouiller la porte derrière elle. Quand les beaux-parents arrivent, ils trouvent Dandin dehors et Angélique à la fenêtre. Elle se plaint à ses parents que son mari rentre souvent ivre et nu la nuit. Après avoir été sévèrement réprimandé par ses beaux-parents, George Dandin est encore obligé de présenter ses excuses, cette fois à genoux devant sa femme.

... Molière a ressorti de sa malle une petite farce antérieure, écrite quelque part entre 1650 et 1660: La jalousie du Barbouillé pour la pousser plus loin...

Le Barbouillé est marié avec Angélique. Mais il n'est pas satisfait de sa femme qui, dit-il, le fait enrager. Il demande au docteur son avis sur la façon de la punir. À la scène suivante, on voit apparaître Angélique, qui se plaint également de son mari à son amant Valère. Le Barbouillé revient et se plaint de la présence de Valère. Gorgibus, le père d'Angélique, ne peut dissiper la dispute. Le docteur qui veut s’en mêler est traîné hors de scène par Le Barbouillé. Angélique se décide à aller à un bal, où elle espère retrouver Valère. Au retour, elle trouve porte close, et son mari à la fenêtre, qui refuse de la laisser entrer. Elle fait semblant de se donner la mort avec son couteau, et Le Barbouillé, incrédule, descend voir ce qu'il en est. Angélique en profite pour entrer dans la maison et fermer la porte derrière elle. La situation est alors inversée : c'est Le Barbouillé qui est maintenant dehors. Angélique se plaint à son père qui est revenu, que son mari ne rentre qu'à cette heure, ivre. Le Barbouillé, ne pouvant se justifier, enrage.

 Mais il faut savoir que le schéma de celle-ci a été tiré de la quatrième nouvelle de la septième journée (on peut la trouver ici) du Décaméron de Boccacio (1313-1375), Le Jaloux Corrigé:
Il y avait autrefois dans la ville d’Arezzo un homme riche, nommé Tofano, marié depuis peu à une jeune et belle demoiselle, nommée Gitta, dont il devint aussitôt extrêmement jaloux, on ne sait trop pourquoi. La femme, qui ne tarda pas à s’en apercevoir, en eut beaucoup de déplaisir et se crut offensée. Elle lui demanda plusieurs fois le sujet de sa jalousie ; mais elle n’en tira jamais que ces raisons vagues que les hommes ont coutume d’alléguer en pareil cas. Fatiguée de se voir continuellement la victime d’une maladie d’esprit à laquelle sa conduite n’avait aucunement donné lieu, elle résolut de punir son mari, en lui faisant subir le sort qu’il redoutait sans en avoir le moindre sujet. Dans ce dessein, elle jeta les yeux sur un jeune homme fort aimable, qui avait pour elle de l’inclination, et qu’elle avait dédaigné jusqu’alors. Elle lui fit savoir secrètement ses dispositions. Elle mit en peu de temps les choses en tel état, qu’il ne leur manquait plus qu’une occasion favorable pour être parfaitement heureux. Entre les défauts de son mari, la belle avait remarqué qu’il aimait fort à boire : non-seulement elle lui laissa suivre son penchant à cet égard, mais elle le favorisa de son mieux, pour tourner au profit de l’amour les moments de liberté qu’elle aurait pendant son ivresse. Le jaloux s’accoutuma si fort au vin, qu’elle l’enivrait quand elle voulait ; et, quand il était ivre, elle le faisait coucher. C’est par ce moyen qu’elle vint à bout de voir son amant, et de passer avec lui les moments les plus agréables. Le succès de ce manège lui inspira une telle confiance, que, non-seulement elle le faisait venir chez elle, mais qu’elle allait quelquefois le trouver dans sa propre maison, qui n’était guère éloignée de la sienne, et où elle passait la plus grande partie de la nuit.

Cependant le mari, s’étant aperçu que lorsqu’elle le faisait boire elle ne buvait jamais, commença à avoir des soupçons, et se douta de ce qui se passait. Pour s’en convaincre, il passa une grande partie de la journée hors de chez lui sans boire, et se rendit le soir dans sa maison, chancelant et tombant, comme s’il eût été véritablement ivre. Il continua de jouer si bien son personnage, que sa femme, donnant dans le panneau, crut qu’il n’était pas nécessaire de le faire boire davantage, et le fit coucher incontinent. Il ne fut pas plutôt au lit, et avait à peine fait semblant de s’endormir, que la femme sortit de la maison et courut chez son amant, où elle demeura jusqu’à minuit. Tofano, ayant entendu ouvrir la porte, se leva dans l’intention de surprendre sa femme avec quelque galant. Étonné de voir qu’elle était sortie, et ne doutant pas qu’elle n’eût été le faire cocu, il ferme la porte aux verrous, et va se poster à la fenêtre pour la voir revenir et lui faire connaître qu’il savait à quoi s’en tenir sur sa conduite. Il eut la patience d’y demeurer jusqu’à son retour, quoiqu’on fût alors au commencement de l’hiver. La belle, désolée de trouver la porte fermée, ne savait que devenir. Elle fit de vains efforts pour l’ouvrir de force. Son mari, après l’avoir laissée faire quelques moments : « C’est temps perdu, ma femme, lui dit-il, tu ne saurais entrer. Tu feras beaucoup mieux de retourner à l’endroit d’où tu viens. Tu peux être assurée de ne remettre les pieds dans la maison, que je ne t’aie fait la honte que tu mérites, en présence de tous tes parents et de tous nos voisins. » La dame eut beau prier, solliciter, pour qu’on lui ouvrît ; elle eut beau protester qu’elle venait de passer la soirée chez une de ses voisines, parce que, les nuits étant longues, elle s’ennuyait d’être seule, ses prières et ses protestations furent inutiles. Son original de mari avait absolument décidé dans son esprit étroit de dévoiler aux yeux de tout le monde la conduite irrégulière de sa femme et son propre déshonneur. La belle, voyant que les supplications ne servaient de rien, eut recours aux menaces. « Si tu persistes à ne pas m’ouvrir, lui dit-elle, je t’assure que je t’en ferai repentir, et que je me vengerai de ton opiniâtreté de la manière la plus cruelle. – Et que peux-tu me faire ? dit le mari. – Te perdre, reprit la femme, à qui l’amour venait d’inspirer une ruse infaillible pour le déterminer à ouvrir… oui, te perdre ; car, plutôt que de souffrir la honte que tu veux me faire subir injustement, je me jetterai dans le puits qui est ici tout près ; et comme tu passes avec justice pour un brutal et un ivrogne, on ne manquera pas de dire que c’est toi qui m’y as jetée dans un moment d’ivresse. Alors, ou tu seras obligé de t’expatrier et d’abandonner tes biens, ou tu t’exposeras à avoir la tête tranchée, comme homicide de ta femme, dont effectivement tu auras à te reprocher la mort. » Cette menace ne fit pas plus d’effet sur l’âme de Tofano que les prières d’auparavant. Sa femme le voyant inébranlable : « C’en est donc fait de moi, lui dit-elle ; Dieu veuille avoir pitié de mon âme et de la tienne ! Je laisse ici ma quenouille dont tu feras l’usage qu’il te plaira. Adieu, mon mari, adieu. »

La nuit était des plus obscures ; à peine eût-on pu distinguer les objets dans la rue. La femme va droit au puits, prend une grosse pierre et l’y jette de toute sa force, après s’être écriée : « Mon Dieu, ayez pitié de moi ! » La pierre fit un si grand bruit à l’approche de l’eau, que Tofano ne douta point que Gitta ne se fût réellement jetée dans le puits. La peur le saisit, il court chercher le seau avec la corde, sort précipitamment de la maison et va droit au puits pour tâcher de l’en retirer ; mais la belle, qui s’était cachée près de la porte, ne voit, pas plutôt son mari dehors, qu’elle entre, referme la porte aux verrous et va se tapir à la fenêtre, d’où elle crie d’un ton à persuader qu’elle était de mauvaise humeur : « C’est lorsqu’on boit le vin qu’il faut y mettre de l’eau, et non quand on l’a bu ! » Qu’on juge de la surprise de Tofano. Il revint vite sur ses pas, et trouvant la porte fermée, il pria sa femme de lui ouvrir. Elle n’en voulut rien faire et le laissa longtemps se morfondre, comme il l’avait fait à son égard. Le mari insistant et menaçant d’enfoncer la porte, la belle se mit à crier à pleine tête : « Maudit ivrogne, méchant garnement, je t’apprendrai à vivre. Tu ne rentreras pas de ce soir : je suis lasse de ta mauvaise conduite. Je veux enfin te dénoncer à tout le quartier, et lui faire voir l’heure à laquelle tu reviens chez toi ; nous verrons qui de nous deux sera blâmé. »

Tofano, furieux du tour qu’elle lui avait joué, ne ménagea pas les injures. Il lui en dit de toutes les façons et cria si fort, que les voisins, éveillés par le bruit, se mirent aux fenêtres pour voir ce que c’était. La femme ne les eut pas plutôt entendus demander le sujet de ce tapage, qu’elle leur répondit d’un ton larmoyant : « C’est ce vilain homme, ce misérable qui s’enivre tous les jours, et qui, après s’être endormi dans les cabarets, revient presque tous les soirs à cette heure-ci. J’ai longtemps patienté, et me suis contentée de lui représenter ses torts ; mais puisque mes remontrances n’ont servi de rien, et qu’il a lassé ma patience, j’ai voulu aujourd’hui le laisser dehors, pour voir si cette correction serait plus efficace. » Tofano, pour se justifier, conta bêtement tout ce qui s’était passé et menaçait sa femme de la maltraiter si elle le laissait plus longtemps à la porte. « Quelle effronterie ! s’écria-t-elle en s’adressant aux voisins ; que dirait-il donc si j’étais dans la rue et qu’il fût dans la maison ? je vous laisse à juger de son bon sens ou de sa bonne foi ! Il m’attribue précisément ce qu’il a fait lui-même ; c’est lui qui a jeté la pierre dans le puits, croyant sans doute me faire peur ; mais je n’ai pas été dupe de sa supercherie, et vous ne le serez point de son mensonge atroce. Plût à Dieu qu’il se fût jeté dans le puits tout de bon pour y tremper son vin ! je ne serais plus exposée à sa brutalité ! Ce misérable me fait souffrir le martyre depuis que j’ai eu le malheur de l’épouser. »

Les voisins, tant hommes que femmes, jugeant par les apparences, blâmèrent Tofano et se mirent à lui chanter pouilles de ce qu’il parlait si mal de sa femme. Le bruit fut si grand et courut si vite de maison en maison, qu’il parvint jusqu’aux parents de la belle. Ils se transportèrent aussitôt sur les lieux pour mettre fin à cette querelle. Informés par les voisins de la vérité du fait, ils se jetèrent sur le pauvre cornard et lui donnèrent tant de coups, qu’ils faillirent l’assommer. Après cette belle expédition, ils entrent dans la maison, disent à la femme de ramasser tout ce qui lui appartient ; et, après qu’elle leur a remis ses nippes, ils l’emmènent avec eux, faisant entendre à Tofano qu’il n’en serait peut être pas quitte pour les coups qu’il avait reçus. Ce pauvre diable en fut malade et comprit, mais trop tard, que la jalousie l’avait mené trop loin. Comme il aimait beaucoup sa femme, il fit son possible pour se raccommoder avec elle. Il employa ses amis, qui la lui ramenèrent, sur la promesse qu’il leur avait faite de n’être plus jaloux et d’avoir pour elle toute sorte d’égards. Il porta la complaisance si loin, après qu’il eut fait sa paix avec elle, qu’il lui permit de vivre comme elle voudrait, pourvu qu’elle s’y prît de manière à ne l’en pas faire apercevoir. C’est ainsi que ce mari devint sage à ses dépens. Vive l’amour pour corriger les hommes ! et meure à jamais l’affreuse jalousie qui les fait donner dans tant de travers !