mercredi 24 avril 2024

Du théâtre et de la politique... ou du théâtre politique...


Je suis en train de lire un essai fort intéressant: Contre le théâtre politique d'Olivier Neveux, paru en 2019 chez La Fabrique. Sur le tout politique... car, oui, c'est un caractère récurrent du théâtre contemporain... au point même de se dénaturer?  Car il y a politique et politique, non?

Car «tout est politique», ô combien, désormais, dans le théâtre public où l'on «frémit de sensibilité politique». Politique, ce spectacle paternaliste et compassionnel sur tel drame contemporain. Politique, cette oeuvre sexiste et raciste (à moins qu'il ne s'agisse de sa dénonciation, on ne sait plus). Politique, cette moraline républicaine. Politique, cette mise en scène décorative de la dénomination. Politique, ce théâtre participatif et référendaire. Politique, cette dénonciation téméraire des excès de l'argent. Politique, cette pesanteur macabre de messe. Politique, cette vitalité boursouflée. Politique, cette tranche de réalité. Politique, cette relecture des classiques. Et tout aussi bien: politique, ce boulevard. Politiques, ces chuchotements tout aussi bien que ce «son et lumière». Politiques cette table, ce pendrillon, cette canette de bière, cet écran ou ce samovar. En un mot: politique ce théâtre. (p.7)

La première section (de trois) est la plus intéressante: La dé-politique culturelle. C'est une belle analyse de la place du théâtre, dans sa société... mais surtout, dans la vision politique des villes, des états... mais aussi des administrations théâtrales. 

Alors le théâtre? Cet art dont tout le monde se moque, qui n'évoque pour n'importe quel étudiant en commerce qu'un passé très passé, l'ancien monde avec ses perruques et ses alexandrins, à l'image d'un vieillard improductif et gâteux dont l'interminable agonie coûte si cher; cet art que des bureaucrates sensibilisés, effrayés à l'idée d'être ringards, scrutent à l'aune d'une téléologie macabre, pour qui tel pan de sa pratique, de son histoire est définitivement obsolète, qui s'enthousiasme pour des nouvelles et bientôt déjà vieilles technologies, s'extasient devant des «modernités» qui ne sont que des anecdotes de l'époque; cet art qui n'est plus dans le regard des vrais décideurs au mieux qu'un exotique passe-temps, indolore, le prétexte à quelque sortie tardive et conjugale, plus événementielle qu'une banale sortie au cinéma; cet art qui n'est pour beaucoup supportable que lorsqu'il est de stand-up, drôle, évident, conforme à l'attente, ajustée à son teaser, vu la télé; cet art, à quoi peut-il bien encore servir? (p.60)

Il y a, tout au long de l'essai, de bons passages, lucides et bien acérés où il est facile de se reconnaître comme celui-ci:

Du théâtre instrumental... Les artistes dont les projets sont financés par de l'argent public se voient à ce titre, désormais, soumis à une multitude d'obligations positives, d'interventions et d'animations, qui en prison, qui à l'école, en contrepartie du droit à créer. Précarisés, ils constituent une armée de réserve disponible à loisir, corvéable et largement culpabilisée. Certains y trouveront du plaisir, du sens; ils arrivent à faire quelque chose de cette obligation insidieuse. Mais dans cette perspective, l'œuvre est devenue, en elle-même, insuffisante sinon accessoire. (p.63)

À quelques semaines/mois des réponses du CALQ, dans le contexte politico-économique où nous évoluons, il pose de bonnes questions et ouvre de bien bonnes pistes de réflexions.

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