mercredi 31 janvier 2024

Le Soutien à la mission du CALQ!


Quiconque côtoie des gestionnaires culturels ces temps-ci entend sans doute parler de la demande de Soutien à la mission du CALQ à laquelle tous s'adonnent ou presque, dans le milieu professionnel! L'échéance est pour demain, 1er février 2024!

Cette demande, c'est l'espoir de se voir octroyer un soutien récurrent sur 4 ans pour certains, l'aspiration de voir l'exercice se solder par une augmentation pour d'autres. Entre les deux, plusieurs se croisent les doigts pour que les montants accordés les années précédentes restent minimalement les mêmes! 

Il faut dire que cette (très grosse) demande était attendue: le dernier cycle du CALQ prévu initialement pour 2017-2021 s'est étendu, pour les raisons pandémiques que nous connaissons, jusqu'à maintenant, 2024! 

Chose certaine, il y aura embouteillage aux portes du subventionnaire alors que la manne publique providentielle n'est pas sans fonds. Les nouveaux ne se trouveront pas assez soutenus. Les plus vieux pas assez reconnus. Et entre les deux, des surprises dans les deux sens: positives et/ou négatives en regard des portraits présentés.

Concrètement, cette demande (que j'ai faite deux fois plutôt qu'une... pour l'Espace Côté-Cour avant mon départ et pour le Théâtre Les Amis de Chiffon depuis mon entrée en poste) est une véritable radioscopie de l'organisme et projection sur l'avenir. Elle se décline comme suit:

SECTION A – PRÉSENTATION DE VOTRE ORGANISME (50% de la note section A et B)
  • 1.MISSION ET MANDAT (max 250 mots)
  • 2.HISTORIQUE ET FAITS SAILLANTS (max 500 mots)
  • 3.CONTEXTE (max 1800 car.)
  • 4.MOT DE LA DIRECTION ARTISTIQUE (max 4500 car.)
  • 5.PERSPECTIVES 2024-2028 (max 1800 car.)
SECTION B – QUALITÉ ARTISTIQUE 
  • 6.PROGRAMMATION ET ACTIVITÉS PROPOSÉES AU COURS DE LA DERNIÈRE ANNÉE ET DE L’ANNÉE EN COURS (max 6000 car.)
  • 7.PROGRAMMATION ET ACTIVITÉS POUR LES DEUX PROCHAINES ANNÉES DU CYCLE DE FINANCEMENT (max 6000 car.)
  • 8.INNOVATION ET AUDACE ARTISTIQUE (max 1500 car.)
SECTION C – DIFFUSION ET RAYONNEMENT (25% de la note)
  • 9.FRÉQUENTATION DES ACTIVITÉS (max 6000 car.)
  • 10.RAYONNEMENT, RÉSEAUX ET PARTENARIATS (max 1500 car.)
  • 11.APPORT AU TERRITOIRE (max 1500 car.)
  • 12.DIVERSIFICATION DES PUBLICS – POUR LES ORGANISMES QUI OFFRENT DES SPECTACLES EN AUTODIFFUSION (max 1500 car.)
  • 13.ACTIVITÉS DE MÉDIATION ET SENSIBILISATION DE PUBLIC (max 1500 car.)
SECTION D – CONTRIBUTION À LA COMMUNAUTÉ ARTISTIQUE (25% de la note)
  • 14.ACTIONS EN FAVEUR DE LA RELÈVE (max 1800 car.)
  • 15.ACTIONS EN FAVEUR DE L’INCLUSION (max 1800 car.)
  • 16.RÉMUNÉRATION DES ARTISTES ET DES TRAVAILLEURS CULTURELS (max 1800 car.)
  • 17.CONTRIBUTION AU DÉVELOPPEMENT D’UN SECTEUR OU D’UNE OU PLUSIEURS DISCIPLINE(S) (max 3000 car.)
  • 18.PRÉSENTEZ TOUTE AUTRE INFORMATION EN LIEN AVEC L’ACQUITTEMENT DU VOTRE MANDAT (max 1500 car.)
Ça, c'est pour la partie rédaction de la demande, que tous les aspirants remplissent. 

La pondération de chacun de ces blocs (et des éléments qui suivent) positionne l'organisme par rapport aux autres compagnies. Et plus ce classement est haut, plus les chances sont grandes d'être parmi les heureux au terme de l'exercice! L'inverse est vrai aussi... conclusion: il faut scorer! D'où la pression ressentie par ceux qui sont là-dedans présentement!

À la partie écrite se joint un document Excell plus statistique (avec ces éléments pour les organismes de création et de production comme le TAC):

  • IDENTIFICATION, RENSEIGNEMENT GÉNÉRAUX ET DÉCLARATIONS
  • INFORMATION SUR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION
  • STRUCTURE ORGANISATIONNELLE
  • PORTRAIT SOMMAIRE DE L'ORGANISME
  • EFFORTS CONSACRÉS A L'ÉCORESPONSABILITÉ (pratiques de gestion et à venir; pratiques de création et production et à venir; pratiques en lien avec la circulation des oeuvres et à venir; actions en matière de gouvernance)
  • SECTION 6a - PROGRAMMATION 2024-2025
  • SECTION 6b - REVENUS ET DÉPENSES DES ACTIVITÉS DE PRODUCTION 2024-2025
  • SECTION 9a - BILAN DE DIFFUSION (2022-2023)
  • SECTION 9a - PLAN DE DIFFUSION -  SAISON EN COURS (2023-2024)
  • SECTION 9a - PLAN DE DIFFUSION - AN 1 DU CYCLE (2024-2025)
  • SECTION 9b - MÉDIATION CULTURELLE ET ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION (2022-2023)
  • SECTION 9b - MÉDIATION CULTURELLE ET ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION - EN COURS (2023-2024)
  • SECTION 9b - MÉDIATION CULTURELLE ET ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION  - PRÉVISIONNEL (2024-2025)
  •  SECTION 14a - SOMMAIRE DES REVENUS ET DÉPENSES (réel, en cours et prévisionnel).

Puis, comme toutes bonnes demandes qui se respectent, il y a toute la documentation d'appui à fournir qui va du dossier de presse aux états financiers en passant par les différentes politiques de l'organismes et plans de travail. 

Toute cette demande représente des heures et des heures et des heures de rédaction et de réécriture (parce que les réponses sont limitées à un nombre précis de caractère qui impose une concision et une précision chirurgicale du discours). De relectures et de recommencements. De doutes et de soupirs... jusqu'au sentiment d'avoir tout donné... et advienne que pourra! Les réponses quelque part dans le courant de l'été.
 
Courage à tous ceux qui n'ont pas encore terminé! 

dimanche 28 janvier 2024

Quand un maire s'adonne aux malpropretés théâtrales...

L'ultramontain journal La Vérité du 20 janvier 1883 fait mention d'un (autre) scandale venu des affres de la scène:


Le maire, en question, c'est François Langelier, porté à la tête de la Ville de Québec entre 1882 et 1890 (mais qui fut aussi député provincial de 1873 à 1875 puis de 1878 à 1881; député fédéral de 1884 à 1898; lieutenant-gouverneur de 1911 à 1915). 


Quant à l'actrice, c'est probablement celle-ci retrouvé dans L'Électeur du samedi 23 décembre 1882:


Une petite recherche m'amène sur Wikimedia Commons où se trouvent des photographies d'une actrice du même nom... qui est donc fort probablement la même:




Ce serait donc une actrice française, de passage au Québec (et à Québec) dans le cadre de ces grandes tournées internationales de l'époque qui permettaient à ces artistes de faire un bon coup d'argent avant de retourner sur leur scène coutumière.

Voici d'autres informations sur elle par nos bons vieux journaux (qui précèdent, dans les faits, l'article qui ouvre ce billet).

Le Journal de Québec, 4 janvier 1883:


L'Événement, 5 janvier 1883:


Encore L'Événement, 9 janvier 1883 qui y va même d'une comparaison avec Sarah Bernhardt:


L'Événement toujours, 11 janvier 1883:


Et enfin, L'Événement du 13 janvier qui annonce que le maire Langelier accueillera l'actrice:


Mais ce n'est pas tout... car voici un petit (gros) bémol à l'enthousiasme de L'Événement, émis par Le Courrier du Canada (qui rapporte intégralement ce qui a été publié dans le Nouvelliste dont il est question dans le premier article), 16 janvier 1883... et la boucle se boucle:


Alors, qui dit vrai? Grande actrice ou actrice de second ordre? Nul ne sait. J'ai cherché pour en savoir plus sur cette femme. Voici ce que j'ai trouvé:
  • Son nom complet serait Eugénie Marie Seraphié LeGrand.
  • Elle serait née à Paris et son père aurait été un haut-fonctionnaire du gouvernement français, grand mécène des arts.
  • Elle aurait fait carrière en France, à Londres, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
  • En 1873, elle aurait eu un enfant.
  • Elle aurait été mariée, en 1873, quelques semaines seulement à l'acteur anglais Kyrle Bellew (ici), père de l'enfant, avant de divorcer officiellement en 1888.
  • Après son divorce, elle se serait remariée avec Hector Alexander Wilson.
  • Sa date de décès inconnue.


samedi 27 janvier 2024

À un fléau près...

Quel est le plus grand fléau qui nous menace? Les épidémies? La pauvreté et la famine? La violence et le crime? Mais non! 


Cette belle mise en garde contre ce fléau qui menace de s'abattre sur la métropole (qui ne le mérite pas malgré ses turpitudes!) a été publié le jeudi, 8 septembre 1881, dans l'auguste journal La Vérité dont le slogan est Veritas Liberabit Vos - La vérité vous rendra libre.

C'est un de mes grands plaisirs que de me perdre dans les archives numériques de BAnQ et de feuilleter ce type de journal aux accents moralistes!

vendredi 26 janvier 2024

COMTESSE [Carnet de mise en scène]

 

En avril 2020, quelques jours après l'imposition d'un grand confinement national en plein chaos pandémique, j'ai écrit, dans la même veine d'une pièce antérieure (Madame, en 2005), une première version d'un texte qui deviendrait Comtesse - petits récits narcissiques et grand guignolesques. Comme un exutoire. Une autre façon de faire du théâtre... sans théâtre. 

À l'époque, j'étais plongé dans la lecture intensive de mélodrames, tous pétris de préciosité, de ces récits convenus, ces descriptions appuyées qui ont fait le succès du genre. Aussi se retrouve, dans mes pages, un relent certain de ces oeuvres désuètes: des personnages unidimensionnels engoncés dans un manichéisme qui n'est pas à leur avantage, avec une solide propension à parler et parler et parler! 

La création aura pris presque quatre ans à advenir. D'une part parce qu'il me fallait m'y investir... puis surtout parce que ça ne me tentait pas tant de revenir sur le sujet covidien.

Mais le temps passe! Et les désirs reprennent!

Après avoir choisi de programmer ce projet avec le Théâtre 100 Masques, je me suis attaqué à une réécriture importante durant l'été 2023. Une chirurgie syntaxique. Un ciselage des phrases. Un polissage des images. Parce qu'il faut savoir que ce texte repose principalement sur une exubérance verbale. Du coup, il y a, comme objet unique, une langue elle-même structurée, fortement théâtralisée. 

Après tout un jeu de ratures, de coupures, d'ajouts, de reprises, d'effacements j'en suis venu à la présente version. Quelle est est-elle? 

Comtesse, c'est un manifeste - sur un mode radical et arrogant - sur un essentialisme théâtral. Sur les bases fondamentales de l'art dramatique: la présence et la parole comme principal vecteur de la théâtralité.

Comtesse, c'est un défouloir contre les règles et les convenances dans un monde déliquescent (je rappelle le contexte qui présidait à l'écriture)! Le tout en cinq tableaux, comme cinq courtes fables sur le narcissisme épidémique qui s'étend de plus en plus, de l'extérieur vers l'intérieur.  Du monde vers soi... pour ressoudre en mal virulent. Le personnage est là et se dit. À quoi bon le reste?

Comtesse, c'est un pied-de-nez à la petitesse. Une envie du trop.

dimanche 21 janvier 2024

Qu'on se le tienne pour dit!

Ah, la critique!

Toujours trop complaisante pour les uns, trop dure pour les autres. Comme artiste, nous voulons tous qu'elle se penche sur notre travail mais avons plus souvent qu'autrement quelque chose à redire: ce n'est pas une critique, c'est un compte-rendu... on sait bien, nous ne sommes pas bien compris... si nous avions acheté de la publicité, nous aurions une meilleure couverture... le journaliste ne sait pas de quoi il parle... 

Mais il n'y a rien là de nouveau sous le soleil! 

Voici une mise au point - un avertissement? - publiée dans le Montréal Musical du samedi 28 septembre 1912 et adressée aux artistes de l'époque:


La menace doit être sérieuse! Un peu plus loin, dans un fourre-tout paraissent ces entrelignes:





samedi 20 janvier 2024

Comédien-ne vs marionnette



Voici (tirée de l'anthologie Les mains de lumières de Didier Plassard, paru en 1996 aux Éditions Institut International de la Marionnette) une belle description de Meyerhold - il y a longtemps qu'il n'était apparu sur ce blogue - concernant l'art de la marionnette et du questionnement qu'il apporte sur l'art de l'interprète (et vice-versa). Un bel exemple de son théâtre de la convention.

Soit deux théâtres de marionnettes. Le directeur du premier veut que sa marionnette soit semblable à l'homme, dotée de tous ses traits quotidiens et de ses particularités. Tout comme le païen exigeait de son idole qu'elle hochât la tête, le maître des jouets exige de sa marionnette qu'elle émette des sons pareils à la voix humaine. Dans son désir de reproduire la réalité telle qu'elle est, notre directeur perfectionne sans cesse sa marionnette et la parachève, jusqu'à ce que lui vienne à l'esprit la solution la plus simple de ce problème compliqué: le remplacement de la marionnette par l'homme. 

Le second directeur constate que, dans son théâtre, ce qui amuse le public, ce ne sont pas seulement les saynètes pleines d'esprit que jouent les marionnettes, mais aussi ce fait (et peut-être est-ce l'essentiel) que les mouvements et les situations des marionnettes, en dépit de leur intention de reproduire la vie sur scène, n'ont absolument aucune ressemblance avec ce que le public voit dans la vie. 

Lorsque je regarde jouer les acteurs d'aujourd'hui, il m'apparaît toujours clairement que ce que j'ai sous les yeux, c'est le théâtre de marionnettes perfectionné de notre premier directeur, c'est-à-dire celui où l'homme  replacé la marionnette. Ici l'homme ne le cède pas d'un pouce à l'aspiration de la marionnette à contrefaire la vie. Si l'homme a été appelé à remplacer la marionnette, c'est qu'il est le seul capable de parvenir dans la reproduction de la réalité à ce qui n'est pas au pouvoir de la poupée: s'identifier à la vie le plus fidèlement possible. 

Le second directeur, qui a tenté lui aussi d'amener sa marionnette à contrefaire l'homme vivant, n'a pas tardé à s'apercevoir que le perfectionnement de son mécanisme fait perdre à la poupée une partie de son charme. Il a même cru comprendre que la marionnette refusait de tout son être cette modification barbare. Ce directeur s'est repris à temps, quand il a compris que les aménagements avaient des limites qu'il ne fallait pas dépasser sous peine d'en venir à une inévitable substitution de l'homme à la marionnette.

[...] La marionnette ne voulait pas s'identifier complètement à l'homme, parce que l'homme qu'elle représente est un homme inventé. [...] Sur ses tréteaux, c'est comme ça et pas autrement, non pas d'après les lois de la nature, mais parce que telle est sa volonté, et parce que ce qu'elle veut, ce n'est pas copier mais créer.

dimanche 14 janvier 2024

Michel Bélair: des regards en arrière...

 

Voici ma présente lecture: Théâtre en direct - 50 ans de création au Québec de Michel Bélair qui vient tout juste d'être publié chez Somme Toute/Le Devoir

Parce que Bélair a officié pendant quelques décennies à titre de critique théâtral dans le prestigieux journal. Du coup, il a rencontré, au fil de ces années, nombre de grands noms qui ont fait et qui font encore le théâtre québécois (enfin, montréalais). Un spectateur de première loge. Un interlocuteur brillant. Une mémoire active comme le sont - et doivent l'être! - les journalistes culturels.

À l'heure de la retraite, il a puisé, dans la masse d'écrits qu'il a produit, une recension d'articles pour cette publication. L'ouvrage est séparé en 4 parties: Dramaturgie, Mise en scène, Comédiennes et comédiens, Compagnies et festivals. Chaque partie est ensuite divisée en 10 noms importants pour le journaliste. Chaque nom est gratifié de l'explication de sa sélection, du contexte des rencontres puis suivent 2, 3 ou 4 articles.

Il en ressort un fort intéressant portrait impressionniste - parce que ce sont ses choix - du milieu théâtral québécois (enfin, montréalais). Éclaté et pourtant significatif. Nous retrouvons, parmi ces pages, ces grands artistes à des moments précis de leur carrière... comme des zooms sur des éléments charnières, des jalons, qui nous permettent, lecteurs d'aujourd'hui, de mesurer le(ur) chemin parcouru! 

samedi 13 janvier 2024

Une première semaine au TAC!


C'est cette semaine que j'ai pris officiellement la direction du Théâtre Les Amis de Chiffon. Je suis parti, lundi matin, avec mon carton d'objets personnels (on ne déménage pas sans apporter sa tasse à café et ses pantoufles de travail faites par Sophie Châteauvert!) et mon trousseau de clés alourdi pour m'installer dans mes nouveaux espaces, pour faire mon intégration dans cette vénérable institution qui célèbre, en 2024, son demi-siècle d'existence! 

L'arrivée dans un organisme culturel - c'est ma cinquième expérience après le 100 Masques, la SALR, le Côté-Cour et le FMC - reste toujours pareille, avec la fébrilité de se fixer des objectifs opérationnels, la stimulation d'entreprendre un nouveau chapitre, l'enchaînement des projets dans la tête, la période un peu chaotique où tous les dossiers s'empilent et demandent une prise de possession rapide, la rencontre des collaborateurs et la mise en place d'un nouveau fonctionnement. Il y a aussi, dans ce cas, le poids d'être à la hauteur de l'Histoire du TAC et de ses générations d'artistes et de petits spectateurs... de quoi ficher de l'anxiété même au plus endurcis.

Alors j'ai triché pour avoir une entrée en poste performante!

Il faut savoir que comme tous les organismes culturels soutenus à la mission par le CALQ, le TAC doit déposer une nouvelle demande pour couvrir le prochain cycle (2024-2028). L'échéance approche à une vitesse grand V: le 1er février (ce qui me laisse, si mon compte est bon, 23 jours)!

Dès la confirmation de mon embauche, en décembre, je me suis donc attelé à trois tâches majeures: 
  • lire et faire le tri de quantité de documents liés au TAC (rapports annuels, documents constitutifs, états financiers, courriels de direction) pour avoir une idée du positionnement actuel de l'organisme avant de m'attaquer à la demande (qui comporte une bonne part de reddition);
  • établir une ébauche cohérente de programmation (d'objectifs) sur quatre ans pour savoir où je veux amener le TAC;
  • et enfin, budgéter la première année (2024-2025) - et prendre du coup la mesure des différents paramètres édictés par les grandes associations comme l'UDA, l'AQAD et l'APASQ - parce qu'il me faut m'assurer que mes projets soient viables financièrement. 
Depuis lundi donc (jour où s'est notamment tenu mon premier conseil d'administration pour faire approuver mes orientations et me donner les outils pour avancer), je suis dans la rédaction à temps plein. Mais je ne m'en plains pas: j'aime ce type d'exercice de rationalisation et de projection que je perçois comme une mise en scène de l'organisme où s'entremêlent forme (structure, organigramme, programmes) et contenu (projets, objectifs, discours), conception (manières de nous y prendre) et distribution (au sens large de qui fera quoi). Ça aura le mérite de m'avoir fortement imposé la réflexion du pourquoi de mon intérêt et de mes visées.

Finalement, les pages se noircissent allégrement, avec plus de facilité que ce que je craignais! 

Au point où je me suis même permis d'entreprendre une autre tâche importante: faire de la place (physique et mentale!) en triant les documents qui emplissent armoires, bibliothèques, classeurs et chemises pour faire éventuellement (et certainement) un dépôt d'archives! Cinquante ans, ça en laisse, des traces! Futile? Pas vraiment. Là aussi, c'est un labeur (presque nécessaire) qui m'intéresse et me plaît parce qu'il me permet une plongée drastique et fichtrement efficace dans les méandres de l'organisme, de m'en constituer - presque par osmose! - un bagage de connaissances intimes qui me serviront tout au long de mon parcours avec le TAC! 

Me voilà donc à mon premier weekend de ma nouvelle vie!

dimanche 7 janvier 2024

Credo pour le théâtre (de Charles Dullin)

 

Portrait de Charles Dullin (1885-1949), acteur et metteur en scène par Constant Le Breton (1985)
L'image vient de ce site.

Parmi les grands noms du théâtre moderne français, il y Charles Dullin, acteur et metteur en scène qui, en compagnie de ses collègues du Cartel (Louis Jouvet, Gaston Baty et Georges Pitoëff), réformera l'art dramatique en mettant au centre de son travail le texte (et principalement les oeuvres du passé) et une vision forte de l'esthétique scénique et de la rigueur de sa pratique. 

Voici deux passages éloquents de cette affirmation, tirés de la petite plaquette Charles Dullin de la collection Mettre en scène chez Actes Sud-Papiers:

[p. 64-65] Mesdames, messieurs, quand je dis: «Il faut sauver le théâtre», je me dois d'en donner quelques raisons. La raison principale, c'est la passé qui nous la fournit. Peut-on évoquer la Grèce sans parler d'Eschyle? L'Angleterre aurait-elle la même figure sans Shakespeare? Le XVIIe siècle ne doit-il pas beaucoup à nos plus grands dramaturges? Entre toutes ces périodes éclatantes, le théâtre a subi des éclipses. Il a traversé souvent des siècles de nuit. Pourquoi est-il toujours revenu à la surface d'une manière aussi éblouissante? C'est parce qu'il est une des formes les plus sensibles de l'expression humaine, une des formes les plus vivantes de l'art. On retrouve le théâtre à l'origine de toutes les civilisations. Il répond à ce besoin des êtres de s'épancher, de sortir d'eux-mêmes. 

[...] Les commentaires du professeur le plus éminent ne remplacent pas la vie que prête un acteur à un personnage; une bonne représentation de Hamlet vaut mieux que tous les commentaires que les siècles ont accumulés. Ce n'est pas que dans les livres qu'il faut réserver une place au théâtre, c'est sur la scène.

samedi 6 janvier 2024

De Marcel Dubé... et du reste

Je me suis rendu au bout - lecture du temps des Fêtes! - de Marcel Dubé - Écrire pour être parlé de Serge Bergeron paru il y a quelques semaines.


Lire la biographie de Marcel Dubé, c'est rester avec une étrange impression: assister, page après page, au déclin exponentiel et irréversible d'un auteur dramatique. C'est rester avec une étrange impression: comprendre comment il est possible de passer de la lumière des projecteurs à l'ombre insidieuse de l'oubli... et souvent, par sa propre faute. C'est rester avec une étrange impression: prendre acte d'une œuvre colossale qui n'a pas été en mesure de traverser le temps. 

La vie de Dubé s'entrelace autour de succès prodigieux et, en parallèle, autour d'amertumes successives et de poursuites de chimères inaccessibles sur fond constant de manque d'argent.

Puis autour d'un combat, dans les années '60 et '70: celui de la langue parlée dans le théâtre québécois... avec un français correct (et littéraire) contre la pratique joualisante envahissante! Mais ce combat, à l'heure du grand bouleversement des Belles-Soeurs de Michel Tremblay, relèguera à tort ou à raison Dubé dans une écriture et des propos jugés désuets et dépassés. 

Monumental et incontournable, Dubé apparait dans cette brique terriblement humain et d'une affligeante vulnérabilité qui prendra plusieurs formes: physique, artistique, amoureuse, financière...

Cette biographie, sera une frappante illustration de la précarité du milieu culturel où le succès du jour ne garantira jamais celui de demain. Où les projets s'élaboreront à la chaîne sans jamais avoir la certitude de se rendre jusqu'à leur réalisation. Où l'artiste avancera parfois en s'enfermant lui-même dans un carcan qu'il sera difficile de quitter.

Une triste vie. 

vendredi 5 janvier 2024

J. P. Filion ou Les aléas de la vie d'un Censeur Municipal

Hier, j'ai publié un petit article publié en août 1931 où le Censeur Municipal des théâtres donne les grandes lignes de son encadrement. Et cette lettre est signé J. P. Filion. Qui est-il? 

Joseph-Philéas Filion est un grand nom de l'histoire du théâtre au Québec qui revient constamment: acteur réputé, il fait partie de nombreuses troupes dans cet âge d'or du début du XXième siècle, belle époque du mélodrame et du théâtre à la chaîne. Il participe à de très nombreux spectacles et y côtoie les autres grands noms: Julien Daoust, Palmiéri, Blanche de la Sablonnière, Fred Barry, Albert Duquesne, Léon Petitjean, Paul Cazeneuve. (Une biographie complète se retrouve ici.)

Le 26 février 1930 survient un scandale de moralité comme en témoigne ce reportage paru le lendemain dans La Presse (pour plus de détails, retour sur mon blogue):


Suite à cet événement, la Ville de Montréal crée, via son service de police (où il y a une Escouade de la moralité depuis 1909), le poste de Censeur Municipal pour les théâtres pour éviter toute autre attaque à la bonne vertu du peuple par le biais de la scène! La Patrie du 28 mai 1930 annonce que le premier (et seul, nous le verrons!) titulaire sera Filion qui passera ainsi de la lumière de la scène au côté obscur de la Force morale:


Le Devoir du 9 juillet 1930 confirme cette nomination:


Plein de bonnes intentions, Filion y va, dans Le Devoir du 24 juillet 1930, de ses objectifs:


Filion ne perd pas de temps et s'applique à la tâche. Le Devoir du 23 septembre 1930 annonce la fermeture d'un théâtre comme réprimande:


Pour plus de détails sur cette fermeture, il faut lire L'Illustration du 11 novembre 1930:


Le 29 novembre 1930, Filion publie, dans La Presse une lettre où il explique son travail selon son point de vue (je ne publie ici que cette partie en omettant la longue introduction où il raconte l'histoire de la censure à remontant à Philippe LeBel!):


La Presse du 9 février 1932 rappelle, en dix points qu'il faut lire comme les dix commandements de la vertu!, ces nouvelles mesures qui s'appliquent aux théâtres de la Ville (un peu dans la lignée de l'article publié hier) et qu'il faut, selon La Patrie du même jour, afficher dans les théâtres, sur la scène et dans la salle et respecter sous peine sévère:


Ses activités de censeur laisse à Filion assez de temps pour s'occuper de la mise en place d'une bibliothèque dédié au théâtre tel que le rapporte La Patrie du 12 novembre 1932:


Le Canada du 21 février 1934 fait mention d'une autre action de Filion...


... mais il semble que son travail ne soit pas au goût de tous et certains osent le critiquer comme le rapporte L'Ordre du 24 mars 1934:


Voici un autre sujet à débat - et pas des moindres puisqu'il s'agit de la pièce la plus jouée à l'époque! - que nous rappelle Le Devoir des 9 et 10 juillet 1934:



Mais ça semble grenouiller autour de Filion. Voici ce qu'en dit L'Ordre du 19 septembre 1934 (et plusieurs autres journaux publient des articles similaires):


Filion restera en poste. Respecté en tant qu'artiste renommé, respecté comme censeur, il participe au fil des années à de nombreuses manifestations artistiques, donnant des conférences et des entrevues sur différents sujets touchant le théâtre. Le 2 décembre 1939, Radiomonde publie une entrevue où il donne son opinion sur le milieu théâtral d'alors (la fin des années '30 coïncide avec la remise en question d'un fonctionnement épuisant qui alignera ce milieu hyperactif vers une professionnalisation):


Le 6 novembre 1940, il passe l'arme à gauche. Parmi les articles sur cette disparition, voici celui de La Patrie, le lendemain:


Pendant dix ans, il aura occupé ce poste de Censeur Municipal des théâtres... poste qui ne lui survivra pas si l'on se fie à La Patrie du 8 novembre 1940:


La disparition de ce poste ne signifie évidemment pas la fin de la censure. De nombreux autres cas surviendront dans les années suivantes (les plus importants seront en 1967 avec les Saltimbanques et les Ballets Africains) mais ils reviendront à l'Escouade de la moralité (créée en 1909) au sein de la Police de Montréal.

jeudi 4 janvier 2024

Quand le Censeur Municipal guette!

Les directeurs de théâtre ne pourront pas dire, en cette Rentrée 1931, qu'ils n'ont pas été avertis! Voici ce que publie Le Petit Journal, le 9 août de cette année-là, de la part de M. J.P. Filion, censeur municipal (rien de moins!):


Je reviendrai, dès demain, sur ce poste! 

mercredi 3 janvier 2024

Le mal du journalisme culturel... en 1923

Voici un sévère article du Devoir (du 7 août 1923) sous la plume de Gérard Pelletier) contre les autres journaux catholiques qui participent - pour l'argent, toujours l'argent! - à l'immoralité ambiante des théâtres en début du XXe siècle. `

Bien que ce soit l'un de mes sujets de prédilection que ce combat contre le mal du théâtre, cet article est intéressant parce qu'il appelle, il me semble (en faisant abstraction, en un sens, de la moralité), à une meilleure et plus rigoureuse couverture journalistique du théâtre au lieu de leur complaisance qui s'achète manifestement... 

Un siècle plus tard, où en sommes-nous?



mardi 2 janvier 2024

Quand Marcel Dubé parle de son théâtre (et de ses personnages)!

Photographie de Marcel Dubé tirée de BAnQ

Enfin, pas tant de son théâtre (ou de ses personnages) que du milieu canadien-français dans lequel celui(ceux)-ci évolue(nt).

Fort engagé politiquement pour les associations d'artistes et d'écrivains de son temps... chroniqueur acéré pour différents médias... auteur (archi)prolifique d'articles, de scénarios documentaires, de traductions, de téléthéâtres, de téléromans et bien entendu, de pièces dramatiques dans une époque où tout était à faire... pendant une vingtaine d'années, Dubé a transcrit - sans fard et sans ménagement - sa vision de son pays et de ses habitants, et c'est là que réside la force de son oeuvre. 

Voici, en deux passages puissants (tirés de la biographie Marcel Dubé - Écrire pour être parlé de Serge Bergeron qui vient de paraître chez Léméac) , comment il définit, au milieu des années '60 (en faisant référence à sa pièce Les Beaux Dimanches), son travail par rapport à la société d'alors:

[Page 201] Il aurait été facile pour moi de ne m'en tenir qu'à une classe de la société canadienne-française, la classe défavorisée. Je me suis efforcé au contraire de toucher divers milieux. Mais c'est finalement le même milieu canadien-français. Et le milieu canadien-français, je le vois comme ça, larvaire, incapable d'exprimer, sans force et sans culture, une société qui se survit - dans les classes privilégiées du moins - en prenant un coup et en convoitant la femme du voisin. Mon théâtre témoigne d'une servilité à un empêchement d'être. Mes personnages vivent une dépression initiale, essentielle. Même s'il est destruction et préconscience, mon théâtre est un appel à la vie et à la conscience, mais je ne sais pas quelle est cette vie, quelle est cette conscience. Mes personnages sont des ratés qui vivent leur destin jusqu'au bout. Tout chez eux part de l'émotivité et retourne à l'émotivité. Moi, j'écris au niveau des viscères.

Quelques années auparavant, en 1960, il y allait de cette autre description (toujours tirée du même bouquin), comme une variation sur le même thème:

[Page 155] L'homme d'ici, qui finira un jour par être semblable à celui d'ailleurs. L'homme abîmé et soumis que l'on rencontre au détour de la vie quotidienne. L'homme à demi vaincu qui a fumé patiemment l'opium de son histoire. L'homme qui sourit et qui souffre sans savoir pourquoi, devant qui les politiques et les clercs ont fait miroiter les illusions d'une grandeur à toute épreuve et d'une victoire inachevée. «Ton histoire est une épopée», lui demande-t-on de chanter sans cesse, tout en s'assurant qu'il continuera d'y croire et qu'il en restera là. Replié au fond de sa petite paroisse, protégé par l'ignorance que les élites ont cultivée chez lui avec amour, il croit posséder la seule vérité et la seule façon de vivre, pendant qu'à son insu, alors qu'il sommeille dans une assurance béate, les puissances mercenaires de la ruse, qu'il ne se soucie plus de reconnaître, tentent d'accaparer sa patrie, morceau par morceau. Ses droits, ses libertés à la petite semaine, on va les lui laisser pourvu que l'on reparte avec une bonne livre de chair fraîche.

Quand on lit tout ça, l'envie est grande de partir à la conquête de ce répertoire! Parce qu'il me semble avoir là de bonnes clés pour appréhender ses textes et ses personnages.

De mon analyse tout à fait personnelle et subjective, c'est un répertoire fortement inscrit au seuil de la Révolution Tranquille (pour une grande part). Un théâtre qui se pose comme un premier jalon, une reconnaissance des faits, d'un état tout déprimant soit-il... pour qu'advienne - si possible - une mutation, une transformation que certains appelleront avenir meilleur