mercredi 10 octobre 2012

Du théâtre à la langouste...

 Signature de Sacha Guitry

Dans une de ses courtes pièces écrite autour de 1940, L'École du mensonge, Sacha Guitry met en scène un auteur dramatique qui se doit d'expliquer à une jeune femme (qui le talonne pour avoir un rôle dans sa prochaine création) ce qu'est le théâtre:

[...­] Ah! ah! Vous voulez faire du théâtre? mademoiselle!... Non, certes, ce n'est pas moi qui vous en dirai du mal, mais je voudrais vous mettre en garde contre une erreur que l'on commet souvent. Faire du théâtre, c'est très joli, cela! Mais dites-vous bien qu'on ne peut faire du théâtre aussi facilement qu'on peut faire de la peinture, par exemple... Oh! Je ne prétends pas que ce soit facile de peindre, grands dieux, mais je vous ferai observer que pour peindre, on est tout seul... et que personne ne peut vous empêcher de mettre des couleurs à tort et à travers sur une toile... tandis que, pour jouer la comédie, il faut être d'accord avec un grand nombre de personnes. On peut se cacher pour peindre...  pour jouer la comédie, il faut justement se montrer. Le théâtre ne peut jamais être considéré comme un art d'agrément... car ce n'est pas l'agrément de celui qui l'exerce, mais bien le plaisir de ceux qui en sont les spectateurs. [...] Je ne doute pas que vous ayez de grandes dispositions pour le théâtre... Vous l'adorez, c'est déjà une qualité... et je vous en félicite. Mais je vous ferai observer qu'il y a des gens qui adorent la langouste et que la langouste n'aime pas. [...]

Quelle délicieuse (c'est le cas de le dire) phrase que cette finale... en quelques mots, c'est tout Guitry (et l'esprit français): cinglant, terriblement ironique, avec un véritable contenu sous des airs de superficialité. Ce que je peux aimer cet auteur...