Le Québec a une grande tradition de théâtre amateur. Au début du XXième siècle, il se fait dans les Cercles dramatiques. À cet égard, les rédacteurs de l'Annuaire Théâtral (paru en 1908 sous la direction de Georges-Henri Robert) ont pris la peine de rédiger une page de conseils pour les gens épris de la scène! La voici... avec quelques points que j'ai ciblés pour leur teneur parfois surprenante!
jeudi 30 juin 2016
mercredi 29 juin 2016
Un avis plutôt direct!
Voici un avis paru en première page d'un journal hebdomadaire, Le Théâtre (du 2 janvier 1895) qui n'y va pas avec le dos de la cuillère!
À noter que cette Grandeur qui a refusé est passée (à moins que je ne me trompe sur la personne) sur le trône épiscopal de Chicoutimi quelques années auparavant...
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mardi 28 juin 2016
Nouvelle acquisition
Je viens de recevoir par la poste ce qui devait se classer dans mes lectures estivales (enfin... de vacances...) mais qui sera probablement lu avant même que le rush de fin de saison ne se termine! Il s'agit d'un ouvrage (une autobiographie professionnelle, je dirais) qui traite du parcours de Lorraine Pintal tant comme metteure en scène que comme directrice artistique (depuis plus de 25 ans...) de la plus grande maison théâtrale du Québec: le TNM.
Voici ce qu'en dit la quatrième de couverture:
Lorraine Pintal a consacré sa vie entière au théâtre. Sa carrière, étroitement liée au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), est à l’image du feu sacré qui l’anime : brûlante, débordante et grandiose. Son livre est un récit de vie qui n’obéit pas aux règles de l’autobiographie ou des mémoires. Elle y livre ses réflexions sur le théâtre tel qu’elle le connaît et le pratique depuis le début des années 1970, son histoire, ses enjeux et son devenir dans un contexte en plein essor. Elle témoigne du métier de comédien, des exigences de la mise en scène et des défis de la direction d’une compagnie théâtrale.
Aux personnes qui aiment le théâtre, le fréquentent et veulent mieux le comprendre, elle révèle quelques-unes des ficelles de cet art vivant, sans rompre l’enchantement dans lequel il nous plonge. À ces jeunes qui se découvrent une passion pour le théâtre et rêvent d’y consacrer leur vie, elle dévoile les moteurs de son intelligence créative et fait voir que le théâtre est un maître à la fois exigeant et passionnant.
Telle une Ariane, qui supplanterait les Cassandre qui prédisent la mort du théâtre, Lorraine Pintal nous mène hors du labyrinthe pour nous permettre de nous envoler vers la lumière, comme Icare, munis d’ailes indestructibles.
Bien hâte de voir ce que ça va donner...
dimanche 26 juin 2016
Dans «L'Annuaire Théâtral»
Il y a une revue savante qui se consacre aux arts de la scène, réunissant des articles de divers universitaires et praticiens-théoriciens, publiée par la SQET (Société Québécoise d'Études Théâtrales): L'Annuaire théâtral.
Mais ce n'est pas d'elle que je veux parler.
En fouillant sur internet, je suis tombé dans les archives de la BAnQ sur une autre revue du même nom (qui aurait été une inspiration pour la première citée dans ce billet), datant de 1908-1909, éditée à Montréal par Georges-H. Robert.
C'est là une mine importante d'informations (avec ses 270 pages!) sur le théâtre du début du XXième siècle: adresses, accessoires, biographies, bibliographies, curiosités, croquis, portraits, pensées, réflexions, souvenirs, anecdotes, critiques, chronologies, caricatures, histoire, monographies, spectacles en cours, etc.
Assurément, j'y reviendrai abondamment dans les prochains jours parce qu'il y a dans cette revue de nombreux points d'intérêts. Mais ce matin, je m'arrête dans la section promotionnelle pour mettre ici publicités tentant de lier les produits en question avec le théâtre. Je ne sais pas, par contre, si cette tentative des publicistes de l'époque a porté fruit...
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vendredi 24 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Les jours passent...
Bien que quelques répétitions sont encore au programme de mes activités régulières, mon attention et mes énergies se déploient surtout pour l'entrée en salle qui se fera lundi, le 27 juin.
D'ici là, la place est aux marteaux, perceuses, pinceaux et technique. Car j'aime bien mettre un peu de côté la mise en scène et m'occuper activement des décors et accessoires, toucher la matière. Participer à la réalisation de l'espace et répondre aux exigences de la scène, de la construction, à mesure qu'elles se présentent.
C'est la partie du travail où l'ensemble est à portée de main... mais en pièces détachées! C'est la partie du travail où il est un peu ardu de prioriser les dossiers, les besoins, les urgences... Tout s'emmêle et se confond.
En même temps, dans une production de ce type, l'apport esthétique n'occupe qu'une mince part du labeur. L'essentiel reste le texte, les comédiens, leur jeu.
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jeudi 23 juin 2016
Quand le fiel canadien-français (de Québec) coule sur Sarah Bernhardt...
Sarah Bernhardt en Cléopâtre... en 1891
Parmi les dithyrambes qui s’amoncelaient aux passages remarqués de Sarah Bernhardt au Canada(-Français) à la fin du XIXième et au début du XXième siècle se glissaient parfois des couacs bien sentis... comme celui-ci, tiré du journal La Vérité de Québec (journal fidèle aux enseignements de l'Église... il va sans dire... qu'on peut voir ici), en date du samedi 18 avril 1891, et titré Paganisme moderne (en page 299):
La comédienne juive Sarah Bernhardt vient de faire une tournée au Canada.
Nous regrettons de le dire trop de Canadiens-Français oubliant ce qu'exige la dignité chrétienne et les simples convenances se sont traînés aux pieds de cette femme qui, si la bêtise mondaine ne l'eût décorée du titre d'artiste, porterait un tout autre nom que la pudeur défend d'écrire.
Cet empressement fiévreux autour d'une actrice dévergondée a été un spectacle honteux. L'encens qu'on a brûlé en l'honneur de cette comédienne a une odeur fétide.
Le paganisme antique n'est pas détruit; ou plutôt il ressuscite en ce siècle de prétendues lumières. Le joug ignoble de la lubrique Vénus, que les siècles de foi avaient brisé, s’appesantit de nouveau sur les peuples, les avilit, les rends mûrs pour l'esclavage. C'est profondément triste.
M. Fréchette (Louis Honoré), qui ne manque jamais une occasion de se répandre en injures contre la monarchie française, s'est constitué le cornac [cornac: celui qui guide et soigne un éléphant!] de la Bernhardt. Pourtant, au temps de la monarchie française, si l'on fréquentait les théâtres, on avait au moins assez de bon sens et de dignité pour mépriser les comédiennes. Aujourd'hui, on les adore!
Et vlan.
Pour terminer ce billet un peu dans le même sens, voici, en lien, l'audiofil d'une capsule d'À rebours d'André Martineau (sur la visite de la «Voix d'Or») produite par ICI Radio-Canada.
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mercredi 22 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Voici quelques notes générales données aux comédiens suite aux répétitions des derniers jours… des notes qui vaudront pour l'ensemble des ultimes répétitions (il en reste officiellement six incluant les deux générales) et des représentations.
DU PUBLIC
- Je n'insisterai jamais assez sur cet élément: la farce est un genre théâtral éminemment public. C'est du burlesque avant la lettre. C'est fait pour faire rire. Pour atteindre rapidement le spectateur.
- Du coup, méfiez-vous de jouer vos personnages de façon trop psychologique, de fermer l'univers dramatique à la seule petite histoire alors que l'ouverture vers la salle doit être omniprésente. Vous devez jouer avec la salle. Écouter la salle. Cultiver la salle. C'est sa complicité que vous devez chercher et travailler.
- Votre principal partenaire de jeu doit être le public. Plus que bien d'autres types de pièces de théâtre.
DE LA COMPRÉHENSION DES ENJEUX
- C'est toujours un peu étrange d'y revenir, mais relisez bien vos textes et portez bien attention à ce que vous dites. Car à force de répéter, il arrive qu'on prenne pour acquis certaines phrases, certaines actions qui demanderaient plus d'attention pour celui qui écoute la pièce pour la première fois.
- Portez une attention particulière aux débuts des scènes et à la fin de celles-ci pour bien dessiner la situation. Attention de ne pas les escamoter.
DE L'ESPACE
- Vous jouez dans un espace qui rappelle les tréteaux (aire de jeu étroite coupée par des rideaux). Il demande que vous en preniez conscience et que vous agissiez avec théâtralité.
- Il vous appartient de bien maîtriser ce lieu scénique et de bien intégrer la dynamique qu'il impose. Il vous faut comprendre les zones de chaque pièce et les zones dans les pièces elles-mêmes, comprendre comment faire les déplacements et les mouvements pour contrer l'impression de petitesse.
DES ACCESSOIRES
- C'est un peu cliché… mais les accessoires doivent être comme des prolongements du corps. Ils ne peuvent être utilisés avec indifférence.
- Qu'il s'agisse des manteaux de laine, du pâté, de l'étal, du balai, du banc, du parchemin, de la plume, du drap, etc., il faut que l'objet/accessoire ait de la présence… voire même du caractère.
- C'est d'autant plus important, dans les farces, qu'il n'y a pas de scénographie à proprement parlé.
DES COSTUMES
- Un peu comme le point précédent, il faut que les costumes acquièrent une présence, qu'ils collaborent aux personnages.
DU TON
- Depuis le début, il a été convenu, pour rapprocher les farces de leur contexte «populaire», que vous deviez amener le texte à une langue elle aussi «populaire». Plus vous vous mettez ces vers en bouche et le plus c'est efficace.
- Attention par contre de ne pas exagérer les syllabes et entraver ainsi la compréhension des mots.
DU RYTHME
- L'un de vos principaux outils dans les farces est le rythme. Vous devez savoir jouer avec lui… et c'est de la conjugaison des pauses, des ralentis, des accélérations, des chuchotements, des cris, des ruptures que le rythme s'imposera.
- En aucun cas le rythme se confond avec la précipitation.
- Le rythme est multiple. Il y a le rythme général de la pièce. Le rythme de chaque situation. Le rythme de chaque personnage. Le rythme de chaque réplique.
- Pour bien soutenir le rythme, il n'y a que trois choses: le travail personnel, la concentration et l'écoute. L'attention doit être sans faille.
- Dans ces farces, c'est l'un des éléments capitaux, l'un des éléments qui fait parfois le plus défaut.
DE LA FOLIE
- Ces trois textes demandent à être portés par une énergie vive (sans être précipitée!), dynamique… voire même par une certaine folie! La moindre hésitation, le moindre relâchement paraît et nuit au bon déroulement de la suite.
- La farce, c'est du théâtre de transgression. Du théâtre de défoulement qui se permet de rire de tout. C'est du théâtre comique. Du théâtre d'ironie. Du théâtre comme un grand éclat de rire.
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mardi 21 juin 2016
La Nuit...
Voici une belle description de la Nuit théâtrale... tirée du même bouquin que celui cité hier:
NUIT: Un demi-tour de clef donné au conduit du gaz; un quart de conversion imprimé aux lumières des coulisses; un voile de mousseline bleue devant la rampe; des verres de couleur aux quinquets, des sourdines à tous les instruments à corde; à l'orchestre, des traits de harpes, de quintes ou de violoncelles; sur la scène, un silence solennel; et dans les loges, des conversations en rapport avec la clarté mystérieuse dont la salle est enveloppée, tels sont les moyens, les indications et les conséquences de la nuit au théâtre.
lundi 20 juin 2016
Deux poids, deux mesures...
Extrait du Dictionnaire théâtral - Douze cent trente-trois vérités sur les directeurs, régisseurs, acteurs, actrices et employés des divers théâtres publié en 1824 qui montre que ce ne sont pas tous les artistes de la scène qui ont subi les foudres de l'Église...
samedi 18 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Le Combat de carnaval et de carême, Pieter Brueghel (1559)
Avec les farces, nous pénétrons dans le monde non officiel de la société médiévale; le théâtre des mystères, lié aux couches supérieures de la cité, n'est pas le théâtre populaire que l'on dépeint parfois aujourd'hui. Le théâtre populaire est le théâtre des farces, lui seul appartient aux couches «inférieures» de la population, constamment absentes de l'histoire. De ce fait, il nous propose une image unique de la configuration idéologique d'une collectivité qui a conscience d'elle-même lors des grands rassemblements de la foire ou du carnaval. [...] La farce a essayé d'étendre au-delà de ces jours de festivités autorisées le domaine de la liberté. Mais, à l'image même de ceux auxquels elle s'adresse, elle ne colporte pas une conscience politique des problèmes sociaux en cause. [...] Ce théâtre populaire n'a jamais visé les rassemblements gigantesques des mystères, il agissait par de multiples foyers, se donnant lui-même ses auteurs et ses acteurs. Il n'était pas question de faire oeuvre d'art, mais de donner lieu à un rire profanateur et fécond, porteur d'éléments d'origine lointaine dont les vertus et les modes n'étaient parfois plus perçus, mais dont l'effet libérateur était toujours obscurément et viscéralement senti.
C'est là un autre extrait fort éclairant (sur la farce médiévale, son public cible et ses visées) tiré de l'ouvrage de l'éminent spécialiste Michel Rousse, La scène et les tréteaux - Le théâtre de la farce au Moyen Âge, publié chez Paradigme en 2004.
Le rapprochement est un peu simpliste et pourtant... la farce est au mystère ce que le burlesque québécois (et le théâtre de variétés) est au théâtre d'ici: les thèmes se ressemblent... de même que les schémas dramatiques, les punchs, les archétypes et le type de jeux de scène. Oui. Du burlesque... six siècles avant le temps.
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vendredi 17 juin 2016
Les éléments constituant le Comédien...
Ah... le Comédien. Quelle bête étrange qui doit donne de son être pour être quelqu'un d'autre... De tous temps on a écrit sur ce métier... Mais j'aime bien la description suivante, tirée d'un obscur ouvrage paru en l'an VIII (après la Révolution?): Les élémens de l'art du Comédien:
jeudi 16 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Hier, nous avons participé à la conférence de presse tenue par La Pulperie/Le Musée régional qui présentait ses activités estivales. C'est donc à ce titre que le Théâtre 100 Masques y était pour donner un bref aperçu de ce spectacle à venir. Pour l'occasion, les comédiens (sur la photo: Sophie Larouche, Gervais Arcand, Mélanie Potvin et Éric Chalifour) ont donné un petit extrait de La Farce du Pâté et de la Tarte.
Le cadre du Jardins des vestiges est enchanteur, c'en est presque cliché! Et entendre un bout d'une farce médiévale dans cet espace grandiose est fort intéressant. Et il n'en faudrait pas beaucoup plus pour rêver de faire un spectacle extérieur... n'eût été des chaotiques conditions météorologiques de notre coin de pays...
En attendant la première (qui d'ici là verra encore 5 blocs de répétitions, une entrée en salle, une technique et deux générales), voici ce qu'on en a dit:
De drôles de personnages à la Pulperie (Daniel Côté, Le Quotidien).
De drôles de personnages à la Pulperie (Daniel Côté, Le Quotidien).
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mercredi 15 juin 2016
«Spread your wings»
Spread your wings. C'est la locution (toute anglophone que je n'ai pas vraiment comprise sur le coup) qu'on m'a servi samedi dernier, au cours d'une rencontre amicale (par quelqu'un de la grand'ville) pour me dire que je devrais exporter mon travail, ma pratique. Bref, que je devrais faire preuve de plus d'ambition et sortir du Saguenay.
Cette vocation de rayonnement (dans le sens physique du terme), je ne l'ai pas vraiment. Pas que je souffre d'un manque de confiance ni par fausse humilité. Juste par une profonde envie de m'inscrire ici et de faire ma part dans la construction d'une identité culturelle forte régionale. (Même si certains jours, le doute s'insinue...)
Bien sûr, je ne dédaignerai jamais les offres venues de l'extérieur (comme des contrats) ou les opportunités de sorties (voire même des offres d'emplois). Certains défis méritent d'être relevés... mais mon temps et mes énergies, au jour le jour, se déploient sur un territoire, dans un milieu viable, qui n'est pas une sous-culture.
Si mon travail pouvait être valable ailleurs, il l'est tout autant ici.
Je ne me sens pas confiné au Saguenay. Je ne suis pas prisonnier. Je ne suis pas en attente de projets. Je ne suis pas riche - c'est vrai... - mais je gagne quand même ma vie - et parfois bien! - qu'avec le seul théâtre (et toutes autres tâches connexes). Enfin, je ne cours pas cette reconnaissance de l'extérieur (bien que je ne la rejette pas). Je n'ai pas à courir après elle. Si elle a à advenir, elle adviendra... même dans une région éloignée.
Si mon travail pouvait être valable ailleurs, il l'est tout autant ici.
Je ne me sens pas confiné au Saguenay. Je ne suis pas prisonnier. Je ne suis pas en attente de projets. Je ne suis pas riche - c'est vrai... - mais je gagne quand même ma vie - et parfois bien! - qu'avec le seul théâtre (et toutes autres tâches connexes). Enfin, je ne cours pas cette reconnaissance de l'extérieur (bien que je ne la rejette pas). Je n'ai pas à courir après elle. Si elle a à advenir, elle adviendra... même dans une région éloignée.
lundi 13 juin 2016
Une interprétation bien large...
Je poursuis encore ma quête de ce combat sans merci mené contre le théâtre par l'Église au fil du temps. Et à ce chapitre, les premiers Pères de celle-ci rivalisaient (comme il est possible de lire leurs opinions ici) en virulence et en intransigeance!
Tertullien, dans son De spectaculis (écrit entre 197 et 202 après J.-C.), réussit à trouver - tiré, selon lui, de la Bible - un fondement à sa haine vis-à-vis du théâtre:
Sans doute nous ne trouvons nulle part cette interdiction: «Tu n'iras point au cirque ni au théâtre; tu n'assisteras point à des jeux ni à des représentations», explicitement formulée comme les commandements: «Tu ne tueras point; tu n'adoreras point d'image taillée; tu ne commettras point d'adultère; tu ne voleras point.» Mais c'est bien de cette interdiction qu'il s'agit dans les premiers mots du psaume de David: «Heureux l'homme qui n'est pas entré dans l'assemblée des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et ne s'est point assis dans la chaire de corruption!»
Ainsi, David a parlé...
Ce qui m'intéresse le plus dans ces commentaires - outre la rhétorique fanatique - c'est toute cette charge négative qui s'est construite en parallèle avec l'évolution du théâtre au cours des siècles qui aboutit, de temps à autres, à des coups d'éclats (condamnations, excommunications, interdictions, censure)... et ce, jusqu'à des temps pas si lointains...
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samedi 11 juin 2016
De la confiance envers le public
Les directeurs culturels vous démontreront la frivolité des salles, leur absence de concentration, leur impatience, la dictature exercée par les habitudes télévisuelles sur leurs esprits, mais jamais leur goût pour le défi, la vérité ou le discernement. Le Public, cette invention, devient l'ennemi de l'Artiste, un bloc massif d'individus immuables en quête de divertissement, dont le nombre et conséquemment le pouvoir économique interdit toute intelligence. J'ai refusé que l'on décrive en ces termes le public.
Howard Barker, Arguments pour un théâtre
jeudi 9 juin 2016
Occuper l'espace...
Le personnage en scène n'occupe pas nécessairement le même espace que son interprète. Si l'un est objectif (celui de l'interprète, avec ses proportions réelles), l'autre est nettement plus subjectif (celui du personnage, avec ses dimensions qui sont théâtralisées).
L'espace devient dès lors un élément dynamique.
Cette dynamique spatiale appartient à l'interprète. C'est à lui d'user de l'espace selon les besoins de la scène, du personnage... à lui de l'agrandir ou le rapetisser par sa gestuelle, par sa posture, par ses enjambées, par ses déplacements... voire même par sa voix.
Du même espace, l'interprète peut, par son jeu, amplifier le côté intimiste comme il peut décupler l'impression d'étendue... il peut faire exister un lointain, un horizon, un univers... comme il peut en jouer concrètement les caractéristiques physiques au point d'en faire un principe moteur (par exemple, imposant une démarche aux pas très rapprochés ou en donnant l'impression d'enfermement).
Du coup, la contrainte spatiale, au théâtre, influence nécessairement le développement du personnage, sa gestuelle, sa posture, ses déplacements... voire même sa voix.
Le travail ne sera pas le même selon ce que la scène est grande ou petite, selon ce que l'aire de jeu est vaste ou étroite. La compréhension (la conscience) et la maîtrise de l'espace deviennent une part essentielle du jeu de l'interprète, au même titre que le personnage, l'intention et le rythme.
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mercredi 8 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Retour en salle de répétitions, aujourd'hui, pour un autre bloc de trois jours... Ça va vite. Il ne reste plus, avant les générales, que 10 rencontres (ce n'est que pour mettre un peu de pression parce que ça représente encore la moitié du temps imparti!)... soit environ 35 heures.
L'ensemble se précise de plus en plus et maintenant que les grandes lignes sont définies, il faut continuer à chercher la consolidation du texte (car c'est très difficile d'aborder ce type de théâtre avec une brochure à la main ou une mémorisation déficiente), l'efficacité scénique, le bon rythme (c'est souvent là le point d'achoppement dans les enchaînement.
Comme la même équipe de comédiens est impliqués dans chacune des trois farces, il faut aussi chercher à bien caractériser les personnages, varier les interprétations.
Nous ferons, cette semaine, le premier vrai enchaînement du tout.
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Du réalisme à la cohérence
Je ne m'en suis jamais caché: je ne suis pas un grand fan du réalisme au théâtre, de la recherche de l'émotion juste. La vérité à laquelle j'adhère, c'est celle du comédien en scène, du texte qu'il modèle selon des paramètres concrets (débit, force, effets), de son articulation dans l'espace, de l'image qu'il peut créer. La vérité de la convention, du faire exprès.
La vérité du théâtre, quoi...
C'est peut-être la raison pour laquelle je suis assez attiré par ce type d'extrait:
C'est aller à l'encontre de l'art dramatique, je crois, que de viser seulement, exclusivement à la vérité, à la reconstitution exacte d'un milieu, à l'étude naturelle d'un caractère, au développement logique de la vie, puisque tout est factice au théâtre, depuis le sol, plancher vulgaire, juisqu'au ciel, vagues frises. [Tout est factice, sauf, justement, le comédien, le texte, la scène.]
[...] Le théâtre étant de l'humanité artificielle [soit les univers montrés], je bâtis franchement ma pièce en pleine convention, je l'échafaude avec des accessoires nécessaires, et malgré cela - ou plutôt, grâce à cela - j'espère produire une impression de réalisme dans l'esprit du spectateur.
Bon... Oui, cet extrait (de la plume d'Auguste Linert, homme de lettres... et anarchiste français que je ne connais guère plus...) date de la fin du XIXième siècle et et date un peu en pourfendant le naturalisme qui s'était installé sur les scènes françaises... Mais le fond conventionnel m'intéresse tout de même beaucoup. Être non pas en quête de réalisme... mais en quête d'une réalité théâtrale cohérente.
mardi 7 juin 2016
Les tribulations mortuaires d'Adrienne Lecouvreur...
Il y a un mois, je publiais un billet sur les obsèques rocambolesque de Mademoiselle Raucourt (qu'on peut lire ici) rejetée par l'Église... en 1815
Quelques décennies auparavant, en 1730, le même type d'incident enflamma les passions autour, cette fois, du cadavre d'Adrienne Lecouvreur, immense actrice de l'époque, décédée dans des circonstances un peu nébuleuses au mortel parfum de poison, suite à une violente crise de dysenterie qui l'a sortie de scène et qui l'a vue se vider de son sang... Extrait de Grandes actrices - leur vie, leurs amours de Marcel Pollitzer:
[...] L'abbé Languet, curé de Saint-Sulpice, refusa d'accorder la sépulture chrétienne à celle qu'il était allé voir fréquemment de son vivant et qui, par son testament, avait laissé un legs pour ses pauvres. Non seulement il refusait l'entrée de son église à la dépouille de la tragédienne, mais il s'opposait à ce qu'elle fût ensevelie dans «l'endroit du cimetière réservé aux enfants morts sans baptême».
Maurice de Saxe et Voltaire [qui furent très proches d'elle] eurent beau faire entendre à l'abbé Languet qu'Adrienne Lecouvreur avait manifesté le désir de recevoir les derniers sacrements, mais qu'elle était morte avant qu'un prêtre ne fût arrivé, leurs supplications ne purent vaincre l'obstination du curé de Saint-Sulpice.
[...] Comme l'écrit M. G. Rollet, «c'était son droit, comme jadis on avait fermé l'Église à la dépouille de Molière, mais pouvait-il lui refuser l'entrée du cimetière, accordée même à l'auteur de Tartuffe et à bien d'autres comédiens? Et non seulement la sépulture religieuse, mais toute sépulture fut refusée à Adrienne Lecouvreur, qui n'eut même pas une bière pour dernier lit.
M. de Maurepas dut donner des ordres au lieutenant de police pour faire enlever le corps pendant la nuit. Guidés par M. de Lubinière, deux portefaix l'enterrèrent dans un chantier près de la Seine, à proximité du faubourg Saint-Germain. Le cadavre fut recouvert de chaux.
On ne sait pas où reposent les restes d'Adrienne Lecouvreur, car l'emplacement exact ne put jamais être identifié [...]
[...] Lorsque le scandale des funérailles clandestines de la tragédienne fut connu, il suscita de divers côtés des mouvements d'indignation. Voltaire assista à l'Assemblée extraordinaire que les Comédiens [de la Comédie-Française] tinrent le 22 mars. Il les exhorta à protester contre le traitement dont Adrienne avait été victime, et à décider qu'ils «n'exerceraient plus leur profession, si, en qualité de pensionnaires du Roi, ils ne pouvaient être assurés d'être traités comme les autres citoyens qui n'avaient pas l'honneur d'appartenir à Sa Majesté». Les Comédiens l'approuvèrent, mais par la suite renoncèrent à toute action.
Indigné par un tel traitement fait à la tragédienne adulée en son temps, Voltaire composera un poème de récriminations: La Mort de Mlle Lecouvreur:
Que vois-je ? Quel objet ! Quoi ! Ces lèvres charmantes,
Quoi ! Ces yeux d’où partaient ces flammes éloquentes,
Eprouvent du trépas les livides horreurs !
Muses, Grâces, Amours, dont elle fut l’image,
O mes dieux et les siens, secourez votre ouvrage !
Que vois-je ? C’en est fait, je t’embrasse, et tu meurs !
Tu meurs ! On sait déjà cette affreuse nouvelle ;
Tous les cœurs sont émus de ma douleur mortelle.
J’entends de tous côtés les Beaux-Arts éperdus
S’écrier en pleurant : « Melpomène n’est plus ! »
Que direz-vous, race future,
Lorsque vous apprendrez la flétrissure injure
Qu’à ces Arts désolés font des hommes cruels ?
Ils privent de la sépulture
Celle qui dans la Grèce aurait eu des autels.
Quand elle était au monde, ils soupiraient pour elle ;
Je les ai vus soumis, autour d’elle empressés :
Sitôt qu’elle n’est plus, elle est donc criminelle ?
Elle a charmé le monde, et vous l’en punissez !
Non, ces bords désormais ne seront plus profanes ;
Ils contiennent ta cendre ; et ce triste tombeau,
Honoré par nos chants, consacré par tes mânes,
Est pour nous un temple nouveau !
Voilà mon Saint-Denis ; oui ; c’est là que j’adore
Tes talents, ton esprit, tes grâces, tes appas :
Je les aimai vivants, je les encense encore
Malgré les horreurs du trépas,
Malgré l’erreur et les ingrats,
Que seuls de ce tombeau l’opprobre déshonore.
Ah ! Verrai-je toujours ma faible nation,
Incertaine en ses vœux, flétrir ce qu’elle admire,
Nos mœurs avec nos lois toujours se contredire,
Et le Français volage endormi sous l’empire
De la superstition ?
Quoi ! N’est-ce donc qu’en Angleterre
Que les mortels osent penser ?
O rivale d’Athènes, O Londres ! Heureuse terre !
Ainsi que les tyrans vous avez su chasser
Les préjugés honteux qui vous livraient la guerre.
C’est là qu’on sait tout dire, et tout récompenser ;
Nul art n’est méprisé, tout succès à sa gloire,
Le vainqueur de Tallard, le fils de la victoire,
Le sublime Dryden et le sage Addison,
Et la charmante Ophils, et l’immortel Newton,
Ont part au temple de mémoire :
Et Lecouvreur à Londres aurait eu des tombeaux
Parmi les beaux esprits, les rois, et les héros.
Quiconque a des talents à Londres est un grand homme.
L’abondance et la liberté
Ont, après deux mille ans, chez vous ressuscité
L’esprit de la Grèce et de Rome.
Des lauriers d’Apollon dans nos stériles champs
La feuille négligée est-elle donc flétrie ?
Dieu ! Pourquoi mon pays n’est-il plus la patrie
Et de la gloire et des talents ?
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lundi 6 juin 2016
Scène?
Voici, tirée de L'art de la comédie, une explication (se référant à celle de l'Abbé d'Aubignac) de l'origine étymologique de ce qu'on appelle une scène... la découpure d'une pièce ou l'espace où elle se joue? À la lecture du chapitre entier, c'est un peu confus...
dimanche 5 juin 2016
Au théâtre, cette semaine! (du 5 au 11 juin 2016)
Voici ce qui se passera, cette semaine, dans le milieu théâtral régional...
Mercredi à samedi, du 8 au 11 juin 2016
Alma (48 Rue St-Joseph), 19h
Tenue de l'événement Kiviv - Ralliement international de théâtre d'improvisation (des improvisations de longues durées), organisé par le collectif IKréa et IQ L'Atelier, sous la présidence d'honneur de Jimmy Doucet. La première soirée est confiée à une équipe québécoise, la seconde à une équipe belge, la troisième sera dirigée par Jimmy Doucet et le dernier soir laissera la place à un workshop. Pour plus d'informations, consultez la page Facebook de l'événement, ici ou l'article paru dans le Quotidien le 12 mai dernier, là.
Samedi, 11 juin 2016
Auberge de l'Île du repos (Ste-Monique), 21h
Le Théâtre du Faux Coffre présente Correspondance, les nouvelles lectures de Diogène, ce spectacle où il est question des échanges entre le célèbre Clown Noir et un arnaqueur web. Plus de détails ici.
samedi 4 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Billet éminemment théorique... et schématique! Voici ma demande aux comédiens comme type(s) de jeu(x) dans ces farces médiévales. Ça semble aller de soi... mais pour atteindre ces trois états, ça demande bien du travail car l'un ne va pas sans l'autre et c'est dans ce triumvirat que s'acquiert l'efficacité scénique.
Libellés :
100 Masques,
Acteur,
Farces médiévales,
Moyen-Âge,
Rapport à l'acteur
vendredi 3 juin 2016
Un autre blogue en théâtre...
L'une des plus récentes initiatives du groupe de compétence en théâtre (piloté par Culture Saguenay-Lac-Saint-Jean) est la mise en place d'un blogue pour présenter, dans des billets mensuels, le milieu théâtral d'ici et/ou différentes facettes de cet art. Un blogue moins personnalisé que le mien. Moins pointu. Plus accessible.
Déjà deux articles (l'auteure est Lucie Murray) ont été mis en ligne: un premier en avril (Il est temps de se RÉVEILLER: il y a du théâtre au Saguenay-Lac-Saint-Jean pour tous les goûts!) et un autre en mai (Top 10 des trucs pour apprendre son texte).
Voilà. Le lien vers ce blogue sera maintenant en permanence sur le mien, dans la colonne de droite,
Libellés :
Concertation,
Conseil Régional de la Culture
jeudi 2 juin 2016
L'«oreille absolue» de l'acteur...
[...] L'acteur doit avoir l'oreille absolue. L'oreille absolue de la vie.
Comment y parvenir? C'est un problème. Pas pour le metteur en scène, pour l'acteur. S'il y parvient, on peut faire des miracles avec cet acteur, ou sinon il faut attendre que l'acteur ait soixante-dix ans, là, le sentiment de la vie chez lui s'impose de lui-même...
L'«oreille absolue» n'est pas donnée à tout le monde. Tout simplement parce qu'il n'est pas donné à tout le monde de jouer.
Et parfois, cette oreille absolue est détruite - ou cachée; pour parler grossièrement, l'acteur chante faux, parle faux, alors qu'il pense parler juste, vrai. À ce moment-là, on ne peut pas lui dire: «Tu chantes faux!» Il ne comprendrait pas. Il faut le mettre dans une situation de jeu telle que lui, en lui-même, entende une autre vérité. Il suffit d'une seule fois pour que, sous la violence de cette impression, il dise: «Mais je n'ai rien joué du tout!» Effectivement, il n'a rien joué.
Pour lui, c'est incroyable, effrayant; pour la première fois, il sent qu'il n'a rien fait, qu'il n'a rien joué. Et on lui dit qu'à ce moment-là il était dans la position maximale, qu'il était «dedans»; il lui a semblé qu'il n'était pas expressif, qu'il ne sentait rien; et on lui dit: «Tu es l'expressivité même, tu débordes de sentiments...» [...]
C'est là une belle tentative d'explication de ce phénomène du jouer juste ou du jouer faux... l'une des choses les plus difficiles (parce que presque ésotérique!) à indiquer (concrètement!) à un comédien!
L'extrait est tiré de Sept ou huit leçons de théâtre d'Anatoli Vassiliev (metteur en scène soviétique puis russe), publié en 1999 chez P.O.L. éditeurs.
mercredi 1 juin 2016
Farces médiévales [Carnet de mise en scène]
Nous entreprenons, aujourd'hui, un nouveau bloc de répétitions.
Les trois farces sont maintenant placées dans une première ébauche de mise en scène. Le tout est, bien sûr, grossièrement défini. Une esquisse.
Le tâtonnement dans l'espace, la fragilité du texte et le manque d'assurance remplacent, pour le moment, la théâtralité et l'aisance. Maintenant, il faut poursuivre dans la recherche des personnages, dans la quête de la précision (des intentions, des réactions, des gestes et des mouvements), dans l'exploration des possibilités scéniques.
Les écueils sont les mêmes que dans bien des comédies: le sacro-saint rythme (la ligne est si mince entre le trop vite et le trop lent, entre la bonne réaction et la mauvaise) et l'engagement (souvent avec réticence) dans le ridicule du personnage...
C'est un peu comme un gâteau d'anniversaire: la base est faite... maintenant, il reste à rendre le tout attrayant, surprenant, amusant! Et aussi, trouver comment l'enchaînement de ces trois textes pourra se faire! Mais une chose à la fois...
(Pendant ce temps, les costumes arrivent morceau par morceau et les accessoires sortent peu à peu de l'atelier!)
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